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CHAPITRE 7 : OBJET DE RECHERCHE, CADRAGE THÉORIQUE, PROBLÉMATIQUE,

PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE

7. CHAPITRE 7 : OBJET DE RECHERCHE, CADRAGE THÉORIQUE, PROBLÉMATIQUE,

7.1. Introduction

7.1.1. Objet

Nous partons d’une position définitivement interactionniste de l’apprentissage des langues pour interroger

le changement induit, dans le domaine de l’interculturel, par les technologies de communication via

Internet. Nous nous intéressons par conséquent à la communication médiée par ordinateur destinée à

l’apprentissage des langues et des cultures et plus précisément à ce que Develotte (2010) appelle les

« dispositifs de mise en contact» d’apprenants à distance. Cependant, dans le but de ne pas produire un

discours général et uniquement théorique sur une notion aussi vaste que la culture, nous avons choisi de

resserrer notre problématique sur le cadre européen, et plus précisément à l’espace franco-allemand. Ce

choix s’explique par la relative désaffection pour cet espace particulier dans la recherche interculturelle,

mise à part dans le domaine des sciences de gestion, en comparaison avec les recherches portant sur les

questions liées à l’immigration, alors que les mises en contact intra-européennes, et spécialement

franco-allemandes, font partie depuis longtemps des pratiques éducatives formelles ou non.

Parmi ces pratiques, la « rencontre interculturelle » constitue une des spécificités de l’enseignement du

français langue étrangère en Allemagne ou du Deutsch als Fremdsprache en France. Les recherches

existantes dans ce domaine de recherche concernent plusieurs disciplines comme la psychologie sociale,

l’éducation, la théologie, l’histoire, la sociologie, la communication et les sciences du langage.Bien qu’avec

le temps, le volume de publications ne soit plus anodin, ce domaine a finalement peu été pris en compte par

la recherche sur les apprentissages des langues en ligne alors même que l’OFAJ a très tôt développé les

programmes de « télétandem » et que, en sciences du langage, il existe de nombreuses problématiques

communes, concernant notamment les situations de contact et le rapport langue-culture. Ainsi, sur ces deux

points, nous tentons d’apporter à la recherche sur l’apprentissage des langues en ligne cette perspective, à

la fois particulière et pluridisciplinaire, en prenant nos distances par rapport à d’autres cadres théoriques,

proposés notamment par la recherche américaine en SLA, et déjà bien repris en France, qui, selon nous, part

d’une situation différente. En effet, alors que la CMO a rendu possible les mises en contact et des échanges

interculturels transatlantiques jusqu’alors quasi-inexistants dans les classes de langue, en Europe, les

programmes de rencontre interculturelle ont précédé l’introduction des technologies. Ceci est

Pour autant, la recherche franco-allemande n’a pas tout révélé. Ce que souligne Teresa Tinsley dans le

rapport de projet du Centre Européen pour les Langues Vivantes en 2003 à propos des échanges européens

s’applique également aux rencontres franco-allemandes :

Nous avons tous vu comment les visites, les échanges et les expériences interculturelles en tous genres font

progresser les apprenants, tant sur le plan linguistique qu’au niveau de leur développement personnel et de

leur aptitude à agir au niveau interculturel. Cependant, l’ironie veut que ces expériences aient tendance à

rester en marge du programme.

De nouvelles questions apparaissent avec l’introduction des outils de communication qui permettent toutes

sortes de contact. Cependant, la première finalité de notre travail sera moins de proposer de nouveaux

paradigmes que de valoriser une pratique existante. Pour cela, nous entreprenons en particulier de faire

sortir de l’ombre certains aspects des rencontres interculturelles jusqu’alors inaccessibles aux chercheurs de

ce domaine. L’apport de la recherche sur les apprentissages des langues en ligne réside donc dans la

possibilité de croiser les problématiques liées à la pratique « marginale » avec celles des échanges en ligne.

Pour ne prendre qu’un exemple : alors qu’un enseignant de FLE en Allemagne (ou de DaF en France), en

milieu scolaire, a toutes les chances d’être amené à organiser une rencontre interculturelle, la préparation et

l’évaluation d’une telle activité ne fait pas partie du programme de formation pour devenir enseignant. Sur

ce point, les recherches sur apprentissage en ligne, en France notamment, depuis plusieurs années, sont

pertinentes puisqu’elles s’intéressent à la question des tuteurs, qui accompagnent et coordonnent les

échanges. Les recherches s’appuient principalement sur les interactions verbales, en mettant l’accent sur les

régulations pédagogiques en ligne qu’ils devront également savoir évaluer.

