• Aucun résultat trouvé

PARTIE 1 : CADRE THEORIQUE

5. CHAPITRE 5 : CONVERSATION FAMILIÈRE

L’étude des relations franco-allemandes montre contexte hétérogène particulier dans lequel il est possible

d’étudier et d’interpréter les comportements à l’œuvre dans les rencontres interculturelles franco

-allemandes. Ce contexte est d’abord caractérisé par l’existence d’une opposition culturelle relative. Il en

résulte des tensions entre l’accord et le désaccord, sur un axe des relations avec d’un côté une distance à

respecter afin de pas provoquer d’incursion territoriale, et de l’autre, des attentes allant dans le sens d’une

diminution des distances interpersonnelles, sous l’influence des injonctions politico-économiques.

Autrement dit, les relations politiques entretiennent le mythe de l’amitié et respectent les frontières quand

les individus participent à des médiations socioculturelles et inventent du quotidien franco-allemand d’où

surgissent des oppositions symboliques.

Nous avons montré à l’aide de l’exemple d’une discussion franco-allemande sur la mémoire, comment la

rencontre tourne au drame. Ce serait d’ailleurs, selon Debray (1997), parce que l’on sort de la

communication pour entrer dans la transmission. La transmission est diachronique alors que la

communication est « ponctuelle ou synchronique, c’est une trame : un réseau de communication relie surtout

des contemporains » (17). Dans ce sens, la transmission, « c’est une trame, plus un drame : elle fait le lien

entre les morts et les vivants, le plus souvent en l’absence des émetteurs. (…)Nous transmettons pour que ce

que nous vivons, croyons et pensons ne meure pas avec nous (plutôt qu’avec moi) » (18). Le cas des échanges

franco-allemands illustre le drame qui se joue dans les interactions marquées par les rituels que les acteurs

remettent sans arrêt en scène pour préserver les faces et les territoires. Tout échange, dans le contexte

franco-allemand, peut donc être décrit en référence à la définition de Goffman (1974 : 21), telle qu’il

l’envisage dans ses études des rites d’interaction de la vie sociale ordinaire :

La suite d’actions déclenchée par une menace reconnue et achevée par un retour à l’équilibre rituel.

Le retour à l’équilibre permet d’éviter la rupture et de se situer dans une continuité. Il ne s’agit donc pas

d’un drame tragique. Il n’y a pas de dénouement à la rencontre, car rien n’est achevé. Le drame se joue avec

des récits, des embarras, et de l’émotion qui, comme le note De Nuchèze (2004 : 13), à propos de rencontres

interculturelles à finalité externe, « envahit la rencontre, soit qu’elle puisse s’y déployer, soit qu’elle s’y

trouve muselée, en fonction des contextes et de la socialisation de chacun. Son expression est multicanale et

tout le corps y participe (mimique, gestualité, postures et déplacements, vocalité, prosodie) ».

Partant de cette perspective, nous envisagerons dans ce chapitre la question des échanges franco-allemands

dans le cadre de l’apprentissage des langues étrangères. Nous nous demanderons en particulier si ce cadre

pédagogique permet d’organiser une « conversation franco-allemande », la conversation étant, non

seulement un concept central de l’analyse du discours en interaction, tel que nous l’avons étudié jusqu’ici,

mais aussi une activité pédagogique courante dans les classes de langue.

5.2. Les caractéristiques de la conversation pédagogique franco-allemande

Nous commencerons par l’examen de la publication, en 1996, de chercheurs qui, en coopération avec le

service « recherche » de l’OFAJ, se sont intéressés à l’analyse de «programmes d’exploration et de recherche

concernant l’interculturalité dans des champs aussi différents que les rencontres de classe, de jeunes

travailleurs ou chômeurs, sportifs, adultes de différents milieux professionnels » (Hess, 1996 : iv), sous le titre

Pédagogie des rencontres interculturelles, dans lequel il s’agit exclusivement d’échanges franco-allemands.

