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Les cercles Richard Wagner

Ces quelques repères sur le wagnérisme en France seraient incomplets si l’on n’abordait pas la question, même rapidement car elle sera détaillée plus loin dans cet ouvrage, des associations de mélomanes qui se sont créées pour défendre et promouvoir la musique de Wagner5. Les premiers cercles Wagner virent le jour en Allemagne dès l’avènement du Deuxième

Reich. La création du cercle de Mannheim en 1871 prouve, s’il en était encore besoin, combien la figure de Wagner était associée à l’unité allemande. A peine celle-ci fut-elle accomplie que des mouvements spontanés se formèrent autour de Wagner, qui, à cette date, rappelons-le, n’avait pas encore présenté l’intégralité de sa Tétralogie. Rapidement, l’initiative de Mannheim fit tache d’huile et, en trois ans, plus d’une vingtaine de cercles virent le jour. Cette tendance se confirma dans les deux décennies qui suivirent, à une époque où le nombre de représentations des opéras de Wagner dans les théâtres allemands connut un boom fantastique (le pic fut atteint au tout début du siècle ; à titre d’exemple, il y eut près de deux mille représentations d’opéras de Wagner, principalement du Vaisseau fantôme, de Tannhäuser et de Lohengrin, en Allemagne entre 1900 et 1910). Si Wagner suscitait aussi de nombreux adeptes hors d’Allemagne, les associations

4. Pierre Boulez, Points de repères II. Regards sur autrui, Paris, Bourgois, 2005, p. 103.

5. Un article a paru sur cette question, sous la plume de Philippe Olivier, dans le numéro de printemps 2013 de la Revue de la

BNU (voir Eva Märtson et Philippe Olivier, « Le futur appartient à la jeunesse. Aperçus sur l’histoire et l’évolution du mouvement

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wagnériennes n’y prirent pas la même forme. En France, elles se manifestèrent plutôt dans le champ littéraire sous des appellations telles que Revue fantastique, Revue wagnérienne, Revue

moderniste, littéraire et artistique, La Revue contemporaine, etc. Leur but était différent  : les

premières faisaient la promotion de l’œuvre de Wagner auprès du public, en lui permettant d’aller au concert et en organisant des conférences et des rencontres ; les secondes reliaient Wagner à la création contemporaine. Le fonds Boulet-Devraigne ne documente pas spécifiquement l’histoire de ces premières associations, car rien de tel n’existait en France. En revanche, Devraigne, qui créa le Cercle national Richard Wagner en 1965, fut bien placé pour alimenter le fonds en documents témoignant de l’enthousiasme et de l’élan wagnériens auxquels donna lieu son initiative.

Au terme de ce trop bref panorama du wagnérisme, force est de constater que l’exposition « Wagner, vu de France » témoigne à elle seule de toutes les formes que prit le wagnérisme en France depuis sa naissance jusque dans les années 1970 et de toutes les attitudes qu’il suscita : la fascination, l’émulation, le rejet, l’opprobre, la reconquête… Seule une œuvre engagée et porteuse de modernité comme celle de Wagner pouvait à ce point attirer les extrêmes. L’histoire du wagnérisme, qui n’est pas encore terminée, en est la preuve la plus tangible.

Fig. 17. / Abb. 17.

Charles Baudelaire, Richard Wagner et Tannhäuser à Paris, Paris, E. Dentu, 1861.

Charles Baudelaire, qui, comme le rapporte Catulle Mendès dans son Richard Wagner, assista impassible à la débâcle de Tannhäuser le 13 mars 1861, tant il était habitué aux lynchages artistiques, ne resta pas insensible à la cabale menée contre Wagner et publia dans la foulée une longue étude sur Richard Wagner et sa musique – particulièrement celle de Tannhäuser – dans la Revue européenne du 1er avril. Ce texte,

