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CHAPITRE I - CINETIQUE EN EXTRACTION LIQUIDE-LIQUIDE

3.3 Cellule à membrane tournante

La cellule à membrane tournante (Rotative Membrane Cell - RMC) est une méthode qui met en jeu une membrane imprégnée par une phase aqueuse ou organique dans laquelle cette phase est immobilisée par une membrane microporeuse dont elle est imprégnée. Cette technique a été développée par Jean-Pierre Simonin en 199844 en s’inspirant de techniques voisines :

- la Cellule tournante à diffusion (Rotating Diffusion Cell - RDC), - la Cellule tournante stabilisée (Rotating Stable Cell - RSC).

Généralités

3.3.1

Développée par Albery en 197645, la RDC consiste en un cylindre, contenant une première phase A, plongé dans une phase B fixe, les phases étant séparées par un filtre Millipore. Albery a placé à l’intérieur du cylindre rotatif un cylindre percé fixe permettant d’agiter la phase aqueuse pendant le transfert vers la membrane (Figure 17).

Figure 17 - Cellule RDC et RSC

L’hydrodynamique à l’intérieur du cylindre étant assez mal définie, le système de la RDC a été remplacé par un tube capillaire en verre rempli de gel de polyacrylamide contenant une solution aqueuse chargée en traceurs radioactifs en rotation dans une phase organique. Cette technique, appelée RSC, permet la détermination de l’espèce transférée pendant le contact en analysant le gel de polyacrylamide du capillaire par radiométrie46. Afin de contrôler au mieux l’hydrodynamique de la cellule, d’augmenter la part de la contribution chimique dans le transfert mais aussi d’éviter les éventuelles interactions dues au gel de type « amide », celui-ci a été remplacé par une membrane de type téflon d’environ 100 µm d’épaisseur collée à la base du cylindre tournant44, dans le cas de la RMC (Figure 18).

La membrane de la RMC est compatible tant avec des solutions aqueuses acides que des solvants aliphatiques, ce qui permet de l’imprégner avec une phase A (aqueuse ou organique) avant d’être plongée dans une phase B (organique ou aqueuse) selon que l’on étudie la cinétique en extraction ou en désextraction.

Figure 18 - Cellule RMC

Etablissement du modèle cinétique

3.3.2

Avec une hydrodynamique fixée (vitesse de rotation du cylindre), le transfert de matière a lieu entre la membrane (dont la porosité fixe l’aire interfaciale) contenant la phase A, et la phase B, dans laquelle est plongée la membrane. Connaissant au préalable les paramètres physico-chimiques et hydrodynamiques, il est possible, en analysant la concentration du soluté dans la membrane et dans la phase extérieure, d’accéder à la constante cinétique de réaction chimique de transfert.

La membrane contient une phase A chargée en soluté. Elle crée une couche laminaire à l’interface, lorsque celle-ci est en rotation à une vitesse peu élevée. De plus, elle empêche toute convection dans la phase A. Le modèle cinétique nécessite principalement la connaissance des paramètres suivants :

- l'épaisseur de la membrane L,

- la viscosité cinématique notée νB de la phase B,

- la surface réelle de contact S’ entre les deux phases, avec S’<S, - les coefficients de diffusion du soluté dans les deux phases.

Transfert du soluté dans la phase A 3.3.2.1

Soit C, la concentration de soluté dans la membrane au temps t et à la position x et le coefficient de diffusion du soluté dans la membrane 𝒟A. Dans l’hypothèse d’un transfert purement diffusif du soluté à travers la membrane (absence de convection), la loi de Fick s’applique :

∂C ∂t = 𝒟A

2C

Transfert du soluté dans la phase B 3.3.2.2

L’équation suivante due à Levich fait intervenir le terme convectif du transfert puisqu’il s’agit de la migration du soluté dans la phase47.

∂C ∂t+ ux ∂C ∂x= 𝒟B2C ∂x2 (82)

avec 𝒟𝐵, le coefficient de diffusion du soluté dans la phase B et 𝑢𝑥, la vitesse du fluide selon l’axe de transfert x.