Ce que nous retenons de l’ensemble des contributions se trouve dès l’introduction de Colin et Müller (1996)

qui font état d’une «pression morale» (11) dans l’élaboration des discours en matière d’interculturalité. Ils

constatent et interrogent l’existence sous-jacente « d’un accord tacite pour que la transmission du savoir sur

l’interculturel minimise, voire dénie, les difficultés pouvant naître entre les différentes cultures » (ibid.). Les

contributions de l’ouvrage mettent en évidence le fait que cette pression morale, allant dans le sens d’un «il

faut s’aimer les uns, les autres » (ibid.), imprime une responsabilité dans les pratiques qui condamne

d’avance «tout scepticisme critique sur les limites de la compréhension interculturelle » (ibid.). Le cas des

rencontres franco-allemandes n’échappe pas à cette prise de responsabilité, à cette différence qu’il ne s’agit

pas d’une rencontre explicitement conflictuelle : « nous avons la chance de pouvoir partir d’un ensemble

d’éléments positifs » (ibid.). Aussi, Colin et Müller considèrent-t-ils la rencontre interculturelle

franco-allemande comme un dispositif pédagogique à condition que l’on sorte de la parole morale liée aux

pratiques interculturelles. Au contraire, « reconnaître cette conflictualité inhérente à toute rencontre

interculturelle véritable laisse au sujet la possibilité de se construire une éthique du conflit et d’acquérir un

savoir de l’interculturel » (12).

Le risque inhérent à une rencontre interculturelle provient d’abord des identités nationales qui fondent la

définition de l’étrangeté de la personne rencontrée et du caractère imprévisible de la rencontre. Selon

Tourette-Turgis (1996), en effet :

La rencontre avec l’étranger fait surgir des désirs, des peurs, de l’attrait, de la séduction, de l’angoisse et on a

beau préparer la rencontre avec les enfants en les préparant aux modes de vie et aux habitudes de l’autre,

leurs réactions sont relativement peu prévisibles, car la rencontre interhumaine se définit précisément par son

imprévisibilité (29).

La préparation consiste à éviter une rencontre brutale en anticipant un futur proche, c’est-à-dire par des

échanges verbaux dans le groupe destinés à le projeter dans « le présent de la rencontre » (ibid., 30). Malgré

les efforts de préparation et la connaissance de chacun du bien-fondé de la participation à des échanges

« censés renforcer la compréhension interculturelle », cela ne suffit pas à dépasser les craintes et les

« système de défenses » (Colin, 1996 : 74) contre des incompréhensions et des incertitudes. Le risque

provient par exemple d’une mauvaise interprétation des expressions paraverbales comme la prosodie ou le

rire, interprétée comme une moquerie.

Le contenu culturel des manuels de langues ne constituent pas toujours une préparation adéquate. Il semble

même parfois en contradiction avec l’objectif affiché de l’apprentissage de la réalité sociale dans laquelle la

rencontre devra avoir lieu. La famille, en tant qu’élément central d’accueil pour la rencontre, est également

le vecteur principal de la représentation culturelle où se déroulent les échanges linguistiques dans la

langue-cible, qui privilégient les activités du quotidien. Or, « sur le plan pédagogique, cela signifie que les auteurs

misent sur ce qui est ‘familier’, et non sur ce qui est ‘autre’. (…) On est alors en droit de se demander si

l’éventail des conceptions sur la vie familiale existant en Allemagne est suffisamment large pour être capable

de rendre compte de la réalité sociale dans l’enceinte géographique germanophone » (Lissmann, 1996 : 81).

Les thèmes de la vie sociale sont abordés par les représentations stéréotypées des acteurs dans une

« société dont le centre, c’est-à-dire la constellation familiale, vit des relations non-conflictuelles. Ordre et

propreté sont les aspects dominants » (82). Cette « image-réclame » (83) ne contribue pas, pour Lissmann, à

construire une image de l’autre dans laquelle «on accepte aussi de travailler l’histoire et, du coup, la

question se pose de savoir comment présenter le rôle des conflits » (82). La préparation par les manuels

« devient un écran de projection, sur lequel on ‘universalise’ l’image d’un monde ‘petit-bourgeois’, tout

comme celle d’une société industrielle moderne. Dans ce cadre, il se produit d’abord un recouvrement d’une

idéologie française et de l’idéologie allemande de la société bourgeoise, en faisant disparaitre les différences

socio-culturelles existant entre les sociétés françaises et ouest-allemande » (ibid., 84). Cette image de l’autre

correspond davantage à l’instauration d’un cadre rassurant qui construit un des objets culturels perpétuant

le récit de l’amitié franco-allemande « d’après lequel les Français et les Allemands se réunirent dans le rêve

d’une culture de la pure consommation » (87).

