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PARTIE 3 : SUIVI DE TRAITEMENT

2. E CHEC THERAPEUTIQUE ET RESISTANCE

2.1. I

NTRODUCTION

L’échec thérapeutique peut être défini comme l’incapacité à obtenir une réponse virologique prolongée (RVS). Il existe deux types d’échec virologique[181] :

- L’échappement virologique qui correspond à la remontée de la charge virale pendant le traitement.

- La rechute qui correspond à la remontée de la charge virale après l’arrêt du traitement. Cela concernerait entre 5 et 10% des patients, à l’heure actuelle[181].

La résistance aux antiviraux à action directe (AAD) joue un rôle important dans l’échec thérapeutique[182]. Elle est liée à l’émergence de mutations de résistance appelées RAS (Resistance- Associated Substitution)[127], qui confèrent une résistance à des variants viraux appelés RAV (Resistance-Associated Variants)[182].

2.2. D

EFINITION DE LA RESISTANCE VIRALE

Lors de la réplication, la polymérase virale peut commettre spontanément des erreurs, qui entrainent des mutations, pouvant survenir sur l’ensemble du génome[183]. Chez toute personne infectée, le VHC existe sous forme de mélanges complexes génétiquement distincts mais étroitement apparentés de populations virales différentes : ce sont les quasi-espèces[182]. Certaines mutations vont conférer une résistance et un avantage réplicatif à certains variants, qui vont pouvoir devenir dominants au sein des quasi-espèces virales[184]. Cela peut donc avoir un impact sur la réponse au traitement[183].

La résistance virale correspond ainsi à la présence de variants viraux résistants préexistants, qui vont être sélectionnés par l’administration d’un traitement[185].

La résistance du VHC aux AAD est déterminée par deux facteurs majeurs[182] :

- La barrière génétique à la résistance : elle correspond au nombre et au type de substitutions nucléotidiques nécessaires pour permettre l’émergence de mutations de résistance (RAS), durant la réplication. Elle correspond aussi au nombre et au type de RAS requises pour qu’un variant viral acquiert une résistance totale à un médicament[182]. Cette barrière génétique à la résistance est influencée par différents éléments comme le type et le sous-type du VHC, l’activité pharmacocinétique du médicament, l’affinité de liaison de l’agent antiviral pour sa cible et enfin l’observance du patient[186].

- Le fitness : il définit la capacité d’un virus par rapport à un autre à se répliquer dans un environnement déterminé. Les mutations de résistance sont localisées sur des gènes codant pour des protéines virales essentielles. C’est pourquoi en fonction de leur position, elles vont influencer différemment la capacité réplicative du virus. Cette capacité réplicative correspond au pouvoir de multiplication du virus muté par rapport au virus sauvage[187][188]. Le fitness est indépendant du niveau de résistance conféré par les RAS[182].

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2.3. C

ARACTERISTIQUES DES RESISTANCES

Lors de l’administration d’AAD chez les malades, chaque population virale présente, au sein de la quasi-espèce, va évoluer selon une cinétique qui lui est propre. Cette dernière dépend de la quantité de virus présent au départ, de leur sensibilité aux médicaments et de leur fitness en présence du traitement[182].

Ainsi, les virus sauvages sont sensibles aux AAD et vont être rapidement éliminés, si la durée de la thérapie est suffisante. En revanche, les RAV ne sont que partiellement ou pas du tout éliminés. Certains seront donc encore présents à la fin du traitement mais seront indétectables dans le sang. Après l’arrêt du traitement, ils pourront alors recommencer à se répliquer et même acquérir de nouvelles mutations, responsables de la rechute virologique. D’autres RAV vont continuer à se multiplier malgré la thérapie : c’est l’échappement virologique [182].

2.4. R

ESISTANCES AUX ANTIVIRAUX A ACTION DIRECTE

2.4.1. Introduction

L’échec thérapeutique, associé aux AAD, implique des résistances sur des cibles multiples et la présence de mutations dans les régions NS3, NS5A et NS5B. De nombreux patients peuvent avoir, sur la même souche virale, des mutations sur ces trois cibles virologiques[181].

2.4.2. Inhibiteurs de protéases

Les inhibiteurs de protéases ont pour rôle de se fixer sur le site catalytique de la protéine NS3, afin de l’empêcher de cliver la polyprotéine virale. Lorsque des mutations se produisent à ce niveau, le site catalytique change de forme et l’inhibiteur ne peut plus s’accrocher, entrainant la résistance du virus au médicament.