7.1.2. Convergence…

La convergence des deux domaines de recherche s’explique par le fait qu’ils partagent le même présupposé

d’horizontalité sur leur objet. En effet, si nous suivons Mangenot (2008d),

« [La formation] tient plus à sa dimension horizontale (échanges, mutualisation, réseaux sociaux,

communautés de pratiques, etc.) qu’à sa dimension verticale transmissive ».

Or, ce qu’il considère comme le « véritable apport d’Internet », s’applique également aux rencontres

interculturelles dans les programmes de mobilité. Dans les rencontres interculturelles, le dispositif repose

sur le déplacement d’un des groupes de jeunes vers un territoire étranger, des échanges matériels,

symboliques, langagiers entre pairs, débarrassées de la médiation des enseignants comme de l’institution. La

situation interculturelle est conditionnée par la remise en cause des « évidences invisibles » (Traverso, 2001)

de l’environnement familier, et par des échanges directs avec les autochtones. Une fois rentrée dans

l’horizontalité de l’espace privé dela famille d’accueil, l’apprenant échappe en partie à l’institution, rendant

plus difficile encore l’évaluationet aléatoire le déroulement de l’interaction. De même, l’analyse scientifique

par les concepteurs. C’est donc une situation aléatoire, toutefois limitée par deux facteurs. Premièrement, le

profil sociologique des familles sélectionnées. Deuxièmement, le principe de réciprocité du dispositif qui

suppose que celui qui a d’abord le statut d’hôte, ouvrant son territoire privé au partenaire étranger, recevra

ensuite le statut d’étranger de celui qu’il accueille maintenant. Hors mis ces deux variables, et quelques

recherches, effectuées à partir d’enregistrements (Cf. par exemple, Dausendschön-Gay, 1988), réalisés dans

le cadre plus vaste des recherches sur l’acquisition des langues en situation exolingue, on attribue au

dispositif la capacité que se mettent en place des interactions didactiques, bénéfiques pour l’apprentissage

de la langue et d’un contenu culturel, sans savoir exactement ce qui s’y produit.

7.1.3. … et complémentarité

C’est une convergence bienheureuse pour la recherche, dans la mesure où la variable aléatoire, et pourtant

fondamentale pour la rencontre, est précisément celle que privilégient les recherches portant sur les

dispositifs d’apprentissage en ligne, basés sur une relation horizontale. C’est même la variable

institutionnelle de l’interaction, avec l’enseignant,que l’on cherche à limiter pour comprendre les

interactions didactiques entre pairs : « le fait que les étudiants se rencontrent régulièrement rend plus

complexe et aléatoire l’analyse des échanges par forum, dans la mesure où l’une des variables, la

communication en face à face, n’est pas contrôlée » (Mangenot, 2004 : 42).

Ces deux domaines offrent donc une sorte de complémentarités des problématiques :

- D’un côté, des recherches pluridisciplinaires sur les rencontres interculturelles qui se sont beaucoup

intéressées au contexte et aux dispositifs de la rencontre interculturelle franco-allemande, mais dont

l’une des composantes de l’interaction interpersonnelle nous échappe ;

- De l’autre, des recherches sur l’apprentissage des langues en ligne qui s’intéressent aux interactions

didactiques horizontales, et ainsi aux relations interpersonnelles, mais préfèrent les isoler de variables

contextuelles tenant à l’institution.