Cullin (1996 : 110) voit la pression morale comme un « supplément d’âme créé pour les besoins de la cause,

c’est-à-dire pour le fonctionnement de l’institution ». Pour lui, cela forme une constante de tous les

« dispositifs institutionnalisés de l’espace franco-allemands, où l’on retrouve un appel constant à la négation

des spécificités nationales, tout le passé des rapports entre les deux peuples étant appréhendé comme une

succession de phénomènes relevant du nationalisme » (ibid.). Dans la réalité de l’échange, des différences

sont pourtant constatées par les participants comme par les animateurs qui conduisent à des « reproches »

(108). Cela peut conduire, de la part de ceux qui accompagnent ou encadrent, à « un comportement

réactionnel contre leur comportement quotidien, contre la pression de l’idéologie supplément d’âme » (112).

L’auteur revient sur la notion de conflit qui pourrait néanmoins concorder à l’objectif d’échange

interculturel. Il cite notamment un objectif de « connaissance comparative des réalités conflictuelles du pays

étranger ou du pays d’origine ». Un tel objectif peut faire l’objet de séminaires préparatoires classiques ou

de découverte du milieu social, comme la « rencontre organisée dans le lieu et l’espace des conflits politiques

et sociaux (grèves, manifestations, occupations d’entreprises ou de bâtiments » (113). De façon générale, il

considère qu’on ne saurait ignorer le conflit à l’intérieur des collectivités nationales comme dans l’espace

franco-allemand : « seule la perception d’une réalité traversée par les contradictions des groupes et des

classes qui font l’objet de la découverte est en mesure de constituer un antidote efficace à l’idéologie de la

réconciliation » (ibid.).

Müller (1996a) propose de mieux considérer ce qui se passe réellement dans les rencontres et ce qu’elles

signifient pour les participants alors que pour beaucoup « ces programmes ne représentent qu’un bref

épisode» (168). Ainsi, il serait possible d’accorder une moindre importance aux «effets pédagogiques qu’il

est possible d’obtenir grâce à de telles manifestations » (ibid.), particulièrement les effets à long terme, et

également de se délester, au moins partiellement, de la pression morale. Les rituels de la rencontre

franco-allemande occupent, dans l’approche de Müller, une place constitutive de l’échange. Il note que dans ce

types d’échange de groupes, « le nazisme fait la plupart du temps surface à la fin des cycles de rencontre »

(172) que l’on peut interpréter autant par des mécanismes «relevant de la dynamique de groupe » que par

des considérations didactiques, en termes de rencontre réussie ou inachevée. D’un point de vue de la

psychologie sociale, c’est parce que les groupes comprennent l’impasse de leur rapprochement et de

l’intercompréhension possible qu’ils désirent mettre fin à la rencontre pour laquelle ils estiment avoir atteint

ses limites. Celles-ci « créent le besoin de se démarquer : et les symboles du passé en deviennent un moyen

idéal, d’où la provocation » (173). Müller pense que, ainsi posés, les échanges peuvent être considérés

comme « une pièce de théâtre dans laquelle la réalité des programmes de rencontre internationale se

trouverait ‘mise en scène’, se situant quelque part entre la ‘pièce didactique’, entre la farce, avec des

éléments relevant un peu du ‘psychodrame’ et du ‘sociodrame’ des groupes qui ne parviennent pas à

communiquer » (ibid.).

Dans un second texte, Müller (1996b) confirme que la pression morale conduit à accepter des objectifs

consensuels et généraux comme « plus de tolérance et moins d’ethnocentrisme» (189) mais qu’en réalité,

dans les programmes d’échanges allant dans ce sens, «il n’y a aucun symptôme permettant d’affirmer que

les programmes en question ont effectivement ces effets. Au contraire, tout porte à penser qu’ils ont les

mêmes effets que le tourisme ou les voyages d’une manière générale : ils confirment et consolident des

opinions déjà existantes et des attitudes envers les cultures étrangères » (ibid.). Il se peut que les objectifs se

réalisent mais cela doit alors moins aux programmes eux-mêmes qu’à des attitudes personnelles des

participants, comme cela se produirait alors dans des visites touristiques. Müller avance que la pédagogie

des rencontres interculturelles à tendance à « souligner ce qu’il y a de commun, [à] minimiser les divergences

