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La technique combinant administration de cytotoxique et embolisation a toutefois permis d’améliorer les résultats (V P Chuang and Wallace 1981; Okamura et al. 1982; Y Z Patt et al. 1983; Konno et al. 1983a; K Takayasu et al. 1987). La chimioembolisation artérielle hépatique est un traitement considéré comme palliatif que ce soit pour le traitement des tumeurs primitives du foie (CHC) ou de certaines lésions secondaires (métastases). Elle consiste en l’administration dans les branches artérielles hépatiques, d’un cytotoxique (chimiothérapie) vectorisé suivi d’un ralentissement voire d’une occlusion du flux artériel (embolisation). La chimioembolisation fait partie des traitements loco-régionaux hépatiques qui ont l’avantage de cibler les lésions à traiter. Elle permet ainsi de diminuer les effets secondaires systémiques par rapport à un traitement délivré par voie intra veineuse,

d’augmenter les doses de cytotoxiques administrées ainsi que le temps de contact entre les lésions et le cytotoxique. En outre, l’embolisation permet d’augmenter l’efficacité du traitement par un effet ischémique surajouté (Vincent P Chuang and Wallace 1981; Y Z Patt et al. 1983)

La TACE est principalement utilisée dans le traitement des CHC. L’indication la plus couramment retenue est le CHC au stade B (intermédiaire) selon la classification BCLC avec un niveau de recommandation 1A (evidence 1iiA).

La chimioembolisation est aussi utilisée dans le traitement des métastases hépatiques hyper- artérialisées. J’ai pu participer à une étude sur la chimioembolisation artérielle des métastases hépatiques de tumeurs neuro-endocrines, dans laquelle nous rapportons l’efficacité de la d’une drogue spécifique de la pathologie, la streptozocine (Jean-Pierre Pelage et al. 2017).

Il existe deux types de technique de chimioembolisation : la TACE conventionnelle, la plus ancienne, qui utilise le lipiodol (Guerbet, France) comme vecteur pour la chimiothérapie et la TACE aux billes chargées. Dans ce cas, la chimiothérapie est vectorisée grâce à des microparticules dont il existe actuellement plusieurs types sur le marché : LifePearl (Terumo European Interventional Systems, Leuven, Belgium), DC Bead (BTG, Farnham, United Kingdom), HepaSphere (Merit Medical, South Jordan, Utah) et Tandem (Varian Medical, Palo Alto, California)

i. Rationnel de l’utilisation du lipiodol (cTACE)

La technique de chimioembolisation artérielle hépatique au lipiodol a été développée dans les années 80 au Japon (Konno et al. 1983b; Yamada et al. 1983b; Nakamura et al. 1989; Uchida et al. 1990). Elle consiste en l’administration d’une émulsion « cytotoxique + lipiodol » dans les artères hépatiques suivie d’une injection de gélatine (agent embolisant résorbable). C’est cette technique de TACE qui a été évaluée par deux études randomisées publiées en 2002 (Llovet et al. 2002; Lo et al. 2002). Le lipiodol est un agent de contraste lipophile constitué d’esthers éthyliques d’acides gras iodés d’huile d’œillette, fabriqué en France par le laboratoire Guerbet. Il est vendu depuis 1901. Son utilisation dans le traitement endoartériel des tumeurs hépatiques est basée sur de nombreuses propriétés (Idée and Guiu 2013). Son accumulation prédomine dans les tumeurs hyperartérialisées (Laval-Jeantet et al. 1972; T de Baere et al. 1995, 1996a). La rétention du lipiodol dans les tumeurs et le tissu adjacent dure

plusieurs semaines à plusieurs mois, alors qu’il est phagocyté par le tissu sain (via les cellules de Küpffer) au bout de sept jours. On lui connaît aussi un effet emboligène (Thierry De Baère et al. 1998). Les gouttelettes de lipiodol ont l’avantage de par leur taille de passer au travers des plexus péribiliaires du versant artériel des tumeurs au versant portal (Terayama et al. 2001). Utilisé comme vecteur il favorise un meilleur effet pharmacocinétique des drogues, d’autant plus que l’administration de l’émulsion drogue-lipiodol est suivie d’une embolisation (Raoul et al. 1992).