7.1.4. La réciprocité

Le principe de réciprocité nous permet d’aborder la problématique de cette complémentarité. Ce principe

figure comme l’un des deux piliers des situations d’apprentissage de type tandem, entre pairs, que ce soit en

mode présentiel ou à distance. Toutefois, s’il est effectivement toujours mentionné, la recherche sur les

tandems s’est en réalité davantage intéressé au second pilier, l’autonomie. On réserve à la réciprocité un

traitement quantitatif, le nombre de messages émis (Levy & Stockwell, 2006 : 25), ou qualitatif, observé dans

les échanges de salutation d’ouverture (Dejean-Thircuir, et al, 2010). La littérature nous offre quelques

approches comme celle observées dans les tandems. La réciprocité est utilitariste chez Lewis & Stickler

(2007) : « chacun des partenaires doit tirer profit au même niveau, mais non pas de façon identique, des

échanges ». Elle est relationnelle, chez De Carlo (2004), dans des polylogues où les interlocuteurs « exercent

le même pouvoir communicatif et occupent alternativement le rôle de meneur de la conversation ». Dans les

forums de formation aux langues décrits, cependant, « cette réciprocité ne se donne pas automatiquement :

c’est un choix que chaque participant peut faire consciemment face à la diversité de l’autre ». Il nous semble

pourtant que l’on parle, dans ce cas, de symétrie et d’engagement.

Elle correspond, selon nous, davantage à l’orientation mutuelle, que l’on observe dans la rencontre.

L’approche interactionniste de l’acquisition des langues étrangères en milieu exolingue, à partir de concepts

issues des approches de l’analyse des conversations, envisage d’ailleurs la réciprocité comme « une

évaluation commune de ce qui est en jeu dans la situation » (Arditty, 2004). Elle n’est pas synonyme de

symétrie puisqu’elle va au-delà des différences personnelles, de position ou de valeurs. Cette définition a le

mérite de la rendre plus opératoire, y compris dans des situations asymétriques comme c’est le cas dans une

relation institutionnelle entre un expert et un « candidat-apprenant » (Arditty, 2005). Dans le cadre d’une

rencontre franco-allemand, on peut l’observer comme étant recherchée ou non par les participants. Elle est

un enjeu, une attente ou encore une représentation, portant sur différents aspects de l’échange

interculturel. Perrefort (2006) considère par exemple qu’elle ne doit pas être partout et tout le temps,

conduisant alors à des échecs : « Accepter qu’il n’y ait pas de parfaite réciprocité est un élément important ».

Les questions ayant trait à la réciprocité émergent également dans notre problématique pour l’analyse des

rencontres interculturelles en ligne : dans quelle mesure la réciprocité structure-t-elle l’interaction ? Est-elle

recherchée ? Consciemment ou non ? Doit-on la construire ou est-elle une donnée ? Peut-elle constituer un

frein à la rencontre ? Sur quels objets porte-t-elle ? Peut-on en faire une condition pour évaluer un

échange ? Comment se manifeste-t-elle ? Une communauté en ligne fonctionne-t-elle sur la réciprocité ou la

symétrie ? Les « pédagogues » concepteurs de programme construisent-ils le même échange ?

7.1.5. Un socle commun

La réciprocité permet d’aborder deux objets qui intéressent l’étude de la relation franco-allemande dans une

approche conversationnelle : l’interaction et la relation. Si l’on s’en tient à une vision de la réciprocité

comme une orientation mutuelle, et non comme engagement, la relation et l’interaction sont dans un

rapport d’interdépendance et dynamique. Parfois complémentaires, plus d’interaction entraîne plus de

relation et inversement, parfois contradictoires, trop d’interaction nuit à la relation et trop de relationnel

vide l’interaction de son sens. En mettant l’accent sur la conversation, interaction à finalité interne et

relationnel, nous nous situons dans la problématique de la dynamique des rencontres interculturelles

franco-allemandes, liée à son rythme. Or, celui-ci est donné par la conversation, comme l’affirme Licoppe

(2002 : 177) :

La relation se déploie en effet sur une temporalité plus longue que l’interaction. Elle se distribue au fil de son

déroulement sur une multiplicité de contextes et de situations, ce qui exclut que l’on puisse attribuer sa

permanence à une quelconque unité d’action. Dans une perspective interactionniste et constructiviste, la

relation fait partie du cadre participatif dans lequel l’interaction va se déployer et elle peut être soit

directement thématisée dans les échanges ultérieurs, soit invoquée ostensiblement dans l’interaction sous

forme de signes du lien. La relation prend en définitive la forme métaphorique d’une « conversation continue »

Cela nous dit qu’on peut d’abord concevoir une rencontre en tant que contexte, ou un cadre, au sein duquel

se déroulerait une conversation. Nous préférons néanmoins parler d’espace de la rencontre, ou de territoire,

borné et dialogique. Mais le point de vue inverse est également vrai : la rencontre, comprise comme une

succession d’épisodes, et l’interaction, entendue comme une suite d’activité, sont deux objets discontinus

au sein de la conversation, cette dernière formant la continuité.