éventuelles pour les ramener au niveau de différences intéressantes sous l’aspect folklorique, tout à fait à

devenues partie intégrantes d’une auto-représentation de la politique franco-allemande » (ibid.). Müller

constate, entre l’intention que l’on retrouve dans les objectifs des programmes et l’expérience des

rencontres, un décalage qui conduit à porter une moindre attention à d’autres programmes, existant

effectivement, et qui « ne craignent pas de s’attaquer aux thèmes plus ‘chauds’, plus controversés, sur le

plan de la morale ou de la politique, et des programmes qui ne se contentent pas de dorloter l’harmonie

transfrontalière, mais tentent aussi de rendre palpables les préjugés réciproques, les incompréhensions et les

point ‘nerveux’ » (ibid.). Il apparaît donc (i) que l’on reconnaisse, en pédagogie des rencontres

interculturelles, l’existence de conflits ; (ii) qu’ils soient même énoncés dans certains programmes moins

connus ; (iii) que, par ailleurs, on considère comme improductif de chercher à les éviter ; (iv) mais que ces

échanges s’affichent comme des espaces apaisés pour des rencontres sans histoires. D’un point de vue

culturel, nous dirons que la culture de la société civile cohabite et se trouve sous la protection et l’influence

de la culture la classe dominante, sans toutefois que celle-ci ne se diffuse toujours dans celle-là.

Müller accorde donc un intérêt aux études plus expérimentales « qui ont un dénominateur commun, qui

correspond à une hypothèse correcte selon [lui] : une ‘pédagogie de la rencontre’ digne de ce nom,

c’est-à-dire une pédagogie qui s’attaque vraiment aux préjugés et attitudes ethnocentriques, rendant effectivement

possible une apprentissage interculturel, présuppose que la rencontre soit en quelque sorte ‘déprogrammée’

et que son contenu soit largement laisser à l’autonomie des participants. C’est seulement dans des

rencontres ouvertes, peu structurées d’avance, et par un processus de recherche de ce qui est étranger,

inhabituel, dans une autre culture, que la compréhension peut devenir sujet vital de l’individu » (ibid., 190).

Une plus grande place accordée à la subjectivité contient en réalité deux sorte de risques que l’auteur

précise : « le déroulement chaotique de certains programmes » (191), ce qui finalement dans un contexte

pédagogique, ne peut mener à un vrai chaos, et qui, selon nous, ne contredit pas forcément l’objectif de la

rencontre ; la tendance à « réduire la rencontre à un niveau d’expérience et de thèmes personnels » (ibid.), ce

qui, en effet, selon nous, contredirait l’objectif programmatique, puisque, passant du « Nous » au « Je », on

se place au niveau anecdotique des individualités, en ôtant ainsi à l’échange son contenu collectif et culturel.

Notre brève synthèse de différentes contributions indique bien l’existence d’incompréhensions ou

d’animosités, reposant ou confirmant des préjugés, à dépasser dans la rencontre, mais aussi la présence

d’une pression morale également à surmonter si l’on veut mettre en place une rencontre interculturelle.

Dans leur introduction, Colin et Müller (1996), soulignait que la manière de se représenter la problématique

des rencontres interculturelles expliquait cette pression morale. En Europe, on avait surtout envisagé les

différences interculturelles dans le cadre politique de l’immigration industrielle avec le concept

d’intégration. En comparaison, l’interculturel intra-européen semblerait ne pas soulever de difficultés car

« les différences sont souvent perçues comme mineures » (ibid. : 3). La question de l’intégration ne semble

principes économiques (capitalisme), sociaux (bien-être) et politiques (démocratie). Les auteurs

repositionnent la question en se demandant si l’interculturel et la communication, dans l’espace européen,

sont pour autant « négligeables et surtout sans enseignement » (ibid.). On croit souvent que les problèmes

soulevés entre Européens peuvent se définir comme étant purement « techniques», qu’ils soient du

domaine de la communication ou de l’interculturel :

On a l’impression parfois que la pédagogie de ces échanges (…) est animée par le fait que la communication et

les préjugés réciproques relèvent d’un passé révolu, voire du pur fantasme et qu’ils peuvent, par là-même,

être facilement déconstruits (ibid., 6).