Certaines mutations confèrent une résistance croisée à l’ensemble des molécules de la classe. C’est le cas, des mutations en position 155 ou 168 (les AA peuvent être différents en fonction du génotype). D’autres sont plus spécifiques de certaines molécules, par exemple la mutation en position Q80 avec le Siméprévir[185].

Les inhibiteurs de protéases ont une barrière génétique à la résistance faible[182].

2.4.3. Inhibiteurs NS5A

La protéine NS5A est composée de trois domaines (I, II et III). Elle est organisée en dimère à la surface du réticulum endoplasmique. Les inhibiteurs anti-NS5A vont cibler le domaine I[185]. La présence de mutations dans ce dernier (c’est-à-dire dans les 100 premiers AA) va gêner cette interaction et conférer une résistance à la molécule[189].

Les principales mutations ont été identifiées au niveau des codons 28, 30, 31 et 93[190]. Celles-ci confèrent un niveau de résistance très élevé à l’ensemble des molécules de la classe. Les RAV générés ont un fitness important, et se répliquent donc très bien parmi les patients chez qui ils ont été sélectionnés[185].

84 Tout comme les anti-NS3, les inhibiteurs de NS5A ont une barrière génétique à la résistance faible[182].

2.4.4. Inhibiteur non nucléosidique (NNI) NS5B (Dasabuvir)

La cible des NNI est un site allostérique situé à la surface de la protéine NS5B. Il existe quatre sites possibles : deux dans la région du pouce et deux dans la région de la paume (cf. Partie I, 2.1.5.8.). Les NNI viennent se coller sur l’ARN polymérase et change sa conformation tridimensionnelle : elle devient ainsi non fonctionnelle.

Les mutations responsables de l’apparition de RAV, pour le Dasabuvir, sont situées sur les positions 316, 414 et 556. Il n’y a pas de résistance croisée[185].

Le Dasabuvir possède une barrière génétique à la résistance faible[186].

2.4.5. Analogues nucléosidiques NS5B (Sofosbuvir)

Ils sont incorporés à l’ARN viral en synthèse, et cette insertion bloque l’élongation de la chaîne. Le fait qu’ils n’interagissent pas avec l’ARN polymérase mais directement avec l’ARN, leur confère une barrière génétique à la résistance élevée.

Des RAV peuvent tout de même apparaitre, notamment avec des mutations en position 159, 282 et 321. Cependant, ces variants ont un défaut de fitness, autrement dit, ils ne peuvent pas se répliquer à un niveau élevé. Ainsi, même si ces RAV sont sélectionnés, il n’y aura que très rarement une élévation de la charge virale et donc l’apparition d’une résistance clinique[185].

2.5. E

VOLUTION DES VARIANTS RESISTANTS APRES ECHEC DU TRAITEMENT

Après l’arrêt du traitement, les variants viraux résistant aux inhibiteurs de protéases disparaissent progressivement en quelques semaines à quelques mois, et sont remplacés par des virus de type sauvage, sensibles aux AAD[181][182][185].

A la différence, les virus résistant aux inhibiteurs de NS5A et au Dasabuvir vont persister pendant des années, peut-être même indéfiniment. Ceci peut être dû au fait qu’ils aient plus de fitness ou alors parce qu’ils sont incapables de revenir au type sauvage pour des raisons génétiques. Cela pose donc un problème de retraitement et montre que l’arsenal thérapeutique pourrait être encore amélioré[182][185].

2.6. R

ECHERCHE DES

RAV

Au moment de l’échappement ou de la rechute, les patients présentent des virus qui sont résistants à un ou plusieurs AAD administrés (plus rarement aux inhibiteurs nucléosidiques de NS5B)[181]. La recherche des variants résistant est-elle utile avant l’initiation d’un traitement ? La réponse est non[183][185]. Tout d’abord, parce que la recherche des RAV est compliquée. En effet, la région du génome à séquencer est très vaste (fragments des gènes codant pour les protéines NS3, NS5A et NS5B) et doit être adaptée à chaque génotype[182][189].De plus, il n’existe aucun test standardisé et aucune homogénéité de la sensibilité de ces tests : chaque laboratoire peut donc avoir sa propre

85 interprétation. Leurs résultats pourraient ainsi limiter l’accès à certains antiviraux, ce qui n’est pas l’objectif à l’heure où l’ouverture du traitement à l’ensemble des malades est prônée[185].

