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Cartographie des ambiances sonores correspondant à la couche

Oyez, Oyez ! Le paysage sonore au service du passé : création ou travail scientifique ?

Exemple 5. Cartographie des ambiances sonores correspondant à la couche

« nature sauvage ».

Mylène Pardoen 164

3. L’archéologie du paysage sonore

3.1. Pourquoi/pour qui vouloir entendre le passé ?

Ces questions ce sont posées dès le début du projet Bretez. En fait, la question de la place du son est réccurente. D’une façon générale, nous avons noté que musique, bande son ou paysage sonore ne sont appelés à la rescousse qu’à la toute fin des projets (quels qu’ils soient : muséographique ou autres). Or dans le projet Bretez, c’est le son qui a motivé la création du projet.

À une époque où l’habillement sonore (sound design) se trouve sollicité tant pour des films que pour des jeux vidéo, l’ensemble des arts visuels ou même la radio, il est logique de se poser cette question. Car entendre le passé se révèle un atout. Et nous pouvons apporter plusieurs réponses possibles.

En donnant un relief complémentaire, s’appuyant sur le sensible, la mise en son favorise la transmission d’un savoir, en facilite la compréhension en recontextualisant l’action et rend la visite plus ludique – notamment dans le cadre d’une vulgarisation du savoir. Ainsi, l’archéologie du paysage sonore répond à une demande muséographique où histoire et histoire sonore sont liées, à une époque où l’ouïe est constamment sollicitée. Supprimer le son, c’est amputer notre équilibre sensuel d’un de ses membres.

Mais cette science est également utile aussi pour les scientifiques et les chercheurs, notamment les musicologues, les historiens, les urbanistes et architectes, les ethnologues et les sociologues. En mêlant leurs informations, non en strates verticales ou horizontales, mais comme un ensemble de données que l’on doit analyser instantanément, de nouvelles informations apparaissent.

Dans le cas du projet Bretez, c’est pour tenter de faire revivre différemment le passé et d’en permettre une appréhension différente. Mais ce peut être également dans un but didactique (et compléter de manière réaliste un visuel « muet »), ludique (en plongeant un protagoniste dans une ambiance sonore de jeux par exemple) mais également analytique (en simulant une mise en situation à des fins d’en étudier les résultats).

3.2. Peut-on entendre le passé ?

Relevons de suite que trois cas de figure se présentent à nous. Selon les épo-ques sur lesquelles nous nous penchons, il peut exister des témoignages enregistrés qui aident à cette restitution – car dans ce cas, nous sommes bien dans une restitu-tion et non une « re-composirestitu-tion ». C’est ainsi le cas depuis la fin du XIXe siècle (même si les témoignages sonores sont très rares à la fin du XIXe, plus on avance dans le XXe siècle, plus la matière devient riche et dense). Donc, dans ce cas, il devient facile d’entendre le passé.

Autre alternative, il n’existe pas ou plus de trace. Dans ce cas, plusieurs op-tions sont envisageables dont la suivante : nous sommes en mesure de restituer car il existe encore une possibilité matérielle de recréer le son114.

114 Lors de la création de paysages sonores pour les scènes de batailles du Musée de l’Armée (Hôtel des Invalides à Paris) il a été possible d’enregistrer le tir d’armes d’époque (petit calibre et canons à boulet, et des tirs à poudre noire). Ce fut également le cas pour la bande sonore du film Apocalypse (23 septembre 2009), film d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle. Le matériel existe, il permet de faire des prises de son susceptibles de servir lors des restitutions.

Oyez, Oyez ! Le paysage sonore au service du passé : création ou travail scientifique ? 165 Dernier cas de figure, il n’existe plus ou pas du tout de trace enregistrée – no-tamment pour les périodes antérieures à la fin du XIXe siècle. Dans ces conditions, il devient difficile d’affirmer que l’on peut entendre le passé. Et restituer ou, plus exactement, reconstituer ce passé sonore requiert que l’on s’autorise à incorporer une part d'imaginaire (se défaire du présent pour se plonger dans la passé). C’est la raison pour laquelle il faut établir des cadres précis et stricts afin de faire œuvre de restitution et non de création artistique.

3.3. Comment le restituer ?

3.3.1. Comment restituer le passé sonore ?

C’est sans conteste la partie la plus complexe de ce travail. Afin de compren-dre les multiples implications de l’ensemble des éléments extérieurs aux bruits et sons pouvant former des ambiances sonores, il nous faut nous reporter à l’ouvrage d’Olivier Balaÿ (2003), celui collectif de Laure Gauthier et Mélanie Traversier (2008) ou encore celui de Joël Candau et Marie-Barbara Le Gonidec (2013).

Chercheur au CRESSON115 architecte et urbaniste, O. Balaÿ travaille sur l’espace sonore urbain lyonnais. La lecture de son ouvrage met en lumière les diffi-cultés à restituer (de manière fidèle) ces ambiances sonores. Il expose également l’influence de l’urbanisme sur la localisation et la propagation des sons dans les villes. Mais, c’est vers le CEDRIC116 qu’il nous faut nous tourner pour comprendre les difficultés et les enjeux de la restitution des phénomènes sonores en fonction des matériaux, des phénomènes atmosphériques et météorologiques.

Car restituer une ambiance sonore, ce n’est pas « seulement » juxtaposer des sons, mais c’est prendre en compte un certain nombre de facteurs qui peuvent déna-turer le son initial, le remodeler. Et dans cette re-composition de paysage sonore historique, les facteurs altératifs comptent tout autant que la signature sonore initia-le. Ainsi, l’enquête doit-elle prendre en considération la localisation (chaque quartier possédant ses spécificités – comme il a déjà été exposé précédemment), mais aussi la chronologie des événements qui peuvent s’y dérouler, etc. En fait, il nous faut chercher à disséquer la vie urbaine pour en obtenir une trame sonore.

Donc, afin d’éviter que la restitution ne soit une œuvre de l’imaginaire, il faut, avant toute chose prendre en compte l’ensemble des matériaux historiques à disposition. Il est impératif de neutraliser le discours sonore et, de ce fait, être rigoureux tant dans ses recherches que dans sa collecte, mais également dans le traitement de l’information (textuelle, visuelle ou sonore) – notamment lors des phases d’analyse et de transcription.

La méthode appliquée dans le cadre du projet Bretez utilise des outils simples :

- établissement de grilles de lectures/décodages (but : savoir détecter ce que l’on cherche) ;

- tableurs (pour la récolte et la classification – sur le modèle de l’exemple 4) ;

115 Laboratoire CRESSON : Centre de Recherche sur l’Espace Sonore et l’environnement urbain – École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, 60 Avenue de Constantine ; B. P. 2636 - F 38036 GRENOBLE Cedex 2.

116 Laboratoire CEDRIC : Centre d’Étude et De Recherche en Informatique et Communication (EA 4629) - CNAM-CEDRIC 292 Rue St Martin FR-75141 Paris Cedex 03.

Mylène Pardoen 166

- création de cartes pour restituer un paysage sonore117 (afin de positionner les zones d’ambiances selon leur niveau de perception – rumeurs, ambiances, objets ; voir