ii. Préparation de l’émulsion lipiodol-cytotoxique

La préparation du mélange lipiodol – drogue doit être effectuée selon les recommandations émanant des études in vitro réalisées dans les années 90. Le mélange « eau dans l’huile » (water in oil en anglais, encore abrégé wio) a démontré sa supériorité en termes de captation et de rétention intra-tumorale (T de Baere et al. 1996b; T de Baère et al. n.d.). Il est conseillé de réaliser l’émulsion grâce à un robinet 3 voies résistant au lipiodol, immédiatement avant son injection intra-artérielle. Il est également recommandé de ne pas utiliser plus de 20 ml de Lipiodol / séance, en raison de sa toxicité sur les voies biliaires et le poumon (Chung et al. 1996). Certains auteurs recommandent de ne pas utiliser plus de 15 ml de Lipiodol par séance, d’autres recommandent d’adapter la quantité de lipiodol à la taille du volume tumoral : en cas de lésion hyperartérialisée 2-3 ml / cm de tumeur ; en cas de lésion peu artérialisée : 1ml / cm de tumeur. Afin d’obtenir une émulsion optimale, le volume de la phase huileuse doit être le double de celle de la phase aqueuse (Nakamura et al. 1989). La seringue de Lipiodol (phase huileuse) est connectée au robinet, ainsi que la seringue de cytotoxique (phase aqueuse), en respectant les conditions de stérilité du matériel. On débute par l’injection de la seringue de drogue vers la seringue de lipiodol, puis on réalise au moins dix allers-retours au travers du robinet. L’injection endo-vasculaire doit ensuite être réalisée vigoureusement afin de faciliter la pénétration de l’émulsion dans les artères tumorales.

iii. Choix de l’agent cytotoxique

Comme nous l’avons vu dans le paragraphe d’introduction sur les stratégies thérapeutiques en RI, la doxorubicine, le cisplatine et l’épirubicine sont les agents les plus

utilisés au monde pour la chimioembolisation néanmoins sans fondement préclinique rigoureux (Mathieu Boulin et al. 2011). Certains utilisent une seule drogue, d’autres une association d’agents cytotoxiques. L’idarubicine a montré sa supériorité en termes de toxicité

in vitro (Mathieu Boulin et al. 2011). Les contre-indications d’utilisation de ces drogues de la

famille des anthracyclines, notamment en termes de cardio-toxicité sont à respecter. .

iv. Embolisation

L’agent d’embolisation le plus anciennement utilisé est la gélatine. En cas d’utilisation de gélatine, il est préférable d’utiliser des fragments préparés de 1-1,5mm plutôt que des fragments de gélatine préparés au travers d’un robinet 3 voies (Katsumori and Kasahara 2006). Néanmoins des agents non résorbables peuvent être utilisés (microsphères non chargées). Une étude japonaise a mis en évidence une meilleure survie avec l’utilisation de microparticules (Kenichi Takayasu et al. 2010). Certains recommandent d’utiliser des particules de 100-300 m. L’utilisation de particules de plus petit diamètre entrainerait des complications ischémiques graves (Brown 2004). L’objectif est d’obtenir une stase dans les branches de second ou troisième ordre de la branche lobaire hépatique (Lencioni, Petruzzi, and Crocetti 2013).

D’après l’EASL et l’EORTC, d’après la revue de la littérature, l’utilisation de la

chimiothérapie intra-artérielle, l’embolisation seule ou encore la chimio-lipiodolée c’est-à- dire sans embolisation complémentaire ne sont pas recommandées (“EASL-EORTC Clinical Practice Guidelines: Management of Hepatocellular Carcinoma.” 2012).

v. Technique aux billes chargées (DEB-TACE)

Cette technique a été développée en 2006 grâce au développement de billes chargeables en chimiothérapie. On parle alors de chimioembolisation artérielle non plus conventionnelle lipiodolée mais aux billes chargées ou DEB-TACE pour Drug-eluting beads - TACE. Contrairement à la technique lipiodolée, l’agent cytotoxique est chargé sur les billes (selon différents mécanismes en fonction du type de particules). Le chargement est le plus souvent réalisé en unité de chimiothérapie des pharmacies. Les billes sont livrées en radiologie interventionnelle une fois le chargement terminé sous la forme de seringues stériles.

