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Chapitre III : Considérations sur le concept de réseau en études anciennes

Annexe 1 Carte suivie d’explications sur les établissements de la Pérée thasienne

367 Le fond a été créé avec le logiciel Mapbox Studio. Les emplacements ont été déterminés selon les cartes établies par J. Pouilloux, Rech I, entre les p. 8 et 9 ;

F. Papazoglou, Les villes de Macédoine, p. 386 ; M. Tiverios, « Greek Colonisation of the Northern Aegean », p. 2-3. Les positions reportées sur la carte sont approximatives.

Brèves remarques géographiques et historiques sur les établissements thasiens

Dès la période archaïque, Thasos avait assis son influence sur le territoire thrace en y établissant plusieurs comptoirs (ἐμπορία) et colonies (ἀποικίαι). On ne reviendra pas sur le sens que ces termes ont pris, puisque les Anciens, autant que les modernes, les ont interprétés de diverses manières. Il faut savoir que les frontières de la Pérée thasienne sont difficiles à déterminer et que le nombre de fondations et leur statut demeurent incertains.

Akontisma

Selon les témoignages littéraires et épigraphiques de l’Empire romain, Akontisma était une station qui bornait la via Egnatia, à l’est de Néapolis, sur une colline entre le mont Lekani et la mer. Les prospections réalisées dans les environs de Nea Karvali confirmeraient qu’elle était un ἐμπόριον de Thasos, stratégiquement implanté pour contrôler le passage vers la vallée du Nestos368.

Antisara

Malgré le manque d’informations sur Antisara dans les sources, des poteries du VIIe s., exhumées sur le promontoire de Kalamitsa, une banlieue à l’ouest de Kavala (Néapolis), suffiraient à assurer qu’elle était un ἐμπόριον thasien. La tournure Νεάπολις παρ’Αντισάραν dans les listes de tributs attiques corroborent la faible distance qui séparait les deux endroits. Athénée (1, 31a) plaçait Antisara sur la côte de Bibline, une région riche en vin entre Antisara et Oisymè. Selon Étienne de Byzance (s.v. Ἀντισάρα), Antisara aurait servi de port aux Datoniens369.

Apollonia

Apollonia siégeait entre Galepsos et Oisymè, sur le cap du golfe Strymonique, à l’opposé du mont Athos370. Elle fut anéantie par Philippe II (Strab., VII, fr. 33 et 35 ; Démosth., Troisième

368 M. Tiverios, « Greek Colonisation of the Northern Aegean », in G. R. Tsetskhladze (éd.), Greek Colonisation :

An Account of Greek Colonies and Other Settlements Overseas. Volume two, Leiden / Boston, Brill, 2008, p. 87 ;

L. Loukopoulou, « Thrace from Strymon to Nestos », in M. H. Hansen et T. H. Nielsen (éd.), An Inventory of

Archaic and Classical Poleis, p. 856 ; F. Papazoglou, Les villes de Macédoine à l’époque romaine (BCH Suppl. XVI), Athènes, École française d’Athènes, 1988, p. 404-405.

369 M. Tiverios, p. 86-87 ; L. Loukopoulou, p. 856. Les références aux Ethnica d’Étienne de Byzance ont été

vérifiées sur le Thesaurus Linguae Graecae.

370 Pline l’Ancien (IV, 42) a mentionné qu’une Apollonia bordait la mer Égée et qu’en partant du Strymon lui

succédaient dans l’ordre Oisymè, Néapolis et Datos. Pomponius Mela (II, 2, 30) a rangé Apollonia entre Philippes et Amphipolis.

Philippique, 26), vraisemblablement après qu’il eut capturé Krénidès (356). Le nom Apollonia et

son emplacement sur la côte piérienne suggèrent qu’elle aurait été une colonie thasienne, mais les témoignages ne fournissent aucun indice illustrant cette réalité. Elle est identifiée sur le promontoire de Pyrgos Apollonias, au lieu où se dresse une ancienne forteresse byzantine371.

