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Cas particulier des courbes elliptiques

7.2 La m´ ethode de Gaudry et Diem

7.2.2 Cas particulier des courbes elliptiques

Lorsque l’on recherche des relations sur une courbe elliptique d´efinie sur F

qn

, on a tout int´erˆet

`

a utiliser les polynˆomes de sommation de Semaev pour simplifier les expressions polynomiales

obtenues. Ainsi lorsque l’on cherche une relation du type (7.4), autrement dit de la forme

R=±P

1

±P

2

±. . .±P

n

avec P

i

∈ F, (7.5)

on se ram`ene `a l’´equation ´equivalente

˜

f

n+1

(e

1

, . . . , e

n

, x

R

) = 0 (7.6)

o`u ˜f

n+1

F

qn

[X

1

, . . . , X

n+1

] est le (n+ 1)-i`eme polynˆome de sommation sym´etris´e, de degr´e total

2

n1

en les fonctions ´el´ementaires sym´etriquese

1

, . . . , e

n

des variablesx

P1

, . . . , x

Pn

. Les inconnues

e

1

, . . . , e

n

´etant dansF

q

, on obtient en triant (7.6) suivant les puissances det une expression de la

forme

n

X

i=0

ϕ

i

(e

1

, . . . , e

n

)t

i

= 0,

o`u chacun des polynˆomesϕ

i

est `a coefficients dansF

q

(d´ependants param´etriquement des

compo-santes de x

R

). De cette restriction des scalaires, on d´eduit un syst`eme polynomial de degr´e total

2

n1

enn´equations etninconnues

ϕ

0

(e

1

, . . . , e

n

) = 0, ϕ

1

(e

1

, . . . , e

n

) = 0, . . . ϕ

n−1

(e

1

, . . . , e

n

) = 0. (7.7)

Une fois le (n+ 1)-i`eme polynˆome de Semaev calcul´e, ce syst`eme est donc facile `a ´ecrire mais

reste par contre difficile `a r´esoudre. Bien que le coˆut de la r´esolution soit d´elicat `a estimer, on

sait toutefois que la complexit´e du calcul est au moins polynomiale en le degr´e de l’id´eal z´

ero-dimensionnel correspondant ; or suivant l’analyse faite dans [Die11], on peut montrer que ce degr´e

est g´en´eriquement ´egal `a la borne de B´ezout 2

n(n1)

. En particulier, la recherche de relations devient

rapidement infaisable lorsque ncroˆıt, notamment d`es quen≥5.

Pour passer d’une solution de l’´equation (7.6) `a une relation de la forme (7.5), on doit d´eterminer

les solutionsF

q

-rationnelles du polynˆome univari´eF(x) =x

n

−e

1

x

n−1

+. . .+ (−1)

n

e

n

, ce qui peut

se faire ais´ement en utilisant par exemple l’algorithme pr´esent´e en section 1.2.2. Lorsque F est

scind´e sur F

q

, il reste encore `a d´eterminer les points de F dont l’abscisse est solution de F, ainsi

que le signe `a apposer devant chacun de ces points pour obtenir une d´ecomposition de R. Le

coˆut de cette “d´esym´etrisation” reste n´egligeable compar´e au coˆut de la r´esolution des syst`emes

polynomiaux consid´er´es. On note cependant que lorsqueF est scind´e surF

q

, il est possible a priori

que certaines racines ne correspondent pas aux abscisses de points de F : c’est le cas notamment

lorsque l’ordonn´eeyest dans une extension quadratiqueF

(qn)2

mais pas dansF

qn

. N´eanmoins, tous

ces points sont dans le sous-groupeG

0

=ψ(E

0

(F

qn

))⊂E(F

q2n

), o`uE

|0

Fqn

est la tordue quadratique

deE etψest unF

q2n

-isomorphisme entreE

0

(F

q2n

) etE(F

q2n

) (cf. section 5.1.4). La d´ecomposition

de R est donc de la forme R = ±P

1

±. . . ±P

k

±P

k+1

±. . .±P

n

avec P

i

∈ F si i ≤ k et

P

i

∈G

0

si i > k; autrement dit on a R∓P

1

∓. . .∓P

k

=±P

k+1

±. . .±P

n

o`u le terme de gauche

est dans E(F

qn

) et le terme de droite est dans G

0

. Comme l’intersection de ces deux groupes est

r´eduite `a E(F

qn

)[2], on obtient en particulier une d´ecomposition en seulement n−k points d’un

point de 2-torsion deE(F

qn

). Bien que l’existence d’une telle d´ecomposition soit possible, elle reste

n´eanmoins tr`es improbable ; de fait, lorsque F est scind´e sur F

q

, on obtiendra en pratique toujours

une d´ecomposition dans F. On note que cette analyse est valable aussi bien en caract´eristique

impaire qu’en caract´eristique 2.

