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mitochondriale sur l’activité photosynthétique et les transitions d’état

3.1.3. La chlororespiration et son influence sur les transitions d’état

Les plastoquinones ne sont pas seulement impliquées dans la chaîne de transport d’électrons photosynthétique. Elles sont également au carrefour d’une chaîne respiratoire chloroplastique non photosynthétique (ou chaîne chlororespiratoire) (Figure 32). Même si les preuves de son existence ont été apportées grâce à des études menées sur Chlamydomonas (Bennoun, 1982), c’est d’abord chez les plantes que des complexes enzymatiques analogues aux enzymes mitochondriaux ont été mis en évidence. On sait en effet qu’une NAD(P)H déshydrogénase composée de onze protéines homologues à onze des quatorze constituants du complexe I bactérien, catalyse le transfert d’électrons provenant d’équivalents réducteurs du stroma vers les plastoquinones (Burrows et al., 1998; Peltier et Cournac, 2002). Une plastoquinone oxydase transférerait ensuite les électrons

de PQH2 à l’oxygène moléculaire. Chez

Chlamydomonas, aucun gène homologue aux gènes encodant les constituants de la NAD(P)H déshydrogénase chloroplastique des plantes supérieures n’a été identifié dans le génome du chloroplaste ou du noyau (Peltier et Cournac, 2002) alors qu’une activité de type oxydase a été mise en évidence (Cournac et al., 2000).

Figure 32. Modèle de la connexion entre la chaîne de transport d’électrons photosynthétique et la chaîne chlororespiratoire (Bennoun, 1982; Peltier et Cournac, 2002). Cyt, cytochrome ; Pc, plastocyanine, PQ, plastoquinone ; PS, photosystème, Fd, ferrédoxine, FNR, ferrédoxine NADP+ réductase, NAD(P)H-PQ, NAD(P)H :plastoquinone oxydoréductase.

Le rôle physiologique de la chlororespiration est aussi peu connu que les mécanismes qui la gouvernent. Même si un potentiel membranaire thylakoïdien est observé chez Chlamydomonas à l’obscurité, il ne semble pas lié à la présence de la chaîne chlororespiratoire. Cette dernière ne serait donc pas impliquée dans la synthèse d’ATP (Cournac et al., 2000). Différents rôles lui ont été par ailleurs attribués, comme l’oxydation d’équivalents réducteurs en excès (Cournac et al., 2000) ou l’élimination d’espèces réactives de l’oxygène du chloroplaste (Casano et al., 2000). Des données obtenues chez le tabac concilient deux hypothèses, suggérant la participation de la NADH déshydrogénase dans le flux cyclique d'électrons autour du photosystème I, à la lumière, et son implication dans la chlororespiration à l'obscurité (Burrows et al., 1998; Joet et al., 2002).

Comme les PQ constituent un point de jonction entre les chaînes de transport d’électrons photosynthétique (linéaire et cyclique) et chlororespiratoire, et qu’elles jouent un rôle de senseur permettant de réorganiser l’appareil photosynthétique, il est probable que la chlororespiration influence les transitions d’état. Les techniques pour induire artificiellement l’état II en laboratoire se basent d’ailleurs largement sur la chlororespiration puisqu’il s’agit de rendre le milieu de culture anoxique (Fleischmann, 1999; Wollman et Delepelaire, 1984). Dans ces conditions, la respiration mitochondriale est inhibée, la concentration en ATP chute, la glycolyse est stimulée (effet Pasteur) et la concentration en NAD(P)H dans le stroma augmenterait. Le NADPH pourrait être oxydé par la NAD(P)H déshydrogénase qui réduit le pool de PQ et provoque le passage à l’état II.

Résultats

3.2. Résultats

Le métabolisme d’une cellule eucaryote est tributaire de la génération d’ATP par la photosynthèse et la respiration. Bien que ces deux processus soient bien compris individuellement, il existe peu de données relatives à leurs régulations mutuelles. Dans les cellules des plantes, des interactions complexes ont lieu entre photosynthèse et respiration parce que les deux processus sont dépendants des mêmes métabolites fondamentaux tel que ADP/ATP, NAD(P)H, triose- phosphate et hexose-phosphate (Hoefnagel et al., 1998). L’influence de la respiration sur la photosynthèse pourrait impliquer des modifications de l’organisation de l’appareil photosynthétique, en particulier via les transitions d’état. Chlamydomonas reinhardtii s’est avéré être un organisme de choix pour analyser ce phénomène, principalement parce que la transition de l’état I à l’état II est accompagnée d’une diminution importante de la fluorescence (Wollman et Delepelaire, 1984) due à l’association de près de 80% des LHCII au PSI (Delosme et al., 1996). Une transition rapide à l’état II est observée lorsque l’activité respiratoire mitochondriale est perturbée (anaérobiose, agents découplants, inhibiteurs) (Bulté et al., 1990). Des études récentes ont montré que l’anaérobiose provoque également une inhibition transitoire du dégagement d’oxygène et une stimulation du transport cyclique d’électrons autour du PSI à l’état II (Finazzi, 1999; Finazzi et al., 2002). Chez Chlamydomonas, il a aussi été montré que l’addition à l’obscurité d’agents découplants ou d’inhibiteurs induit une chute rapide la concentration en ATP et une stimulation de la glycolyse. Ceci entraîne une augmentation de la concentration en NAD(P)H et cause une réduction non-photochimique du pool de PQ (Rebeille et Gans, 1988). Comme nous l’avons signalé plus haut, la réduction du pool de PQ déclenche la transition vers l’état II.