qui lança en France la polémique autour de l’œuvre de Wagner, fut ensuite publié et diffusé plus largement par E. Dentu. C’est cette édition qu’avait acquise Boulet ; elle est augmentée de la postface « Encore quelques mots » dans laquelle Baudelaire place déjà la querelle de Tannhäuser dans une perspective franco-allemande : « Pendant les scandales soulevés par l’ouvrage de Wagner, je me disais : “Qu’est-ce que l’Europe va penser de nous, et en Allemagne que dira-t-on de Paris ? Voilà une poignée de tapageurs qui nous déshonorent collectivement !” Mais non, cela ne sera pas. Je crois, je sais, je jure que parmi les littérateurs, les artistes et même parmi les gens du monde, il y a encore bon nombre de personnes bien élevées, douées de justice, et dont l’esprit est toujours libéralement ouvert aux nouveautés qui leur sont offertes. L’Allemagne aurait tort de croire que Paris n’est peuplé que de polissons qui se mouchent avec les doigts, à cette fin de les essuyer sur le dos d’un grand homme qui passe. » L’avenir nous a appris que la réception de Wagner en France ne fut pas aussi facile que l’espérait Baudelaire.

Charles Baudelaire, Richard Wagner et Tannhäuser à Paris, Paris, E. Dentu, 1861.

Wie Catulle Mendès in seinem Buch Richard Wagner berichtet, hat Charles Baudelaire zwar das Debakel um den Tannhäuser vom 13. März 1861 ohne mit der Wimper zu zucken miterlebt, da er es gewohnt war, den Totalverriss eines Künstlers mit anzusehen. Die gegen Wagner geführte Intrige hingegen ließ ihn nicht unberührt und so veröffentlichte er in der Revue européenne vom 1. April unverzüglich eine längere Studie über Richard Wagner und seine Musik – vor allem über Tannhäuser. Dieser Text, der den Beginn der Polemik um Wagners Werk in Frankreich markiert, wurde später bei E. Dentu veröffentlicht und weitherum bekannt gemacht. Diese Ausgabe hat Boulet erworben. Sie beinhaltet zudem ein Nachwort unter dem Titel „Encore quelques mots“ (Noch einige weitere Worte), worin Baudelaire den Streit um

Tannhäuser bereits in eine deutsch-französische Perspektive stellt: „Während der Skandal um Wagners

Werk tobte, fragte ich mich: ‘Was wird Europa von uns denken und was wird man in Deutschland von Paris sagen? So werden wir also von ein paar Schreihälsen kollektiv entehrt!’ Aber nein, so wird es nicht geschehen. Ich glaube, ich weiß, ich schwöre, dass es unter den Literaten, den Künstlern und sogar unter den Leuten von Welt noch immer eine Reihe gut erzogener, gerechter Menschen gibt, deren liberaler Geist weiterhin offen ist gegenüber dem Neuen, das man ihnen bietet. Deutschland täte falsch daran zu glauben, dass Paris voll sei von aufgeblasenen Nichtsnutzen, die sich in die Finger rotzen, um diese dann am Rücken eines großen Mannes abzuwischen, der an ihnen vorbeigeht.» Die Geschichte wird zeigen, dass die Wagnerrezeption in Frankreich nicht so einfach verlaufen ist, wie Baudelaire es sich erhoffte.

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Fig. 18. / Abb. 18.

Eugène Grasset, La Walkyrie, Paris, Berthaud et frères, 1893. 31,5x22 cm.

Le 12 mai 1893, le public parisien put assister pour la première fois à une représentation en français de

La Walkyrie, traduite par Victor Wilder, sur la scène de l’Opéra. La baguette était tenue par Édouard

Colonne ; les rôles principaux étaient assurés par Lucienne Bréval (Brunnhilde), Rose Caron (Sieglinde), Francisque Delmas (Wotan) et Ernest Van Dyck (Siegmund). L’affiche représente la scène finale de l’opéra, pendant laquelle Wotan, courroucé par la trahison de Brunnhilde, la condamne à attendre, endormie sur un rocher cerné d’un rideau de flammes, la délivrance venue d’un valeureux héros.Dans le ciel, on devine la chevauchée des Walkyries.

Eugène Grasset, La Walkyrie, Paris, Berthaud et frères, 1893. 31,5x22 cm.