Analyse et complexit´e

Avant d’analyser la m´ethode, on s’assure que la base de factorisationF contient suffisamment de

points. D’un point de vue heuristique, il est assez clair que sa cardinalit´e est approximativementq/2,

on justifie ici rigoureusement cette analyse. L’objet g´eom´etrique correspondant `a F est la vari´et´e

projectiveC ={P ∈E(F

qn

) :P = (x

P

, y

P

), x

P

F

q

} ∪ {O

E

}, contenue dans la restriction de Weil

W =W

Fqn/Fq

(E) deE relativement `a l’extensionF

qn

/F

q

; il s’agit pr´ecis´ement de l’intersection de

W par des hyperplans que l’on consid`ere dans l’attaque GHS (voir section 6.2.1). Il est relativement

ais´e de d´eterminer que Cest une courbe (i.e. est irr´eductible) quand le nombre magiquemest ´egal

`

an, et de borner son genre grˆace `a la formule (6.4) ou (6.6) ; on pourra alors donner une estim´ee de

sa cardinalit´e grˆace `a la borne de Hasse. Suivant l’approche de Diem, on va supposer que la courbe

elliptiqueE satisfait la condition suivante, qui est une reformulation de la condition 2.7 de [Die11]

et implique directement que m=n:

Condition 7.2.2. Soit σ la fonction d’exponentiation par q. Il existe un point P ∈ E(F

qn

) de

2-torsion tel que pour tout 1 ≤ i ≤ n, σ

i

(x

P

) 6= x

P

et σ

i

(x

P

) n’est pas l’abscisse d’un point de

2-torsion de E.

Rigoureusement parlant, cette condition porte sur l’´equation de Weierstrass de E et non sur

la courbe elle-mˆeme. Diem montre qu’il est toujours possible de trouver une ´equation de E pour

laquelle cette condition est satisfaite, et on suppose dans la suite que l’´equation deE choisie v´erifie

la condition 7.2.2. Le nombre de points deC est alors plus grand queq+ 1−n2

n+2

(q−1) ; d`es

que n ≤clog

2

q o`u c <1/2, ce nombre est plus grand que q/2 pour q suffisamment grand. On a

donc la proposition suivante :

Proposition 7.2.3. Pour tout > 0, il existe une constante C > 0 telle que pour tout q > C et

tout n <(1/2−) log

2

q, la base de factorisationF associ´ee `a une courbe elliptique d´efinie sur F

qn

satisfaisant la condition 7.2.2 contient plus deq/4 ´el´ements.

On note cependant que mˆeme lorsque n >log

2

(q)/2, la base de factorisation F peut avoir un

nombre de points de l’ordre de q. En effet, les valeurs possibles pour la cardinalit´e d’une courbe

irr´eductible d´efinie sur F

q

´etant principalement concentr´ees autour de q+ 1, il paraˆıt peu probable

qu’aucune des ´equations repr´esentant une courbe elliptique E

|Fqn

donn´ee ne procure une base de

factorisation admettant suffisamment d’´el´ements.

Durant la premi`ere ´etape de la m´ethode de Gaudry et Diem, on doit collecter de l’ordre de

#F 'q/2 relations de la forme (7.5). Le (n+1)-i`eme polynˆome de sommation peut ˆetre calcul´e une

fois pour toute en Poly(e

(n+1)2

log

2

q) op´erations [Die11], et sa sym´etrisation s’obtient facilement

en calculant des bases de Gr¨obner pour un ordre d’´elimination (voir section 7.1.2). La probabilit´e

de d´ecomposition d’un point R∈E(F

qn

) est heuristiquement en

#C

n

/S

n

#E(F

qn

) '

q

n

n!

1

q

n

= 1

n!;

cette approximation peut ˆetre justifi´ee rigoureusement en utilisant la th´eorie de l’intersection, voir

encore [Die11]. Le coˆut du test de d´ecomposition d’un point R en somme de n points de la base

de factorisation, not´e c(n, q), correspond au coˆut de la r´esolution d’un syst`eme polynomial en n

´

equations et nvariables, d´efini surF

q

et de degr´e total 2

n1

. Comme on a besoin d’au moins #F

relations, le coˆut total de la phase de recherche de relations est

n!c(n, q)#F 'n!c(n, q)q/2.