Autrement dit, notre recherche sur la rencontre entre dans une double problématique : d’un côté, celle des

relations comme éléments du cadre dans les échanges pour l’acquisition des langues en ligne, et, de l’autre,

celle des interactions interpersonnelles, comme activité, dans les relations franco-allemandes. L’articulation

des deux s’opère, selon nous, en adoptant une perspective interactionniste que nous qualifions de

« conversationnelle ». Afin de clarifier notre positionnement théorique, nous allons maintenant exposer

cette perspective.

7.1.6. L’approche interactionniste, approche conversationnelle

D’un point de vue interactionniste-conversationnel, nous replaçons cette problématique dans le cadre des

recherches sur l’espace didactique qu’est la classe de langue, « espace » que nous entendons au sens

d’espace interactif. Ce qui retient l’attention des chercheurs de ce domaine est décrit par Cicurel (2011 :

236) :

Ce sont les manières de donner la parole, de faire parler, d’aider à parler qui font l’objet d’observations et qui

poussent à s’interroger sur les relations interpersonnelles des individus et la manière dont ces relations se

mettent en place dans un contexte didactique.

L’approche conversationnelle ne consiste à affirmer le rôle de l’interaction dans le processus d’apprentissage

en privilégiant certaines séquences puis « de reléguer l’interaction au statut d’un simple déclencheur de cette

activité » (Pekarek, 2000). Ce serait une position interactionniste minimale considérant le sujet

communiquant exclusivement en tant que « locuteur non-natif apprenant ». Par rapport à cette vision, un

des principes fondamentaux de l’approche interactionniste conversationnelle pour l’apprentissage des

langues, consiste à faire une différence faite entre le court et le long terme, et, dans cette perspective, à

considérer que les stratégies de communication sont orientées vers des actions à court terme et se situent

au niveau local, alors que l’apprentissage est une activité qui concerne le long terme et dépasse l’urgence

d’un problème d’intercompréhension. Or, on sait depuis Bange (1992) que «l’apprentissage est un but que

peut se donner (ou ne pas se donner) le locuteur non-natif». Autrement dit, il s’agit ne pas se limiter à

l’analyse des échanges définis au préalable comme des Input ou des Output mais à choisir un angle plus

global, en particulier :

Se demander si l’emphase mise sur la dimension linguistique ne risque pas de réduire le rôle d’autrui à un rôle

ponctuel de soutien linguistique, et ainsi de dissimuler le rôle global que joue l’autre, par sa contribution à une

dynamique interactive adaptée aux capacités de l’apprenant, dans l’élaboration des compétences de

communication par ce dernier. Or, une telle compréhension de son rôle présuppose une définition plus large

des mécanismes interactifs constitutifs, dans leur ensemble et non pas ponctuellement, de la création

conjointe des pratiques communicatives et des conditions d’apprentissage (Bange, ibid., §31).

Ainsi, le choix du thème de l’interaction peut déclencher un engagement personnel de la part des

participants à un échange d’apprentissage en ligne entre un tuteur et des apprenants (Dejean-Thircuir et al,

2010). Engagées au départ dans des interactions « fortement structurées » par des tâches, les apprenants

parviennent à prendre leur part de responsabilité dans la conduite de l’échange en personnalisant leur

intervention au-delà de l’échange ternaire.

On aurait donc une vision déformée de l’acquisition des langues étrangères en général et de la classe de

langue en particulier, si on se limitait à l’étude des échanges métalinguistiques. C’est pourtant l’impression

que l’on peut avoir à partir des travaux de recherche du domaine qui, quand ils prennent en compte

l’interaction, s’intéressent surtout aux échanges focalisés sur la langue. Une explication possible pour cette

focalisation serait d’avoir une vision trop restreinte des données disponibles à analyser. C’est, en effet, la

remarque de Vasseur (1991 : 49), qui constate qu’en réalité « les moments de l’échange où les interlocuteurs

se heurtent aux problèmes posés par la mise en place de la compétence linguistique chez le non-natif

constituent en fait la seule activité concrète observable ».

