• Aucun résultat trouvé

1.3 Le front du mouvement brownien branchant

1.3.1 Le cas presque-critique

Dans cette section sont présentés les résultats de l’article [Pai18], qui sont contenus dans le Chapitre 2. On se place ici dans le cadre de la marche aléatoire branchante sous les condi-tions (1.1) et (1.2), ainsi que sous d’autres hypothèses de moments qui seront précisées au Chapitre 2. Mentionnons tout de même que l’on suppose que

σ2:= X |u|=1 X(u)2e−X(u) (0, ∞),

car cette constante σ2, que l’on avait choisie égale à 1 dans le cas du BBM, ne peut pas être ici supposée égale à 1 sans perte de généralité et va donc apparaître dans les résultats.

Objectifs. Le but de l’étude du cas presque-critique est de comprendre plus précisément la transition de phase qui a lieu en β = 1 pour la marche aléatoire branchante. Cette transition apparaît à travers différents changements de comportement de la mesure de Gibbs Gβ,n, qui est la mesure aléatoire sur {u ∈ T : |u| = n} définie par

Gβ,n:= 1 f Wβ,n X |u|=n e−βX(u)δu, n ∈ N, (1.25)

Wfβ,n :=P

|u|=ne−βX(u) est la fonction de partition. Dans le cadre de la marche aléatoire branchante, les comportements sont en grande partie encodés dans la transformée de log-Laplace de la loi de reproduction définie par

Ψ(β) := log E X |u|=1 e−βX(u) [0, ∞], β > 0.

C’est une fonction convexe et les conditions (1.1) et (1.2) sont équivalentes à Ψ(1) > 0 et Ψ(1) = Ψ0(1) = 0. La martingale additive s’écrit alors

Wn(β) := X

|u|=n

e−βX(u)−nΨ(β) = e−nΨ(β)

f

Wβ,n, n ∈ N,

pour tout β tel que Ψ(β) < ∞. Dans le cas critique, on a Wn(1) = Wf1,n que l’on note simplement Wn. Pour comparer avec la présentation du mouvement brownien branchant faite en Section 1.1, notons que l’on avait Ψ(β) = (β − 1)2/2 dans ce cadre.

Le premier changement qui nous intéresse est celui qui apparaît dans le comportement asymptotique de la fonction de partition : pour β ∈ [0, 1), Wfβ,n est d’ordre enΨ(β), puis

f

W1,n = Wn est d’ordre n−1/2 par (1.15) et enfin, pour β > 1, Wfβ,n est d’ordre n−3β/2

par (1.21). Ensuite, nous considérerons les changements dans le comportement d’une parti-cule u tirée selon la mesure de Gibbs Gβ,n. Pour β ∈ [0, 1), nous avons vu en (1.7) que X(u) est typiquement d’ordre −Ψ0(β)n + O(n) et la trajectoire de la lignée de u se comporte comme un mouvement brownien autour de la droite de pente −Ψ0(β). Dans le cas critique, on a vu que X(u) est d’ordre n et que la trajectoire de la lignée de u converge après changement d’échelle vers un méandre brownien (cf (1.16) et la discussion qui suit). Finalement, pour β >1, la mesure de Gibbs est portée par les particules extrémales qui sont en 3

2log n + O(1) et leur trajectoire converge vers une excursion brownienne (cf. page 24).

Pour comprendre précisément la transition entre ces différents comportements, on se donne une suite (βn)n∈N de réels positifs convergeant vers βc= 1 et on étudie le comporte-ment asymptotique deWfβn,n et d’une particule tirée selon Gβn,n: c’est le cas presque-critique. Alberts et Ortgiese [AO13] s’étaient déjà intéressés à cette question, mais les techniques dé-veloppées ces dernières années permettent d’obtenir des résultats beaucoup plus précis. Leur travail était motivé par les polymères dirigés en milieu aléatoire pour lesquels le cas presque-critique a aussi été étudié récemment [AKQ14, CSZ17a, CSZ17b, KQ18]. Ici, trois nouvelles phases apparaissent au sein du cas presque-critique, selon si βn1 = O(n−1/2), βn1  n−1/2

ou 1 − βn n−1/2. Nous présentons les résultats successivement dans chacune de ces phases et la Figure 1.12 illustre les comportements associés.