L’estimation dec(n, q) n’est pas ´evidente dans la mesure o`u le coˆut de la r´esolution du syst`eme

polynomial d´epend de la m´ethode utilis´ee. La technique standard consiste `a calculer une base de

Gr¨obner pour l’ordre lexicographique de l’id´eal correspondant. On rappelle (voir section 1.2.1) que

la base de Gr¨obner attendue pour l’ordre lexicographique est de la forme :

{X

1

−g

1

(X

n

), . . . , X

n−1

−g

n−1

(X

n

), g

n

(X

n

)},

o`ug

n

est un polynˆome univari´e de degr´e ´egal au degr´e de l’id´eal, etg

1

, . . . , g

n−1

sont des polynˆomes

univari´es de degr´e strictement inf´erieur. Il devient alors facile de d´eterminer les solutions du syst`eme

correspondant en utilisant par exemple l’algorithme donn´e en section 1.2.2. Comme expliqu´e en

section 2.5, plutˆot que de faire un calcul direct tr`es coˆuteux de la base de Gr¨obner pour l’ordre

lexicographique, une strat´egie efficace consiste `a d’abord calculer une base de Gr¨obner pour l’ordre

grevlex puis `a faire un changement d’ordre. Dans la mesure o`u le nombre de syst`emes `a r´esoudre de la

forme (7.7) est important (de l’ordre den!q/2) et o`u les id´eaux correspondants sont g´en´eriquement

z´ero-dimensionnels, on a tout int´erˆet `a utiliser la variante de F4 pr´esent´ee en chapitre 3 pour faire

le calcul pour l’ordre grevlex, puis `a appliquer l’algorithme de changement d’ordre FGLM. Pour

d´eterminer une borne sup´erieure sur la complexit´e du calcul de la base de Gr¨obner pour l’ordre

grevlex du syst`eme z´ero-dimensionnel {ϕ

0

, . . . , ϕ

n−1

}, on peut utiliser les estim´ees donn´ees en

section 3.2.6. Si l’on fait l’hypoth`ese raisonnable que le syst`eme est r´egulier, le degr´e de r´egularit´e

du syst`eme homog´en´eis´e est plus petit que la borne de Macaulay d = P

n−1

i=0

(degϕ

i

−1) + 1 =

n2

n1

−n+1, les polynˆomesϕ

i

´etant tous de degr´e 2

n1

. La complexit´e du calcul avec la variante F4

est ainsi major´ee par ˜O

n2nn1+1

ω

, o`u ω est l’exposant intervenant dans la complexit´e effective

du produit matriciel. Comme n est n´egligeable compar´e `a n2

n1

+ 1, en utilisant la formule de

Stirling, on obtient :

n2

n1

+ 1

n

(n2

n−1

)

n

n! 2

n(n−1)

e

n

(2πn)

1/2

.

La complexit´e du calcul de la base de Gr¨obner pour l’ordre grevlex est donc ˜O 2

n(n1)

e

n

n

1/2

ω

.

En utilisant les estim´ees pr´ecises de la complexit´e de FGLM donn´ees en section 2.5.2 et le fait que

les id´eaux des syst`emes consid´er´es sont g´en´eriquement de degr´e 2

n(n1)

, on obtient une complexit´e

pour le changement d’ordre en ˜O(n2

3n(n1)

), qui reste le coˆut dominant du calcul de la base de

Gr¨obner pour l’ordre lex lorsqueω <3. En particulier, on a l’estimation suivante

La deuxi`eme ´etape de r´esolution des logarithmes discrets peut se faire avec des techniques

d’alg`ebre lin´eaire creuse (voir section 4.3.1) ; la complexit´e du calcul est alors en ˜O(nq

2

) op´erations

dansZ/rZ, o`urest l’ordre du pointP base du logarithme discret. Cette phase est donc dominante

d’un point de vue temps de calcul `an fix´e et q → ∞.

Afin d’am´eliorer la complexit´e asymptotique de l’algorithme, Gaudry propose d’´equilibrer le

coˆut de la construction de la matrice avec celui de l’alg`ebre lin´eaire, en utilisant les techniques

“large primes” pr´esent´ees en section 4.3.2 et 5.4.2 : la taille asymptotiquement optimale pour la

base des petits diviseurs est en q

11/n

. On doit alors obtenir de l’ordre de q

22/n

relations au lieu

deq, et le coˆut de la premi`ere ´etape de l’algorithme devientn!c(n, q)q

22/n

. Par opposition, le coˆut

de l’alg`ebre lin´eaire se r´eduit ainsi `a ˜O(n q

22/n

), ce qui devient n´egligeable par rapport au coˆut

de l’´etape pr´ec´edente. Finalement, le coˆut total de la r´esolution du DLP sur une courbe elliptique

d´efinie sur F

qn

, `a n fix´e, est en ˜O(q

22/n

) lorsque q → ∞. D`es que n >2, cette attaque est donc

asymptotiquement plus performante que les attaques g´en´eriques dont la complexit´e est en ˜O(q

n/2

).

On note cependant que la constante cach´ee croˆıt de fa¸con super-exponentielle avecn. Une estim´ee

compl`ete de la complexit´e obtenue est donn´ee par

˜

O(n! 2

3n(n1)

q

22/n

).

On remarque aussi que bien que la parall´elisation de la phase de recherche de relations soit

imm´ediate, elle est beaucoup plus difficile `a mettre en place pour l’alg`ebre lin´eaire. En

particu-lier, le choix optimal de la taille de la base de factorisation devrait d´ependre en pratique non

seulement de l’implantation choisie mais aussi de la puissance de calcul disponible.