Par conséquent, les programmes de rencontre interculturelle sont souvent trop courts et trop bien

organisés, visant l’entente. On considère qu’une mésentente serait un échec, sans se demander si les

conditions d’un dialogue sont possibles. Au contraire :

La compréhension interculturelle commence précisément là où elle s’effondre, à savoir lorsque les

programmes soigneusement préparés ne fonctionnent plus et que ceux qui voulaient « se rencontrer »,

découvrent l’autre avec sa part d’étrangeté, avec ses manières d’être étrangères (ibid.).

Si l’on se réfère aux enchaînements préférés dans les conversations (Chap. 3), on s'aperçoit en effet que la

conversation franco-allemande est une interaction complexe. Elle contient des marques symboliques se

rapportant à des rituels, pouvant être douloureux pour l’un des interlocuteurs et donc embarrassants pour

tous les participants. D’un point de vue de la conversation, la complexité provient de cette apparente

divergence entre le contexte imprégné de l’image de l’interlocuteur et le déroulement effectif de

l’interaction. Si l’on considère avec Kerbrat-Orecchioni (2010 : 38) que « selon le contexte (micro et macro)

dans lequel il apparaît, un même énoncé peut être perçu comme poli ou impoli », la construction de la

conversation franco-allemande est difficile à analyser. D’un côté, un contexte interculturel qui donne sens à

la différenciation et où, par conséquent, le désaccord constitue l’enchaînement non marqué et donc poli ; de

l’autre une conversation devant mener à l’entente où le ménagement des faces et des territoires prévaut et

où, par conséquent, le désaccord constitue l’enchainement marqué etimpoli. La coordination de l’activité de

conversation dans une rencontre franco-allemande doit résoudre le problème de la place qu’occupe le

locuteur et qu’il attribue à l’autre dans l’interlocution, tantôt opposant, tantôt partenaire.

5.3. Les places dans l’interaction

Indépendamment du contexte socio-institutionnel, le rapport de place dans le cours même de l’activité

conversationnelle peut se modifier et avec lui modifier le contexte. En effet :

En même temps qu’ils construisent ensemble un discours plus ou moins cohérent, les participants à l’échange

communicatif construisent entre eux un certain type de relation (de distance ou de proximité, de hiérarchie ou

La place se rapporte à la position qu’occupent les interlocuteurs dans le système relationnel, que

Kerbrat-Orecchioni envisage avec un axe horizontal et un axe vertical. Les places dépendent de facteurs externes

(liés aux statuts, à leur degré de connaissance mutuelle, lien socio-affectif, la situation de communication)

qui assignent un type de relation et une ligne d’action, mais aussi de facteurs internes qui se rapportent aux

comportements adoptés pendant la rencontre et qui inclut l’emploi de certaines unités conversationnelles

de relation. Ces dernières se divisent en deux types : d’une part, les marqueurs qui «indiquent l’état de la

relation en un instant T » (Kerbrat-Orecchioni, 2005, §2.4.2.1), d’autre part les opérateurs qui «permettent

aux interactants de reconstruire en permanence cette relation » (ibid.). Ainsi,

Même s’ils sont en grande partie déterminés par les facteurs externes, les événements conversationnels ne

cessent de remodeler le contexte (ibid.).

La pertinence de la distinction entre facteurs externes et facteurs internes est discutée par Vion (1992) qui

craint d’y voir une dichotomie alors qu’en réalité, ces deux contextes sont en relation d’interdépendance.

Selon lui, le rôle occupé par une personne en fonction de son statut, variable d’une situation à l’autre, qu’il

appelle « rôle institutionnalisé » (106), implique, du fait de la réciprocité des interactions, « de

convoquer d’autres personnes dans les rôles complémentaires » (ibid.). Ainsi, un médecin qui occupe son

rôle, en rendant intelligible sa façade, assigne à son interlocuteur le rôle de patient. On obtient alors une

physionomie sociale dans laquelle l’interaction de soin se déroule. Néanmoins, les interlocuteurs peuvent

modifier l’interprétation des rôles. Vion parle alors de «rôle semi-institutionnalisé » (ibid.) lorsqu’une

personne parle d’un autre point de vue, tout en restant dans son rôle et son statut principal. Ce peut être un