Les particules sont ensuite mélangées avec un produit de contraste non-ionique, selon les recommandations des fabricants. Pour exemple, il est recommandé de mélanger 5 à 10 ml de contraste avec 1 ml de DC Beads (Lencioni et al. 2012). La suspension doit être homogène. L’injection des particules doit être lente (1ml de suspension/minute) et pratiquée aussi sélectivement que possible dans les branches segmentaires ou sous-segmentaires alimentant les tumeurs, à l’aide d’un microcathéter. Il faudra s’assurer pendant toute la durée de l’injection de l’homogénéité de la suspension. Des mouvements de balancement de la seringue ou encore un passage doux au travers d’un robinet 3 voies peuvent aider à conserver l’homogénéité du mélange (Lencioni et al. 2012).

Le point d’arrêt d’embolisation (end-point angiographique) attendu ici est une quasi stase dans les branches à destinée tumorale c’est à dire que la colonne de contraste doit être lavée au bout de 2 à 5 battements cardiaques. A ce moment, l’injection de billes doit être interrompue. En cas de point d’arrêt non atteint, deux attitudes peuvent être adoptées. La première consiste à compléter l’embolisation avec des billes non chargées. La deuxième consiste à interrompre l’intervention et à programmer une deuxième séance avec billes chargées. Actuellement, aucune donnée ne permet de positionner une attitude supérieure à l’autre.

Le relargage progressif de la chimiothérapie s’effectue à partir des billes vers les tissus adjacents.

vi. Comparaison cTACE vs DEB-TACE

La technique de chimioembolisation aux billes chargées présente un avantage pharmacocinétique par rapport au lipiodol. Elle permet un relargage systémique moindre de la chimiothérapie et un relargage local plus lent (Varela et al. 2007). De plus, elle pourrait en théorie permettre une standardisation des pratiques par rapport à la c-TACE. Deux études randomisées ont comparé les deux techniques mais n’ont pas montré de différence en termes de survie (Lammer et al. 2010; Golfieri et al. 2014). La technique aux billes chargées était mieux tolérée, les patients souffrant moins de douleurs abdominales(Lammer et al. 2010). On précise que les billes étaient chargées avec de la doxorubicine dans les 2 publications sus-

citées (Lammer et al. 2010; Golfieri et al. 2014). En termes de complications, les billes chargées semblent entrainer plus de lésions hépato-biliaires (Guiu et al. 2012).

Finalement la standardisation de la technique de TACE grâce aux billes chargées reste difficile en raison du nombre de particules différentes disponibles sur le marché ainsi que des mécanismes de chargement et de relargage différents (M. Boulin et al. 2015). Il existe également un grand nombre de tailles disponibles allant de 30 m à 900 m (M. Boulin et al. 2015). Le tableau 14 est issu de cet article.

Tableau 14 : Différentes billes chargeables en chimiothérapie disponibles en 2015 sur le marché français (Boulin et al. 2015).

Les différences de résultats cliniques sont liées aux différentes drogues chargées sur les particules et aux différentes caractéristiques des billes (Malagari et al. 2014; Guiu et al. 2015c). De études récentes suggèrent une efficacité supplémentaire des billes de très petit calibre (≤ 100m) en raison de leur capacité à migrer dans des vaisseaux intra-tumoraux plus distaux (Deipolyi et al. 2015; Guiu et al. 2015c). En parallèle aux développement de la

technologie des billes chargées, une optimisation de l’émulsion drogue-lipiodol pourrait améliorer le profil de relargage en TACE conventionnelle (Mathieu Boulin et al. 2015).