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Le nom « Transmembrane conductance Regulator » donné à la protéine CFTR était basé sur le classement de nombreuses anomalies au sein des épithélia mucoviscidosiques, incluant une régulation altérée d’autres canaux Cl- tel que l’ORCC (Outwardly Rectifying Chloride Channel) (Gabriel et al., 1993) ou encore une hyperabsorption des ions sodium par le canal Na+ sensible à l’amiloride, l’ENaC (Epithelial Na+ Channel) (Knowles et al., 1981; Quinton, 1983; Boucher et al., 1986; Stutts et al., 1995). La perte de l’activité de transport des ions Cl-, qui pourrait être indirectement impliquée dans le transport d’eau et d’ions (Quinton, 1983; Anderson et al., 1991; Bear et al., 1991), n’étant pas suffisante pour expliquer les disfonctionnements épithéliaux observés dans le cas de la MV, l’hypothèse d’une fonction régulatrice a été émise. Ces modèles de régulation par CFTR sont surtout basés sur son appartenance à la superfamille des ABC et sur sa capacité à fixer des protéines contenant des domaines PDZ (Short et al., 1998).

i) ORCC

Il est bien établit, depuis 1983, que la MV est due en grande partie à un défaut de transport des ions Cl- à travers les cellules épithéliales (Quinton, 1983). L’ORCC a été incriminé dans la maladie à cause de sa fonction canal Cl- régulée par l’AMPc et du fait qu’il soit inactif chez les personnes atteintes de MV. En effet, l’ORCC est impliqué dans la

conductance membranaire et ne fonctionne qu’en présence de la protéine CFTR (Schwiebert

et al., 1994). CFTR régule l’ORCC via des kinases, par un mécanisme autocrine/paracrine qui

implique le transport, contrôlé par CFTR d’ATP dans le milieu extracellulaire. L’ATP va alors se lier aux récepteurs purinergiques P2R pour stimuler l’ORCC (Schwiebert et al., 1995). L’activité de l’ORCC est fortement augmentée en présence de PKA, de PKC et d’ATP, alors qu’il n’est pas directement activé par ces composés. La protéine CFTR fonctionnelle est donc très importante pour l’activité maximale de ce canal (Gabriel et al., 1993; Jovov et al., 1995; Schwiebert et al., 1998). L’étude de la régulation de l’ORCC par différentes molécules CFTR tronquées a permis de montrer que les domaines de CFTR nécessaires au transport des ions Cl- et à la régulation d’autres protéines ne sont pas les mêmes. En effet, la partie de CFTR composée de TMD1-NBD1-R (TNR-CFTR) a une perméabilité aux ions Cl- et régule l’ORCC via l’export d’ATP, alors que le domaine TMD1 seul possède une activité canal Cl- mais n’a pas d’activité régulatrice sur l’ORCC, ce qui laisse penser que ce sont les domaines NBD1 et R de la protéine CFTR qui seraient impliqués dans la régulation de l’ORCC (Schwiebert et al., 1998). Il a été montré que le glibenclamide inhibe l’activité d’ORCC dans les patchs excisés seulement quand CFTR est aussi exprimé (Julien et al., 1999). L’hypothèse avancée est que le glibenclamide affecterait l’activité des transporteurs localisés autour de la protéine CFTR en se liant à cette dernière. Les ions Cl- et le glibenclamide pourraient rentrer en compétition pour un même site (Sheppard & Robinson, 1997).

ii) ENaC

Le canal ENaC sensible à l’amiloride assure l’absorption des ions Na+ à travers la membrane apicale des cellules épithéliales. Dans les épithélia de malades de MV, l’absorption accrue d’ions Na+ est décrite depuis longtemps (Knowles et al., 1983; Boucher et al., 1986). L’absence de CFTR à la membrane apicale entraine en effet une augmentation de l’absorption de Na+ sensible à l’AMPc. Ce phénomène est certainement dû à la levée de l’inhibition de l’ENaC par CFTR (Stutts et al., 1995). Le canal ENaC est activé par l’AMPc et la PKA dans les cellules MDCK ainsi que dans les fibroblastes de souris. En revanche, il est insensible lorsqu’il est exprimé dans les ovocytes de Xénope, ce qui suggère que la régulation par l’AMPc nécessite des protéines régulatrices additionnelles. En revanche, si ENaC est co- exprimé avec la protéine CFTR, l’effet de l’AMPc est inversé, se traduisant par l’activation de CFTR tout en maintenant l’inhibition d’ENaC (Mall et al., 1996; Chabot et al., 1999). ENaC et CFTR étant naturellement co-exprimés dans les mêmes cellules épithéliales, la conductance

