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1.3 Transport et propriétés électroniques

1.3.4 Cas du nanotube multi-parois

Le cas du nanotube multi-parois est beaucoup plus complexe car il fait intervenir plusieurs

feuillets de diamètres différents, de chiralités différentes, et assez proches les uns des autres pour

1.3. Transport et propriétés électroniques 31

Fig. 1.17 – Illustration du transport tunnel assisté thermiquement [39].

qu’ils puissent éventuellement interagir entre eux. D’une manière générale, il est assez difficile de

classer les nanotubes multi-parois dans une famille de conducteurs : doivent-ils être considérés

comme des objets 1D ou 2D, et le transport est-il balistique ou diffusif ? Il existe dans la littérature

de nombreux résultats différents, voire contradictoires.

1.3.4.1 Cas théorique

En première approximation, dans un circuit électrique, un nanotube multi-parois àxfeuillets

concentriques peut être considéré (en supposant que l’on contacte tous les feuillets aux électrodes

métalliques) comme équivalent àx nanotubes mono-paroi en parallèle. La conductance quantique

attendueGvautG

M W CN T

=x·G

SW CN T

=x·(2·G

0

), avecx le nombre de parois du nanotube.

En réalité la relationG= 2·G

0

attendue pour un nanotube n’est valable que pour des diamètres

inférieurs à 10 nm, ce qui est le cas des nanotubes mono-paroi. Les nanotubes multi-parois

pouvant atteindre des diamètres de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres, le nombre de

modes de conduction de chaque feuillet concentrique dépend de son diamètre [40].

Par exemple, un nanotube multi-parois de 40 nm de diamètre environ aura statistiquement

une paroi externe à 3 modes de conduction possibles car l’énergie d’accès aux sous-bandes d’ordre

supérieur est inférieure à l’énergie liée à l’agitation thermique kT (fig. 1.18). Un nanotube à x

parois possède donc plus de canaux de conduction disponibles quex nanotubes mono-parois.

1.3.4.2 Preuves expérimentales

Quelques études [33, 41, 42] montrent ou suggèrent que pour des nanotubes multi-parois avec

des contacts enrobants, pour de faibles tensions appliquées seuls le premier ou les deux premiers

feuillets externes conduisent le courant. Pour de plus fortes tensions appliquées, il semble que

tous les feuillets conduisent le courant [35]. Très peu de publications font état de structures où

tous les feuillets d’un nanotube multi-parois sont directement en contact avec l’électrode [43], le

contact avec l’électrode se limitant souvent au feuillet extérieur. De ce point de vue, les nanotubes

semblent donc être de “gros” nanotubes mono-parois.

Fig.1.18 – Nombre de modes de conduction par feuillet concentrique en fonction de son diamètre

pour des feuillets métalliques et semi-conducteurs. Le nombre moyen de modes de conduction

est tracé en tenant compte de la statistique qu’un feuillet sur trois est métallique. D’après [40].

Fig. 1.19 – Chemins de passage du courant. Les trois feuillets externes sont représentés de

différentes couleurs. Quand une tension est appliquée, le courant entre et sort par le feuillet

externe. Une partie du courant est véhiculée par le deuxième feuillet, et une fraction négligeable

par le troisième. D’après [41].

1.3. Transport et propriétés électroniques 33

En ce qui concerne le nombre de modes de conduction véhiculant effectivement le courant

dans les multi-parois, il est généralement admis que ceux-ci ont un comportement métallique,

donc à priori avec un nombre de modes de conduction bien défini. Néanmoins l’effet du dopage

électrostatique des nanotubes multi-parois à l’atmosphère ambiante a été démontré [44].

L’utili-sation d’une grille électrochimique, permettant des variations de l’énergie de Fermi jusqu’à 1 eV,

a mis en évidence la variation de la résistance en fonction de la tension de grille appliquée, et

donc la modulation du nombre de modes de conduction (fig. 1.20). En faisant varier la tension

de grille de l’électrolyte et en la reliant à la variation de l’énergie du niveau de Fermi par un

modèle s’appuyant sur la densité d’états 2D du graphène, le dopage à l’air a été évalué : il est

de type P (ce qui confirme les données de la littérature [45] sur le dopage à l’air des nanotubes

mono-paroi) et la variation d’énergie est de l’ordre de 0,3 à 0,5 eV, ce qui rend accessible 10 à

30 modes de conduction.

Fig.1.20 – (a) Application de l’effet de champ sur un nanotube multi-parois à l’aide d’une grille

ionique liquide. (b) Résistance électrique en fonction de la tension de grille U

g

pour l’électrolyte

LiClO

4

, à 2 concentrations différentes. Adapté de [44].

La question de la nature du transport a également été traitée. Si le transport diffusif a

souvent été démontré, deux études ont attribué un caractère balistique au transport au sein du

nanotube multi-parois. La première expérience fut celle d’attacher des nanotubes synthétisés à

l’arc électrique sur une pointe de microscope à effet tunnel [46,47]. En plongeant progressivement

la pointe dans du mercure, des nanotubes entrent en contact avec le liquide métallique et les

mesures de conductance révèlent des paliers à G

0

, marque du premier tube en contact, puis

2·G

0

lorsqu’un autre tube entre en contact. Les auteurs concluent sur la possibilité de transport

balistique sur de grandes longueurs (de l’ordre de la centaine de micromètres) par la mesure de

G(L). Il faut noter que la valeur théorique de 2·G

0

par nanotube n’est jamais observée dans

cette expérience. La deuxième expérience met en jeu un nanotube multi-parois contacté durant

la croissance par les deux côtés sur deux filaments de tungstène [43]. La résistance mesurée sur

le nanotube, de diamètre externe 100 nm et de longueur30µm, est de34,4 Ω. La conductance à

tension nulle est de 460·G

0

. Les auteurs concluent que le transport est balistique et que l’accès

à un si grand nombre de canaux ne peut s’expliquer que par le contact de tous les feuillets,

conjugué aux effets du diamètre explicités auparavant.