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Les échantillons utilisés ont été synthétisés par J-M. Malézieux dans le four solaire d'Odeillo [79], et leur composition couvre l'ensemble de la solution solide. Cinq échantillons (MgAl1.95Cr0.05O4, MgAl1.5Cr0.5O4, MgAl1.0Cr1.0O4, MgAl0.5Cr1.5O4 et MgAl0.05Cr1.95O4) ont été broyés sous forme de poudres et préparés sous forme de pastilles.Les données ont été enregistrées au seuil K du Cr sur la ligne ID26 de l'ESRF, en utilisant comme détection le rendement de uorescence totale pour les spectres XANES, et la uoresence Kβ ltrée par le spectromètre pour les spectres XES. Les spectres XANES ont été corrigés de l'autoabsorption avec le programme FLUO [58]. Les intensités des structures étant dépendantes de cette correction et de la normalisation (eec-tuée par rapport à l'EXAFS, enregistré avec un pas en énergie plus grand), il semble pertinent d'interpréter uniquement la variation de leur position.

9.1.1 Evolution des seuils K d'absorption en fonction de la concentration en Cr

La gure 9.1 présente l'évolution du spectre XANES en fonction de la concentration en Cr. Le pourcentage désigne la proportion de MgCr2O4 dans le terme (MgCr2O4)1−x(MgCr2O4)x. Les diérentes structures (a, b, c, d, e et f) sont présentes sur tous les spectres, ce qui atteste d'une modication modérée de l'environnement structural et électronique autour du Cr. La diérence principale se situe sur la position du pic d (visible à 6024 eV pour MgAl1.95Cr0.05O4), qui est déplacée à faible énergie lorsque la concentration en Cr augmente : cette bande est déplacée d'environ 2 eV entre MgAl1.95Cr0.05O4 et MgAl0.05Cr1.95O4. Sans qu'il soit possible d'établir a priori l'origine de cette structure, cette évolution est en accord avec la règle de Natoli [86] : dans le terme MgAl0.05Cr1.95O4, les distances entre le Cr et ses voisins à moyenne distance sont plus élevées que dans MgAl1.95Cr0.05O4, car la relaxation ne s'étend que partiellement aux deuxièmes voisins dans le terme dilué (voir chapitre 4). On constate par ailleurs une légère modication de la forme du seuil (structures a et b) qui semble plus structuré lorsque la concentration augmente. Ceci peut être lié à une modication locale de l'environnement du Cr.

Une analyse plus ne, notamment dans le but d'attribuer l'origine des diérentes structures à un type de voisins particulier et de comparer leurs intensités relatives, semble donc prometteuse. Pour cela, l'enregistrement des spectres XANES en transmission (an de s'aranchir de l'au-toabsorption) et le calcul de densités d'état projetées sur l'atome absorbeur seraient nécessaires.

9.1.2 Evolution des pré-seuils K en fonction de la concentration en Cr La gure 9.2 présente l'évolution du pré-seuil K en fonction de la concentration en Cr. L'augmentation de celle-ci aecte principalement la structure γ, alors que les pics α et β sont peu modiés. Le spectre enregistré pour le terme dilué, MgAl1.95Cr0.05O4, est semblable au spectre isotrope obtenu sur un échantillon naturel monocristallin [68].

La position de la structure α visible à 5990.6 eV est identique pour les diérents échan-tillons, tandis que celle de la structure β (observée à 5992.8 eV pour MgAl1.95Cr0.05O4) semble légèrement décalée vers les faibles énergies lorsque la concentration en Cr augmente : l'écart en énergie entre ces deux structures semble donc légèrement diminuer. Dans le cas du spinelle dilué, nous avons montré que les structures α et β correspondent à des transitions respective-ment vers t

2g et e

g, dont l'écart en énergie donne un ordre de grandeur du champ cristallin. La légère évolution observée semble a priori en accord la diminution du champ cristallin entre MgAl2O4:Cr3+ et MgCr2O4. Celle-ci étant de l'ordre de 8 %, une quantication précise de sa

Figure 9.1: Spectres XANES enregistrés au seuil K du Cr pour diérents termes synthétiques de la solution solide MgAl2O4-MgCr2O4. Le pourcentage indique la proportion de MgCr2O4.

Figure 9.2: Pré-seuils K du Cr enregistrés pour diérents termes synthétiques de la solution solide MgAl2O4-MgCr2O4. Le pourcentage indique la proportion de MgCr2O4.

que dans le cas de MgCr2O4, la structure γ est due à des transitions dipolaires électriques vers des états p de l'atome absorbeur, hybridés avec les orbitales 3d des atomes de Cr voisins. Cette hybridation est réalisée via les atomes d'oxygène premiers voisins. Cette interprétation semble cohérente avec l'absence de cette structure pour de faibles concentrations en Cr. Elle conrme par ailleurs l'absence de clusters de Cr dans l'échantillon dilué observée par spectroscopie EXAFS [68]. La position de cette structure est décalée vers les faibles énergies lorsque la teneur en Cr augmente, ce qui pourrait être lié, selon la règle de Natoli, à une augmentation des distances Cr-Cr.

