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3. CADRE THÉORIQUE

3.1. C ONCEPTS THÉORIQUES

3.1.3. Grossesse-maternité adolescente

3.1.3.6. Changements-Impacts survenant lors d’une maternité précoce

Lorsque l’adolescente est enceinte et quand elle devient mère, différents changements se produisent. Ceux-ci ont déjà été détaillés de manière précise sous les concepts de l’adolescence et de la maternité, ainsi je ne reviendrai pas sur ces modifications sous peine de me répéter. La particularité pour une mère adolescente réside dans le fait qu’elle doit gérer ces nombreux bouleversements simultanément, ce qui lui demande une grande capacité adaptative.

Je souhaite ainsi m’attarder davantage sur les impacts que peut engendrer la maternité précoce sur la vie en générale et ceci dans divers domaines.

Lois

Au niveau juridique, certains articles peuvent concerner les mères adolescentes. Voici quelques-uns qui paraissent importants.

Autorité parentale

Selon l’article 298 du Code civil suisse :

1 Si la mère n’est pas mariée avec le père, l’autorité parentale appartient à la mère.

2 Si la mère est mineure, interdite ou décédée ou si elle a été déchue de l’autorité parentale, l’autorité tutélaire transfère l’autorité parentale au père ou nomme un tuteur à l’enfant, selon ce que le bien de l’enfant commande.

Pour une mère mineure, à sa majorité, elle pourra reprendre l’autorité parentale sur son enfant. L’article 298a alinéa 1 du Code civil suisse mentionne :

1 Sur requête conjointe des père et mère, l’autorité tutélaire attribue l’autorité parentale conjointement aux deux parents, pour autant que cela soit compatible avec le bien de l’enfant et qu’ils soumettent à sa ratification une convention qui détermine leur participation à la prise en charge de l’enfant et la répartition des frais d’entretien de celui-ci.

Entretien

Selon l’article 272 du Code civil suisse :

Les père et mère et l’enfant se doivent mutuellement l’aide, les égards et le respect qu’exige l’intérêt de la famille.

Les articles 276 et 295 du Code civil suisse définissent plus clairement l’entretien de l’enfant : Article 276 :

1 Les père et mère doivent pourvoir à l’entretien de l’enfant et assumer, par conséquent, les frais de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.

2 L’entretien est assuré par les soins et l’éducation ou, lorsque l’enfant n’est pas sous la garde de ses père et mère, par des prestations pécuniaires.

3 Les père et mère sont déliés de leur obligation d’entretien dans la mesure où l’on peut attendre de l’enfant qu’il subvienne à son entretien par le produit de son travail ou par ses autres ressources.

Article 295 alinéa 1 :

1 Devant le juge compétent pour l’action en paternité, la mère peut demander au père ou à ses héritiers, au plus tard dans l’année qui suit la naissance, de l’indemniser:

1. des frais de couches;

2. des frais d’entretien, au moins pour quatre semaines avant et au moins pour huit semaines après la naissance;

3. des autres dépenses occasionnées par la grossesse et l’accouchement, y compris le premier trousseau de l’enfant.

Relations personnelles

Selon l’article 273 alinéa 1 du Code civil suisse :

1 Le père ou la mère qui ne détient pas l’autorité parentale ou la garde ainsi que l’enfant mineur ont réciproquement le droit d’entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances.

Obligation d’entretien de la part des parents de la jeune fille L’article 277 du Code civil suisse indique :

1 L’obligation d’entretien des père et mère dure jusqu’à la majorité de l’enfant.

2 Si, à sa majorité, l’enfant n’a pas encore de formation appropriée, les père et mère doivent, dans la mesure où les circonstances permettent de l’exiger d’eux, subvenir à son entretien jusqu’à ce qu’il ait acquis une telle formation, pour autant qu’elle soit achevée dans les délais normaux.