Am 12. Mai 1893 konnte das Publikum in der Pariser Opéra zum ersten Mal einer französischen Aufführung der Walküre in der Übersetzung von Victor Wilder beiwohnen. Es dirigierte Édouard Colonne, in den Hauptrollen waren zu sehen: Lucienne Bréval (Brünnhilde), Rose Caron (Sieglinde), Francisque Delmas (Wotan) und Ernest Van Dyck (Siegmund). Das Plakat zeigt die Schlussszene der Oper: Wotan, von Brünnhildes Verrat erzürnt, straft diese, indem er sie schlafend auf einem Felsen zurücklässt, wo sie von Flammen umgeben auf die Rettung durch einen tapferen Helden wartet. Im Himmel zeichnet sich der Walkürenritt ab.

Fig. 20. / Abb. 20.

Winifred Wagner en visite au Congrès international des cercles Richard Wagner. Photographie en noir et blanc, Paris, mai 1974. 24x18 cm.

Du 24 au 27  mai 1974, quelques mois avant sa mort, Pierre Devraigne organisa, en sa qualité de président du Cercle national Richard Wagner, le Congrès international des cercles Wagner. Celui-ci se tint à l’Hôtel Intercontinental à Paris et reçut comme hôte de marque Winifred Wagner, ancienne directrice du festival de Bayreuth et bru de Richard Wagner. Winifred venait également pour témoigner son soutien à l’initiative de Devraigne consistant à créer un cercle Wagner dans un pays non germanophone.

Winifred Wagner besucht den Internationalen Kongress des Richard -Wagner-Verbandes. Schwarzweiß- Fotografie, Paris, Mai 1974. 24x18 cm.

Als Präsident des Cercle national Richard Wagner organisierte Pierre Devraigne vom 24. bis 27. Mai 1974, nur wenige Monate vor seinem Tod, den Internationalen Kongress des Richard- Wagner-Verbandes. Dieser fand im Hotel Intercontinental in Paris statt. Als Ehrengast war Winifred Wagner geladen, die ehemalige Direktorin der

Fig. 19. / Abb. 19.

Winifred Wagner. Photographie en noir et blanc réalisée par Wieland Wagner. Dédicace manuscrite de Winifred Wagner datée du 22 novembre 1937. 14x10,5 cm.

Le jeune Wieland Wagner, à peine âgé de vingt ans, s’était découvert une passion pour la photographie. Il prit même à plusieurs reprises Adolf Hitler comme modèle. Ici, c’est sa mère Winifred, la directrice du festival de Bayreuth pendant toute la période du Troisième Reich, qui posa pour lui. La photo fut transformée en carte postale que Winifred Wagner envoya semble-t-il à Paul Boulet quelques mois après le festival de 1937. Les festivaliers étrangers étaient peu nombreux dans les années 1930 et Winifred devait avoir à cœur de soigner ce public. Nous ne disposons toutefois pas d’information plus précise sur la nature de la rencontre entre Paul Boulet et Winifred Wagner en 1937, mais elle dut rester anecdotique, car Paul Boulet n’en fit pas mention dans la correspondance qu’il entretint avec Winifred dans les années 1960.

Winifred Wagner. Schwarzweiß-Fotografie von Wieland Wagner. Handschriftliche Widmung Winifred Wagners, datiert vom 22. November 1937. 14x10,5 cm.

Der junge Wieland Wagner entdeckte seine Leidenschaft für die Fotografie im Alter von knapp zwanzig Jahren. Er machte sogar mehrere Aufnahmen von Adolf Hitler. Hier posiert seine Mutter Winifred für ihn. Sie war während der ganzen Zeit des Dritten Reichs die Direktorin der Bayreuther Festspiele. Die Fotografie wurde als Postkarte gedruckt, die Winifred Wagner, wie es scheint, wenige Monate nach den Festspielen von 1937 Paul Boulet zugeschickt hat. Es gab in den 1930er Jahren wenige ausländische Festspielbesucher, und Winifred lag an diesem Publikum besonders viel. Wir haben jedoch keine genaueren Informationen über die Begegnung zwischen Paul Boulet und Winifred Wagner im Jahr 1937, aber sie dürfte ohne weitere Konsequenzen gewesen sein, denn Paul Boulet erwähnt sie nirgends in seinem Briefwechsel mit Winifred in den 1960er Jahren.

Bayreuther Festspiele und Schwiegertochter von Richard Wagner. Winifreds Anwesenheit war auch ein Zeichen der Unterstützung für Devraignes Bemühungen zur Schaffung eines Wagnervereins in einem nicht-deutschsprachigen Land.

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