La fenêtre critique. On se place ici dans le cas où βn1 = O(n−1/2). Comme βn tend suffisamment vite vers 1, les comportements sont très proches de ceux du cas critique. En effet, les particules u contribuant à Wnsont à une position X(u) d’ordren, donc la modification n1)X(u) joue un rôle au plus d’ordre constant. Ainsi, la fonction de partitionWfβn,n est toujours d’ordre n−1/2et portée par les particules à une position d’ordren, et la trajectoire limite d’une particule tirée selon Gβn,n reste à densité par rapport au méandre brownien.

Avant d’énoncer précisément le résultat, fixons quelques notations. On note D([0, 1]) l’en-semble des fonctions càdlàg de [0, 1] dans R que l’on munit de la distance de Skorokhod et Cb(D([0, 1])) l’ensemble des fonctions continues bornées de D([0, 1]) dans R. Rappelons que pour u à la génération n, on note u0= ∅, u1, . . . , un= u les individus de sa lignée.

X 0 n 3 2log n + O 1 βn−1  O(n) −nΨ0n) + O(n) 3 2log n −L βn1 = O(n−1/2) :Wfβn,n  n−1/2 βn1  n−1/2:Wfβn,n  n−3βn/2 n−1)2 1 − βn n−1/2:Wfβn,n enΨ(βn)(1 − βn)

Figure 1.12 – Illustration des comportements associés aux trois phases apparaissant dans le cas presque-critique.

Théorème 1.3.1. Sous certaines hypothèses d’intégrabilité, si n−1)n → γ ∈ R quand n → ∞, alors on a les convergences suivantes

nWfβn,n (P∗) −−−→ n→∞ 1 σ r2 πE h e−σγM(1)i Z

et, pour tout F ∈ Cb(D([0, 1])), 1 f Wβn,n X |u|=n e−βnX(u)F X(ubsnc) σn , s ∈[0, 1] ! (P) −−−→ n→∞ 1 Ee−σγM(1)E h e−σγM(1) F(M)i ,

où M est un méandre brownien standard sur [0, 1].

C’est dans cette phase que l’on voit apparaître la transition entre les fluctuations brow-niennes autour d’une droite de pente positive (quand γ → −∞), le méandre brownien (quand γ = 0) et l’excursion brownienne (quand γ → ∞).

La fenêtre presque-critique dans le régime fortement désordonné. On se place ici dans le cas où βn1  n−1/2. Alors, un équilibre se joue entre le poids e−(βn−1)X(u) qui favorise les particules les plus basses et le fait que la barrière en −L rend moins probable les trajectoires avec un point terminal trop bas. Un calcul utilisant les moyennes déviations des marches aléatoires conditonnées à rester au-dessus d’une barrière montre que la stratégie optimale est une position terminale d’ordre 1/(βn−1).

Cependant, cela ne peut pas être correct pour βn1  1/ log n car la particule la plus basse se trouve environ en 3

2log n. Pour obtenir le bon résultat, il faut ajouter une deuxième barrière tueuse en 3

2log n − L entre les instants n/2 et n. Contrairement à la barrière en −L, cette barrière est touchée par beaucoup de particules (cf. (1.12)), mais on montre par un moment d’ordre 1 qu’elles ont une contribution négligeable. Cette deuxième barrière a joué un rôle clé dans la démonstration des résultats concernant les particules extrémales de

la marche aléatoire branchante, voir [Aïd13, Mad17]. Une fois qu’elle est prise en compte, on observe que les particules typiques sous Gβn,n sont plutôt à une distance d’ordre 1/(βn−1) au-dessus de 3

2log n. Comme la position finale est négligeable devantnla trajectoire limite est toujours l’excursion brownienne dans cette phase.

Théorème 1.3.2. Sous certaines hypothèses d’intégrabilité, si n−1)n → ∞ quand n → ∞, alors on a les convergences suivantes

n−1)2nn/2 f Wβn,n (P ∗) −−−→ n→∞