Ces divers articles mettent en avant les différents impacts juridiques possibles chez une adolescente qui devient mère. Si elle est encore mineure au moment de la naissance de l’enfant, elle n’aura pas l’autorité parentale. Toutefois, lorsqu’elle devient majeure ou si l’enfant naît à sa majorité, elle sera dans la plupart des cas détentrice de l’autorité parentale. Dès la naissance de l’enfant, elle et le père, lorsque cela s’avère possible, devront s’aider mutuellement dans l’intérêt de l’enfant. Elle devra assumer, avec le père s’il est présent, son enfant et donc lui assurer les soins et l’éducation nécessaire. Cependant, dans le cas où le père ne s’investit pas auprès de l’enfant, la mère peut demander au juge que le père ou ses successeurs l’indemnisent pour les frais liés à l’enfant. Pour conclure, lorsque le père ne détient pas l’autorité parentale, il a tout de même le droit d’avoir des contacts avec son enfant.

Identité-Statut social

Selon C. Le Van (1998) la grossesse exprime une envie de changement. Elle peut être liée au désir de sortir de l’adolescence en vue d’acquérir une identité de femme ou afin d’accéder à un statut socialement reconnu. Pour certaines adolescentes, la grossesse confère, au moins pour un temps, cette identité de femme. Elles ont le sentiment que cette expérience les a fait mûrir. La grossesse est parfois désirée afin de montrer à leur entourage qu’elles ne sont plus des enfants mais des femmes, ce qui peut provoquer des changements notables dans la relation avec les parents.

Au sein de notre société, il y a toujours moins de rites de passage permettant d’accéder à l’âge adulte. La grossesse ou la maternité pourraient représenter une forme de rite de passage permettant l’accès au statut d’adulte. Être enceinte, c’est modifier son statut social et parvenir à une certaine autonomie et avoir des responsabilités (Le Van, 2006).

Selon D. Dadoorian (2010) le rôle social que peut avoir une femme suite à sa grossesse est lié aux différentes représentations de la maternité dans son entourage (famille, amis, communauté). Plus le rôle de mère sera considéré, plus son statut de mère sera reconnu et valorisé.

Ainsi, les impacts sur l’identité et le statut social peuvent varier selon la mère et son entourage. Mais la grossesse confère généralement à l’adolescente une identité et un statut de femme qui lui donnent une certaine maturité, autonomie ainsi que des responsabilités. Il n’est toutefois pas toujours évident pour l’adolescente de gérer ces différents changements.

Parentalité

La parentalité a déjà été traitée sous le concept de la maternité. Cependant, il est intéressant de la reprendre rapidement en vue d’une meilleure compréhension de la rencontre entre la parentalité et l’adolescence, puisque cela semble présenter quelques différences.

La construction de la parentalité est un processus complexe, il l’est davantage lorsque le parent est adolescent vu que la complexité est démultipliée. En effet, le jeune parent affronte parallèlement à sa parentalité, de profonds remaniements identitaires et des conflits psychiques. Dans cette situation, le principal défi pour la mère est de faire la différence entre ses propres envies et celles de son enfant et de ce fait, distinguer les besoins de chacun. Quelques fois, des jeunes mères attendent que leur enfant s’adapte à leur rythme et non que ce soit elles qui s’adaptent au rythme de leur enfant. Par exemple, il arrive qu’elles ne respectent pas le rythme de sommeil de leur enfant et qu’elles le couchent plutôt quand elles sont fatiguées, qu’elles laissent leur enfant dans des endroits bruyants dans lesquels elles aiment se rendre, etc. (Ferté-Marriaux, 2009).

Les impacts d’une grossesse à l’adolescence sur la parentalité sont essentiellement liés au fait que la jeune mère fasse parfois passer ses besoins avant ceux de son enfant. Le rôle des personnes accompagnantes, des travailleurs sociaux, serait de soutenir les mères adolescentes qui sont en difficulté face à cela.

Famille

À l’annonce d’une grossesse à la famille, les réactions de l’entourage peuvent être multiples. Certaines sont négatives, d’autres d’abord négatives se transforment et deviennent positives ou l’inverse, d’autres encore sont immédiatement positives.