De plus, en présence d’une réaction chimique située à l’interface et du premier ordre par rapport à la concentration de l’espèce étudiée, la continuité des flux donne :

−S. 𝒟A∂C

∂x(x = 0, t) = S. 𝒟B∂C

∂x(x = 0+, t) = S. [kfC(t) − krC(t)] (83) avec kf et kr qui sont respectivement les constantes de vitesse de réaction allant de la phase A vers la phase B et réciproquement.

Pourcentage de soluté transféré 3.3.2.3

La proportion de soluté transféré peut être définie selon :

P(t) =1 L [C0− C(x, t)] C0 dx 0 −L (84)

où C0 est la concentration initiale (homogène) dans la membrane.

Toutefois, les équations de transfert ne pouvant pas être résolues mathématiquement de façon exacte, une bonne approximation de P(t) a été établie :

P(t) ≈ 1 − e−tτ (85)

avec τ, le temps moyen de transfert de matière dans le système de la membrane vers la phase continue tel que :

τ = τA+ τB+ τf (86)

τ peut-être décomposé en trois contributions, grâce à la transformée de Laplace pour les équations de transport44. 𝜏𝑓 est le temps caractéristique de la réaction chimique interfaciale, 𝜏𝐴 représente le temps de diffusion dans les pores de la membrane jusqu’à l’interface et 𝜏𝐵 le temps nécessaire pour traverser le film de diffusion dans la phase B (Figure 19).

Figure 19 - Transfert de matière au sein de la RMC

Ces temps ont pour expression :

τA = L2 3𝒟m τB= Lσδ D𝒟B τf= L kf (87)

avec L l’épaisseur de la membrane, σ sa porosité, δ l’épaisseur du film diffusionnel et D, le coefficient de distribution du soluté dans les deux phases tel que D =kkf

r (kf étant la constante cinétique du transfert de A vers B et kr celle du transfert inverse) et 𝒟m le coefficient de diffusion du soluté dans la membrane.

Ce coefficient n’est pas exactement le coefficient de diffusion du soluté en solution mais le coefficient de diffusion « apparent » car il intègre un facteur correctif dû à la tortuosité 𝝀 des pores de la membrane tel que44 :

𝒟m=𝒟A

λ (88)

où 𝒟𝐴 est le coefficient de diffusion du soluté dans la phase A, en l’absence de membrane.

L’expression de l’épaisseur du film diffusionnel calculée par Levich (1962) 47 est : δ = 1,612δH

Sc13

(89)

avec δH = √ων, l’épaisseur de la couche limite hydrodynamique 47

en fonction de la viscosité cinématique ν

Interprétation graphique

3.3.3

Lorsque la réaction chimique interfaciale est très rapide (kf et kr⟶ ∞, D =𝑘𝑓

𝑘𝑟), le transfert de matière est essentiellement gouverné par la diffusion, l’équation (86) se réduit alors à :

τ= τA+ τB (90)

Dans les conditions expérimentales et en utilisant l’équation de pourcentage de soluté transféré, le graphique −𝑙𝑛(1 − 𝑃) en fonction du temps permet d’obtenir une droite de coefficient directeur 𝜏−1 (cf. eq. 85). Dans le cas d’une limitation diffusionnelle, cette droite a une pente maximum dont le coefficient directeur est égal à τ−1 traduisant la limite diffusionnelle (Figure 20).

Figure 20 - Fonction -ln(1-P) traduisant le transfert de matière en RMC

Avantages et inconvénients de la technique

3.3.4

Cette technique permet à la fois un bon contrôle de l’hydrodynamique et l’augmentation de la part due à la réaction chimique. Facile à mettre en œuvre, elle nécessite de faibles volumes (5 mL pour la phase externe et quelques microlitres pour la phase déposée sur la membrane). La relative incertitude de cette technique réside dans la présence de la membrane dont la composition moléculaire est mal connue (protégée par brevet Millipore) et peut intervenir dans l’extraction du soluté (affinité avec l’extractant, le soluté et les groupements sulfonates greffés sur le squelette de Téflon de la membrane, capacité d’adsorption...). Par contre, la dimension macroscopique des pores (environ 0,5 µm) limite beaucoup l’effet potentiel de la membrane sur le transfert. De plus, ce type de membrane a de très faibles propriétés d’adsorption. Enfin, la faible quantité de phase déposée sur la membrane requiert l’utilisation de techniques d’analyses sensibles.