Na+ peut être inhibée par l’activation de CFTR avec comme conséquence d’une part la diminution de l’absorption en électrolyte et d’autre part l’inversion du flux de NaCl. L’inhibition d’ENaC par CFTR dans les épithélia des voies respiratoires (Mall et al., 1998) et du colon (Mall et al., 1999) reflète l’importance du mécanisme par lequel les voies peuvent passer de l’absorption à la sécrétion.

Les bases moléculaires de la régulation négative d’ENaC par CFTR sont très controversées. A ce jour, quatre hypothèses existent :

• CFTR serait un partenaire d’interaction direct d’une ou plusieurs sous-unités d’ENaC. Des études de double hybride ont montré que la partie carboxy terminale d’ENaC peut interagir avec les domaines NBD1 et R de CFTR (Kunzelmann et al., 1997). Des expériences de troncation ont aussi démontré que NBD1 est essentiel à la régulation négative d’ENaC (Schreiber

et al., 1999a). De plus, l’interaction entre CFTR et ENaC est rompue par la

mutation G551D, située dans le domaine NBD1 de la protéine CFTR (Stutts et

al., 1995).

• Comme dans le cas de la régulation d’ORCC, CFTR serait impliqué dans l’export de l’ATP intracellulaire. Ce dernier pourrait en effet inhiber le transport transépithélial de Na+ par l’activation de la phospholipase C et de la PKC liée au récepteur purinergique P2R (Schreiber et al., 1999a).

• Les canaux CFTR et ENaC n’interagiraient pas directement entre eux et la régulation se ferait par couplage électrochimique. L’activation de CFTR modifierait le potentiel membranaire, altérant le flux d’ions Na+ (Nagel et al., 2001).

CFTR et ENaC interagiraient via des éléments associés à la membrane et au cytosquelette. C’est cette interaction indirecte qui permettrait à CFTR, via la PKA, d’interférer avec la régulation d’ENaC. Le mécanisme exact reste à déterminer mais il a été montré que les canaux CFTR (Cantiello, 1996) et ENaC (Berdiev et al., 1996) sont affectés par les interactions avec les protéines du cytosquelette, comme l’actine. L’expression variable d’une protéine régulatrice ou d’une protéine liant CFTR ou ENaC au cytosquelette permettrait ainsi d’expliquer la régulation tissue spécifique d’ENaC par CFTR. L’actine pourrait être une de ces protéines (Schwiebert et al., 1999). Une étude plus récente a conforté cette hypothèse en montrant, dans des cellules MDCKI

stablement transfectées par ENaC et CFTR, que CFTR régule non seulement l’activité d’ENaC mais aussi sa stabilité à la membrane plasmique (Lu et al., 2007).

Si dans les épithélia respiratoires et intestinaux l’activité d’ENaC est inhibée par CFTR, des études ont montré que dans les glandes sudoripares, épithélium purement absorbant, l’activité d’ENaC dépend de CFTR et augmente avec l’activité de CFTR (Reddy & Quinton, 2003). Ni la phosphorylation, ni l’ATP, ne sont nécessaires à l’activation d’ENaC par CFTR mais cette activation requière la fonction canal Cl- de CFTR. Les auteurs ont de plus démontré que l’activation d’ENaC n’est pas due à l’AMPc ou aux protéines G mais à la fonction canal Cl- de CFTR (Reddy & Quinton, 2005).

Il semblerait donc que la direction du courant Cl- influence le mécanisme d’interaction entre CFTR et ENaC puisque ENaC est activé lorsque les ions Cl- sont absorbés, alors qu’il est inhibé lorsque les ions Cl- sont sécrétés.