Pour J.-P. Deschamps (2004, p.265) « Les réactions de l’entourage familial sont globalement positives, parfois après une période de crise au moment de la révélation. » Les jeunes mères ont pour la plupart de l’aide de la part de leur mère, qui constitue également un intermédiaire avec leur père souvent plus réservé. Les parents, en particulier la mère de l’adolescente, aide fréquemment la jeune fille en l’accompagnant dans la prise en charge et l’éducation de son enfant. Néanmoins, il arrive que la jeune mère soit exclue de la cellule familiale. Dans ces cas-là, l’adolescente et son enfant peuvent être accueillis dans un foyer, comme au sein d’un Accueil Éducatif Mère-Enfant. Il se produit encore, comme vu précédemment dans ce

concept, qu’une réaction négative de la famille ou du partenaire aboutisse à une interruption volontaire de grossesse.

Pendant la période de l’adolescence, les difficultés communicatives et les conflits entre parents et enfants sont courants. Ceux-ci peuvent constituer un obstacle dans la relation adolescente-mère ou adolescente-parents et engendre des répercussions dans la relation grand-mère - petit-enfant ou grands-parents - petit-enfant (Dadoorian, 2010).

En outre, la faible différence d’âge entre l’adolescente et sa mère génère parfois une confusion des rôles. En particulier, quand les grands-parents de l’enfant accompagnent leur fille, voire se substituent à leur fille dans la prise en charge et l’éducation de leur petit-enfant (Bettoli, 2004).

École

L’école n’est pas vraiment préparée à l’accueil d’une élève enceinte. Souvent, ce sont les enseignants et le directeur en poste qui vont permettre de faciliter ou non la suite de la scolarité de l’adolescente. Dans leur prise de décision, ceux-ci subissent parfois une pression de la part des parents d’autres élèves et plus rarement des élèves eux-mêmes, dont les peurs sont liées au fait que le maintien d’une jeune fille enceinte au sein de l’établissement scolaire ait une mauvaise influence sur leur progéniture. Dans certains cas, les adolescentes enceintes décident de suspendre ou d’abandonner leurs études et de ce fait, de mettre en péril leur insertion professionnelle future. Comme le mentionne J.-P. Deschamps (2004, p.2672) :

« La survenue d’une maternité chez une adolescente constitue une incongruité dans le mécanisme bien rodé du curriculum scolaire. Grain de sable qu’il faut éliminer ou processus nouveau auquel il faut s’adapter ? L’exclusion est parfois décidée pour des raisons médicales. En fait une grossesse, par ailleurs bien surveillée, est compatible avec la poursuite de la scolarité jusqu’au terme. »

J.-P. Deschamps (2004, p.2672) ajoute également :

« Renvoyer une adolescente enceinte de son école, c’est aussi, dans l’immédiat, aggraver ses difficultés, intensifier son isolement, la mettre en marge, la couper de sa culture adolescente, augmenter sa culpabilité en lui infligeant ce qui ne peut pas être ressenti autrement que comme une punition, la contraindre à l’inactivité au moment où elle aurait besoin d’occuper son esprit afin d’avoir d’autres sujets de pensée que sa grossesse… »

Je constate qu’il convient au milieu scolaire de prendre en considération les adolescentes enceintes, de manière à ce qu’elles puissent bénéficier d’aménagements leur permettant de continuer leur scolarité dans les meilleures conditions possibles, et visant à éviter par la suite un éventuel arrêt de la scolarité pouvant avoir de fortes répercussions sur leur avenir professionnel. De plus, il arrive fréquemment que le manque de qualifications dues à une scolarité ou à une formation interrompue engendre de la précarité.

Les difficultés semblent similaires concernant les jeunes filles en formation. Les employeurs ne sont que peu, voire pas préparés à une grossesse précoce, et les aménagements du temps de travail restent difficiles à obtenir et dépendent de la bonne volonté de ceux-ci.