7.1.6.1. La relation dans les communautés en ligne : le cas des forums

Certes, des publications plus récentes ont voulu mettre en relief la dimension sociale et affective des

interactions à partir du concept de communauté (Celik & Mangenot, 2004 ; Mangenot & Develotte, 2004).

De même, certains aspects psychologiques bénéfiques de la visioconférence avec clavardage ont été

soulignés : accroissement de la confiance en soi, diminution du sentiment d’isolement, hausse de la

motivation (Develotte et al., 2008). Mais, on peut s’interroger sur la signification des résultats obtenus pour

savoir s’ils témoignent de l’existence de relations sociales ou plutôt de recherche de conditions

d’apprentissage favorables par la création d’un climat paisible. Deux raisons nous amènent à cette

interrogation. D’une part, il s’agissait plutôt, dans les premiers travaux, de savoir comment compenser la

perte de présence sociale que de s’intéresser à la dimension relationnelle. Le forum concentre alors

l’attention de nombreux travaux de recherche (pour une synthèse : Henri et al., 2007 ; Mangenot, 2008). La

difficile construction du lien social dans ces dispositifs de formations à distance en ligne, le manque de

repères de contextualisation et la pauvreté de l’expression, due aux modalités écrites et souvent

asynchrones, conduisaient à s’interroger sur le «déficit socio-affectif » (Lamy, 2001). D’autres part, à propos

verbo-échanges en ligne » (ibid.). Il nous semble donc que l’analyse des indices textuels nous donne surtout accès à

des indices phatiques ainsi qu’à l’activité de politesse dans les interactions publiques. Nous aurons donc un

discours plus nuancé et pensons que les observations sur l’orientation vers l’accord et la coopération se

basent sur des sonnées encore trop désincarnées pour conclure à la nature de la relation et de l’espace

d’apprentissage. Pour les participants, il peut aussi s’agir d’un comportement d’évitement des

« enchaînements non préférés [qui] sont plus ‘coûteux’ linguistiquement, (…) mais aussi sans doute

cognitivement et psychologiquement » (Kerbrat-Orecchioni, 2005 : §3.3.2).

Dans les forums non pédagogiques, le caractère public et l’anonymat des échanges, provoquent des

transgressions aux règles interactionnelles de politesse (Marcoccia, 2001), indiquant l’enjeu de la prise de

parole, de la publication d’opinion ou du partage de connaissance. Dans les forums pédagogiques, certains

élément du dispositif viennent tempérer ce risque de transgression, comme les échanges nominatifs (Celik &

Mangenot, ibid.) ou les simulations de certaines formations à l’interculturel en ligne (Mangenot & Zourou,

2007 ; Mangenot & Zourou, 2007). D’autres auteurs signalent pourtant des tensions, indiquant, selon nous

un engagement plus important (Mangenot & Zourou, 2005 ; Degache, 2007). A ce propos Dejean-Thircuir

(2008) révèle même que les tensions interpersonnelles ont eu un effet bénéfique sur le plan social : elles ont

« contribué à souder le groupe et à donner à ses membres le sentiment d'avoir vécu une expérience

relationnelle particulièrement forte et intéressante malgré les difficultés ». Autrement dit, les marques de

courtoisie manifestant la coopération sont bien une condition à l’engagement «plus décisif » (172) mais

n’enchaînent pas toujours sur un changement de la dynamique conversationnelle, c’est-à-dire sur une

discussion. Pour notre part, nous pensons que l’interaction didactique pour l’apprentissage des langues

s’enrichirait à prendre en compte les éléments relationnels pré-existants, allant au-delà de l’analyse interne

de la conversation et des traces verbales, qui certes permet de montrer l’activité de préservation des faces

dans le court terme de la communication, mais sans prendre en compte le long terme de la relation.

7.1.6.2. La relation dans les échanges en ligne synchrones multimodaux

Les nouveaux dispositifs à la fois multimodaux, audiovisuels et synchrones permettent de recomposer la

proximité sociale que la mise en place de dispositifs collaboratifs recherchait dans les forums. On obtient en

quelque sorte une télécollaboration de fait, induite par les modalités de l’instrument. Ainsi, Levy et Stockwell

(2006 : 100) indiquent que la vidéoconférence confère le plus haut niveau de présence sociale et Develotte

et al. (2008 : 134) soulignent « que la vidéo aide à construire la sensation d'appartenance à une communauté