A ce jour, les modèles explicatifs de la réponse du chloroplaste aux variations de la respiration mitochondriale ont tous été construits sur base d’expériences menées en anaérobiose, ou en présence de molécules inhibitrices ou découplantes. L’analyse du transport d’électrons photosynthétique chez des mutants mitochondriaux affectés à des degrés divers constitue une approche nouvelle et originale pour évaluer les répercussions de l’activité mitochondriale sur l’organisation de l’appareil photosynthétique.

Dans cette partie du travail, nous avons analysé le transport d’électrons photosynthétique et l’organisation de l’appareil photosynthétique chez divers mutants mitochondriaux de Chlamydomonas5. Tous ces mutants présentent une croissance lente (phénotype dk+/- ; mutants dum5, 17, 20 et 25) ou nulle (phénotype dk- ; dum1, 18, 19, 21 et 22) lorsqu’ils sont cultivés en conditions hétérotrophes. Les mutants dum5, 17, 20 et 25 sont affectés dans l’activité du complexe I (cf. partie 2 des Résultats). Les autres mutants présentent une activité nulle du complexe III [mutations dum1 et dum21 dans le gène cob (Matagne et al., 1989; Matagne et Remacle, 2002)], du complexe IV [mutations dum18 et dum19 dans le gène cox1 (Colin et al., 1995)], des complexes I et III (mutant dum22, cf. partie 2 des Résultats) ou encore des complexes I et IV (mutant dum19/dum25). Ces mutants peuvent être répartis en trois classes en fonction du nombre de sites de pompage de protons potentiellement perdus : perte d’un site chez les mutants du complexe I, de deux sites chez les mutants du complexe III ou du complexe IV, ou de trois sites chez les doubles mutants I+III ou I+IV.

Ces analyses ont permis d’établir une relation directe entre l’activité respiratoire mitochondriale et le rendement du transport linéaire d’électrons photosynthétique. Dans le cas des doubles mutants, ce rendement est réduit à 15-20% de la valeur du sauvage, suggérant que l’énergie lumineuse est principalement employée dans un transport cyclique d’électrons. Une stimulation du transport cyclique d’électrons a été en effet observée en déterminant l’énergie de stockage du PSI sous lumière modulée (expérience de photoacoustique menée en collaboration avec le laboratoire d’écophysiologie du Dr. M. Havaux, Cadarache, France).

Bien qu’aucune différence significative dans la stoechiométrie des complexes majeurs impliqués dans la phase claire de la photosynthèse n’ait été observé entre les différentes souches, l’analyse des spectres de fluorescence à basse température (77°K) montre une excitation préférentielle du PSI chez les mutants, ce qui indique une transition à l’état II. Cet effet est corrélé à la phosphorylation de polypeptides des antennes

5 Cette étude a bénéficié de la collaboration de G. Gloire dans le cadre d’un mémoire de Licence (Gloire G., 2001).

Résultats

collectrices de lumière (LHCII), témoignage de leur association préférentielle au PSI. Des expériences de transition à l’état I indiquent par ailleurs des taux plus élevés de réduction non-photochimique du pool de plastoquinone sans doute via la chlororespiration chez les mutants les plus affectés. Ceci a été confirmé par des mesures de la réduction du pool de PQ de cellules adaptées à l’obscurité.

Ces résultats démontrent que des déficiences respiratoires permanentes stabilisent l’état II, situation

qui favorise le transport cyclique d’électrons au détriment du transport linéaire dans le chloroplaste. D’une manière générale, nos résultats suggèrent que le rôle premier des transitions d’état chez Chlamydomonas n’est pas de garantir une excitation équitable des deux photosystèmes mais bien de permettre à la cellule de s’adapter aux changements de la demande en ATP intracellulaire.

Publication 4. Cardol P., Gloire G., Havaux M., Remacle C., Matagne RF., Franck F.

(2003) Photosynthesis and State Transitions in Mitochondrial Mutants of

Chlamydomonas reinhardtii Affected in Respiration. Plant Physiol. 133(4):2010-20.