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CHAPITRE 4 : La présentation des résultats

4.3 Le couple comme facteur de changement

4.3.2 Le changement qui s’opère au-delà de la relation de couple

Un premier élément de réponse, face à notre questionnement précédent, se situe dans les critères amoureux : si auparavant les critères d’une conjointe idéale se résumaient à ses attributs physiques ou à sa capacité à partager les coûts associés à la dépendance aux drogues, les qualités internes des partenaires semblent être davantage recherchées aujourd’hui. Charles, plus particulièrement, admet qu’il accordait beaucoup d’importance à l’apparence et qu’avec sa thérapie et les conseils de son père, il a réfléchi sur les qualités qu’il recherchait vraiment chez une partenaire. Nous retrouvons ci-dessous quelques exemples qui reflètent le changement qui s’est opéré en lui, quant à ses critères amoureux :

Pis je me suis dit que p’t’être qui faudrait que je mette ma barre moins haute. Tsé, pas viser le top tout le temps, que ce s’aye pour une fille non plus Tsé. Pas aller chercher la plus belle, pis la plus euh… Celle que tous les autres gars veulent. Je me suis dit crime, ça peut être plus de trouble que d’autres choses, je me suis dit vas-y vraiment avec tes priorités. — Charles

(…), Mon père qui me disait : « Charles, y’a pas juste le cul dans la vie ». Il m’a dit : « arrête de penser avec ta graine deux minutes, pis vas-y avec ce que tu recherches chez une femme, oublie le lit, vas-y vraiment avec ce qui est important pour toi ». — Charles

Ben ce qui va bien. En général, toute va bien, j’ai trouvé une bonne compagne. C’est sûr que… comment que je peux expliquer ça ? Okay physiquement, c’est pas mon genre de fille. Je me suis pas arrêté à son physique. Hum… (Silence). C’est sûr l’amour compense toute le reste. Pis ça je m’en rends compte. — Charles

Je suis avec une personne qui est mature pour une fois. Tsé on est capable de se parler en adulte, de s’écouter. — Charles

Comme décrit plus haut ; deux des hommes entretenaient auparavant des relations amoureuses avec des femmes consommatrices de drogues. Maintenant devenus abstinents, ceux-ci souhaitent plutôt s’engager avec une personne qui ne présente pas de problème de consommation et qui adhère à leur nouveau mode de vie.

B) Travailler sa dépendance affective

Ce changement dans le type recherché de partenaire ne s’est pas effectué du jour au lendemain. En fait, deux des participants ont dû travailler leur problème de dépendance affective, notamment à travers la thérapie, avant d’être en mesure de mettre fin à leur précédente relation amoureuse toxique. Aussi, par rapport à leur faible estime d’eux-mêmes, ils ne croyaient plus en leur propre valeur et n’avaient pas espoir d’être avec une conjointe meilleure que celle avec qui ils étaient alors. Portant sur le thème de la dépendance affective, voici ce que nous retrouvons :

C’est ça, pis mieux vaut être seul que mal accompagné. Pis ça aussi je l’ai compris avec mon ex, pis si ça faisait pas avec elle non plus, ça aurait été la même chose. J’ai travaillé ma dépendance affective, tsé j’ai vraiment ciblé ce qui était néfaste pour moi. — Charles (…), Je suis dépendant affectif, mais avant je prenais n’importe qui, tsé tu comprends, c’était facile, je vendais de la drogue, j’avais de l’argent tout le temps dans les poches. C’était facile, n’importe quelle junkie prostituée n’importe quoi, j’ai sorti avec des prostituées combien de temps parce que je voyais pas d’autres choses, je valais pas mieux de toute façon, je valais pas mieux. — Rolland

(…), Pis ma conjointe à l’époque elle en profitait beaucoup, elle a été sept ans à me contrôler, à me dénigrer, à me rabaisser régulièrement, tellement que je me voyais pu bon pour une autre fille qu’elle. Je voyais pu d’autres avenues possibles. Je me disais : « ben tsé, au moins elle a veut de moi, tsé ». J’avais perdu la notion de ce que je valais pis de ce que je pouvais apporter de bon à quelqu’un. Pis ça, c’est une des plus grosses erreurs que j’ai faites. Quand j’ai allumé là-dessus, le déclic s’est fait vite en maudit là. — Charles

En somme, avant même de s’engager officiellement dans la relation amoureuse actuelle, deux des participants avaient déjà effectué un certain cheminement personnel. En changeant certaines de leurs habitudes de vie, dont l’arrêt des comportements délinquants et l’abstinence aux drogues, ils en sont venus à changer leurs critères amoureux, recherchant ainsi des partenaires qui correspondaient mieux à leur nouveau mode de vie. Notons que c’est seulement lorsqu’ils ont adressé leur problématique de dépendance affective que deux d’entre eux sont parvenus à réaliser qu’ils méritaient effectivement une partenaire prosociale. Évidemment, nos conclusions sont limitées étant donné la taille de notre échantillon. Néanmoins, chez nos participants, nous constatons que leur relation amoureuse n’explique pas l’ensemble du processus de changement qui s’est opéré en eux et que, si ces relations sont effectivement favorables à la réinsertion sociale et au maintien de l’arrêt des comportements délictuels, elles ne se positionnent pas nécessairement comme des points tournants dans leur parcours criminel. Dès lors, nous pouvons nous demander quels sont les autres facteurs qui ont contribué, ou qui contribuent encore aujourd’hui, à les faire dévier de leur trajectoire criminelle.