Il faut savoir que la présence de RAV est associée à une diminution modeste du taux de RVS. Cependant, celui-ci reste très élevé chez les patients présentant des RAV et leur présence ne contre- indique pas le traitement avec l’antiviral en question[181].

Toutefois, certains RAV pouvant persister pendant longtemps après l’arrêt du traitement, ils devraient être recherchés avant la mise en place d’une seconde ligne thérapeutique[189]. Les tests de résistance ne sont pas obligatoires mais peuvent guider les stratégies de retraitement[182].

2.7. Q

UELLES STRATEGIES UTILISER APRES ECHEC THERAPEUTIQUE

?

La réponse à cette question est extrêmement difficile.

Il faut, en premier lieu, rechercher les éventuelles autres causes d’échec : mauvaise observance, interactions médicamenteuses, arrêt prématuré, schéma non optimal ou encore une réinfection virale. Si l’échec est lié à des mutations de résistance, leur identification pourra être importante, lors de la détermination la nouvelle ligne thérapeutique à adopter[183].

Ensuite, il existe plusieurs schémas thérapeutiques possibles, mais leur niveau de preuve est faible. C’est pourquoi, lors d’un retraitement, les dossiers des patients doivent être présentés en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP), avec l’avis d’un virologue expert. Si possible, ces malades devront être inclus dans des essais thérapeutiques, des études de cohorte ou un observatoire de recherche[127][183].

Il existe, cependant, certaines recommandations d’expert qui préconisent l’utilisation systématique du Sofosbuvir, dans les stratégies de retraitement. Il serait associé à un ou deux AAD, si possible sans résistance croisée avec les AAD déjà administrés. L’ensemble sera combiné à la Ribavirine. La durée de traitement serait comprise entre 12 et 24 semaines[127][182][185].

En Février 2016, l’AFEF a publié les recommandations suivantes[183]:  Pour les génotypes 1, 2, 4, 5 et 6 (traitement de 24 semaines):

- Si présence de variants résistant aux inhibiteurs anti-NS3 : SOFOSBUVIR + ANTI-NS5A + RIBAVIRINE

- Si présence de variants résistant aux inhibiteurs anti-NS5A : SOFOSBUVIR + ANTI-NS3 + RIBAVIRINE

- Si présence de variants résistants aux inhibiteur anti-NS5B : SOFOSBUVIR + ANTI-NS3 + ANTI- NS5A + RIBAVIRINE

- Si présence de variants résistants aux inhibiteur anti-NS3 et anti-NS5A : SOFOSBUVIR + ANTI- NS3 + ANTI-NS5A + RIBAVIRINE

 Pour le génotype 3 :

- Si patient non cirrhotique : inclusion dans un essai thérapeutique ou surveillance dans l’attente de nouvelles options thérapeutiques

86 - Si patient cirrhotique et présence de variants résistant aux inhibiteurs anti-NS5A :

SOFOSBUVIR + IFN-PEG + RIBAVIRINE pendant 12 semaines

2.8. C

ONCLUSION

La résistance du VHC aux antiviraux à action directe peut empêcher certains patients d’atteindre une réponse virologique soutenue. Cela concerne notamment ceux ayant un génotype 1a ou 3, une cirrhose ou ceux n’ayant pas répondu au traitement à base d’IFN-α[182].

Cette résistance est due à l’émergence de variants viraux, liés à l’apparition de mutations dans le génome. Cependant, il faut savoir que tous ces variants ne sont pas égaux : certains sont associés à un impact sur la SVR, d’autres non. Ainsi, l’important n’est pas la mutation en elle-même mais le niveau de résistance qu’elle confère[185]. Ce sont les variants résistant aux inhibiteurs de NS5A qui sont les plus contraignants car ils peuvent persister pendant plusieurs années et donc compromettre le résultat des retraitements[182].

Il faut noter que la percée virologique est exceptionnelle, la plupart des échecs thérapeutiques sont des rechutes. Après échec virologique, une grande partie des variants d’une quasi-espèce sont résistants à au moins l’un des AAD[182].

Enfin, même si des stratégies de retraitement existent, les stratégies de traitement de première ligne doivent être optimisées pour prévenir efficacement l’échec dû aux résistances[182].

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