Pour conrmer cette hypothèse, il faudrait enregistrer des spectres EXAFS et réaliser des calculs de minimisation d'énergie pour les termes intermédiaires de la solution solide. Ceci semble néanmoins délicat à réaliser tant d'un point de vue expérimental que théorique, au vu des conclusions d'E. Gaudry sur le système α-Al2O3-α-Cr2O3 : il est dicile d'une part d'obtenir en EXAFS des distances ables individuelles sur les deuxièmes voisins (Cr-Al et Cr-Cr), et d'autre part d'imposer un couplage antiferromagnétique entre atomes de Cr voisins dans une approche DFT classique. La solution solide MgAl2O4-MgCr2O4 présentant les mêmes propriétés [107], il est fort possible qu'on se heurte aux mêmes dicultés. Néanmoins, une perspective réside dans l'utilisation de l'approche DFT+U pour modéliser les systèmes magnétiques [55] tels que la magnésiochromite MgCr2O4.

9.1.3 Evolution des spectres XES au seuil K du Cr

La gure 9.3 présente les spectres XES enregistrés au seuil K du Cr pour les diérents échantillons de la solution solide MgAl2O4-MgCr2O4.

Sur celle de gauche, sont représentées les raies principales d'émission Kβ0

et Kβ1,3, dont l'ori-gine est due à des transitions 3p-1s. Leur séparation provient de l'interaction d'échange entre le trou 3p et le spin électonique net des électrons 3d. Cette interaction est en eet sensible à la densité électronique sur l'ion métallique, i.e., au nombre d'électrons d non appariés. L'épau-lement visible sur la Kβ1,3 provient d'un retournement de spin dans la couche de valence du

Figure 9.3: Spectres XES pour diérents termes synthétiques de la solution solide MgAl2O4-MgCr2O4. Le % indique la proportion de MgCr2O4. La gure de gauche montre les raies d'émission Kβ0

et Kβ1,3. La gure de droite montre les raies satellites Kβ00

On observe que la position des raies d'émission Kβ et Kβ1,3 est voisine pour tous les échan-tillons : même s'il semble y avoir une légère diminution de la position de la Kβ1,3, excepté pour l'échantillon le plus concentré, cette tendance ne se traduit pas de façon signicative sur la po-sition du premier moment, qui a une valeur voisine (5947 eV). Ceci implique que le spin eectif des électrons 3d est identique quelle que soit la concentration en Cr. Ceci est donc a priori en contradiction avec les données d'absorption optique, qui indiquent une diminution du paramètre de Racah lorsque la teneur en Cr augmente, et donc une augmentation de la covalence de la liaison Cr-O. Une hypothèse peut être avancée pour expliquer ce désaccord. Dans le cas des com-posés au Ni2+, l'évolution importante observée est liée au fait que les ligands sont très diérents. Pour la solution solide étudiée ici, en revanche, les ligands sont toujours des oxygènes. Il est donc possible que la modication de la covalence de la liaison Cr-O avec la concentration en Cr ne soit pas visible de façon signicative sur la position du premier moment des raies d'émission, compte tenu de l'incertitude sur son estimation (environ 0.4 eV).

La gure de droite présente les raies d'émission satellites Kβ00

et Kβ2,5, qui sont respective-ment dues à des transitions dipolaires des orbitales 2s et 2p des ligands vers l'orbitale 1s du Cr, via les orbitales 4p du métal [27]. La position de la Kβ2,5 diminue lorsque la concentration en Cr augmente, ce qui traduit un décalage des niveaux 2p vers les basses énergies. La singularité observée pour l'échantillon le plus concentré est surprenante : ceci peut-être dû à une imprécision sur la calibration ou à une hétérogénéité de composition. On observe également un déplacement de la raie Kβ00

semblable à celui de la Kβ2,5 : néanmoins, si l'on recale les spectres de façon à faire coïncider la position de celle-ci (i.e., pour faire correspondre les valeurs du niveau de Fermi), on constate que l'écart en énergie entre les deux satellites est constant. Cela signie que la position des niveaux 2s par rapport à celle du niveau de Fermi est constante.

9.1.4 Conclusion

Dans cette partie, nous avons mis en évidence par la spectroscopie XANES que la modica-tion de l'environnement à moyenne distance du Cr au sein de la solumodica-tion solide a une inuence visible sur les structures visibles dans le seuil, mais aussi le pré-seuil. Des investigations com-plémentaires sont nécessaires pour déterminer l'ampleur de ces modications au niveau des transitions 1s-3d (intensité et position des pics) : comme il a été mentionné, des mesures de dépendance angulaire sur monocristaux (au moins pour MgCr2O4), couplés à des calculs mul-tiplets, permettraient de quantier la variation du champ cristallin, de la distorsion et de la covalence. L'existence de paires Cr-Cr pourrait jouer un rôle dans ces changements. La mesure de l'aimantation à saturation pour les diérents échantillons de la solution solide permettrait d'évaluer l'intensité des couplages magnétiques entre Cr voisins, comme cela a été fait sur

α-Al2O3-α-Cr2O3 [44].

La spectroscopie XES montre que le spin eectif net des électrons 3d reste voisin quelle que soit la concentration en Cr et que la position des orbitales 2p des O premiers voisins diminue. Il serait intéressant de simuler les spectres XES par des calculs multiplets d'une part, et d'autre part de calculer celui du terme dilué dans une approche monoélectronique (FEFF), en utilisant le modèle théorique que nous avons obtenu au chapitre 4. Par ailleurs, la mesure des excitations d-d, par la spectroscopie de diusion résonante inélastique des rayons X (RIXS) sur le pré-seuil, permettrait d'obtenir des informations électroniques sur les orbitales 3d en s'aranchissant de la présence du trou de c÷ur.

L'ensemble de ces informations permettrait peut-être de relier la covalence de la liaison Cr-O, la position en énergie des orbitales 2p des ligands, le spin eectif des électrons d et la variation du champ cristallin.