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Les chargés de mission handicap : être « du côté des travailleurs » ou

I. Les réponses des employeurs 149

1.   Les chargés de mission handicap : être « du côté des travailleurs » ou

Les personnes en charge du handicap dans les organisations estiment qu’elles jouent le rôle de lien entre les travailleurs handicapés et la direction autour des questions de handicap. Elles considèrent néanmoins que cette position, à mi-chemin entre le personnel et l’organisation, n’est pas facile à tenir.

« Je pense que c'est un métier difficile. Au sein du service des ressources humaines, je pense que, souvent, on est vu comme les empêcheurs de tourner en rond, quand même. Parce que, pour eux, ils ont le sentiment qu'on prend tout le temps le parti de l'agent. Alors que moi je suis assez claire là-dessus, je ne prends pas son parti. Je travaille pour l'administration. Et le travail qu'elle m'a donné, c'est de mettre en place une politique du handicap. Je fais mon travail sans parti pris. » (Chargée de mission handicap, fonction publique territoriale)

Certains référents handicap insistent aussi sur la nécessité de ne pas être strictement assimilés à la direction, fusse-t-elle des ressources humaines.

« Etre référent handicap, ce n'est pas un métier dans le répertoire des métiers de la fonction publique. Personnellement, je défends la création de ce métier en tant que tel. De mon point de vue, il est plus facile de venir du monde social ou du soin et se former par la suite à la législation que de faire la démarche inverse. L'accompagnement, ça ne s'improvise pas, c'est un travail de longue haleine, le respect de l'autre, l'écoute, c'est un travail en soi. En tant qu'assistante sociale [sa formation et son métier initial], j'avais l'étiquette ‘sociale’ et non ‘administrative’, ce qui est fondamental à mon sens, dans l'idée des agents et dans les

représentations. Même si je dépendais hiérarchiquement du DRH, ils connaissaient mon métier d'assistante sociale et ce qui était dit dans mon bureau restait dans mon bureau. Cet aspect rassure les agents car il y a le respect du secret professionnel » (Référente handicap et santé au travail, fonction publique hospitalière, enquête FIPHFP)

Les chargés de mission handicap font régulièrement état des difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur fonction, qui concernent principalement le positionnement qu’ils doivent adopter par rapport à leur organisation, d’une part et par rapport aux travailleurs, d’autre part. Ils estiment qu’ils peinent à trouver un équilibre satisfaisant entre leurs idéaux d’aide des travailleurs en situation de handicap, qui les ont poussés à prendre ces fonctions, et les pratiques concrètes de gestion de la politique de leur entreprise ou administration en matière de handicap. Etudier de plus près les socialisations professionnelles, juridiques et au handicap des personnes en charge du handicap dans les organisations permet de comprendre, d’une part, les choix posés par les organisations lorsqu’elles créent un service dédié à la gestion du handicap et choisissent un ou une candidate pour exercer cette fonction et, d’autre part, la manière dont ces chargés de mission investissent leur fonction et redéfinissent, dans leur pratique quotidienne, les choix posés par leur organisation.

Les professionnels en charge du handicap occupent des positions variables au sein des organisations dans lesquelles ils travaillent. Seul un petit nombre d’entre eux sont dédiés à temps plein au handicap, la majorité exerçant cette activité en parallèle à d’autres missions de gestion du personnel ou de gestion de la politique de diversité dans l’entreprise. Le même constat est posé par Emmanuelle Fillion et Delphine Thivet : les établissements hospitaliers de taille limitée, a fortiori les petits EHPAD ou encore les petites structures d’accueil de personnes en situation de handicap en milieu rural, n’ont souvent ni les moyens financiers, ni les moyens humains de dédier un emploi à temps plein – voire même un temps partiel – à la mission handicap. Pour pallier cette difficulté, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) a institué une fonction de « référents handicap mutualisés » qui couvrent trois grandes régions et qui soutiennent les petites structures publiques dans la mise en œuvre d’une politique du handicap153

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Dans la plupart des cas, les professionnels en charge du handicap dépendent du service de gestion des ressources humaines, même si certains appartiennent à des cellules de gestion de la diversité qui sont directement rattachées à la direction de l’organisation. Une chargée de mission handicap fait le bilan de ses expériences dans plusieurs administrations où elle a occupé la même fonction. Elle estime que le rattachement de la

153 L’une de ces référents mutualisés explique qu’elle mène systématiquement un travail pédagogique

pour convaincre les directions des hôpitaux et des EHPAD de l’importance de missionner un référent handicap dans chaque établissement et de définir une politique du handicap qu’elle soutiendra ensuite sur un plan logistique et technique, étant entendu que cet agent n’aura pas les moyens d’intégrer l’ensemble des textes réglementaires, des outils et dispositifs d’aide à sa disposition.

mission handicap influence très fortement la manière dont ses différents employeurs ont investis le handicap et ont donné de l’importance à cette question.

« En général, soit la mission handicap est rattachée directement à la direction soit elle est rattachée au service des ressources humaines. Mais c'est une vraie question... Ici, c'est une vraie question de l'avoir, en plus, rattaché à un service de prévention, parce que : est-ce que c'est une question de prévention des risques professionnels ? Ben... La question se pose… (hésitations) Moi... je sais pas, j'en sais rien. Est-ce que c'est une question de ressources humaines ? Alors, oui, déjà, peut-être un peu plus... Mais est-ce que c'est seulement ça ? J'en sais rien. Du coup, quand on la place au niveau d'une direction, on lui donne une autre portée. Parce que c'est une position sociétale en fait. Et du coup, ce qu'on peut voir c'est que, finalement, dans les organisations, quand c'est porté assez haut, ce qu’il se passe, c'est qu'on recherche vraiment à tirer profit de la présence des personnes en situation de handicap de façon positive : en allant chercher quelles sont plutôt leurs compétences pour pouvoir mieux les intégrer dans les organisations. Plutôt que de se dire : ‘Je réponds à une obligation d'emploi, et ce que je veux c'est simplement y répondre. A partir du moment, où, déjà, je l'ai mis dans l'organisation, j'ai fait mon travail. Je ne me pose pas la question de sa carrière, ni de son évolution professionnelle, ni de savoir si ce qu'il fait lui plaît ou pas ; puisque de toute façon, déjà, j'ai été sympa : je l'ai pris.’ Et donc du coup, ça change quand même un petit peu le paradigme et la conception du métier. » (Chargée de mission handicap)

Cette « conception du métier » dont parle la chargée de mission est envisagée comme l’articulation complexe, dans le discours des personnes en charge du handicap, entre des idéaux de défense de la cause du handicap (1) et des pratiques concrètes de gestion du handicap (2), orientées plutôt vers l’accompagnement des travailleurs ou le management du handicap.

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