Bergè

Strabon (VII, fr. 36) a positionné Bergè en Bisaltie, dans la vallée du Strymon, à plus ou moins 200 stades en amont d’Amphipolis. Le Ps.-Skymnos (653-654) l’a aussi rattachée au Strymon. Par ailleurs, Ptolémée (III, 12, 28) l’énumérait parmi les villes d’Odomantique ou d’Édonide372. Elle a été reconnue près du Strymon et du lac Kerkinitis, au sud-ouest du village moderne de Néos Skopos Serrôn. À l’origine, Bergè était probablement un ἐμπόριον thasien, mais sa présence dans les listes de tributs attiques (entre 451 et 429/8) montre qu’elle était traitée comme une cité indépendante à l’intérieure de la seconde confédération373.

Galepsos

Galepsos était une ἀποικία (Thuc., IV, 107, 3 ; Diod., XII, 68, 4) ou un ἐμπόριον (Ps.-Skylax, 67) de Thasos. La cité était située sur le littoral piérien, à l’est d’Eïon et à l’ouest d’Oisymè. D’après la légende, elle tirait son nom de Galepsos, fils de Thasos et Téléphé. Strabon (VII, fr. 33) la disposait entre Phagrès et Apollonia, tandis que le Ps.-Skylax la citait après Amphipolis et Phagrès et avant Oisymè. Elle est associée aux ruines de Gaïdourokastro sur la côte méridionale de Kariani. Galepsos adhéra à la seconde confédération, à laquelle elle paya une cotisation entre 454/3 et 415/4. En 424, elle se rallia au Spartiate Brasidas dans sa campagne contre Cléon (Thuc., IV, 107, 3), mais elle retomba entre les mains des Athéniens deux ans plus tard (Thuc., V, 6, 1). Tout comme Apollonia, elle fut détruite par Philippe II vers 356 (Strab., VII, fr. 35). Un passage de Tite-Live (XLIV, 45, 15) stipule qu’elle fut rebâtie : à la suite de Pydna, le roi Persée y aurait fait escale avant d’aller à Samothrace374.

371 M. Tiverios, p. 84 ; L. Loukopoulou, no 627 ; F. Papazoglou, p. 399-400.

372 Les références au Ps.-Skymnos et à Ptolémée ont été vérifiées sur le Thesaurus Linguae Graecae.

373 M. Tiverios, p. 69-70 ; L. Loukopoulou, no 628 ; Z. Bonias, « Une inscription de l’ancienne Bergè », BCH 124

(2000), p. 235-246.

374 Galepsos est de même nommée au fr. 41 de Strabon. Sur Galepsos, on consultera M. Tiverios, p. 75 et 83-84 ;

Krénidès

Krénidès fut érigée en 360/59 par des colons thasiens (Diod., XVI, 3, 7), qui auraient été dirigés par l’exilé athénien Kallistratos (Ps.-Skylax, 67). Elle fut établie en bordure du mont Pangée, dans la région de Datos / Daton, qui possédait plusieurs mines d’or. Philippe II s’empara du lieu en 356 et le rebaptisa en son honneur (Strab., VII, fr. 34)375. Strabon (VII, fr. 41) a rapporté que Philippes logeait au-dessus du golfe Strymonique allant de Galepsos jusqu’au Nestos et que cette dernière prit de l’ampleur après la défaite de Brutus et Cassius. Diodore de Sicile (XVI, 3, 7 et 8, 6) a traité de l’action de Philippe II à Krénidès et a affirmé que le roi avait augmenté la rentabilité des mines d’or, au point qu’il pouvait en tirer un revenu annuel de mille talents376.

Néapolis

Néapolis, l’actuelle Kavala, était localisée à la limite septentrionale du golfe Strymonique (Strab., VII, fr. 32), non loin de Datos (Ps-Skylax, 67). Bien que les sources épigraphiques tendent à prouver l’origine thasienne de Néapolis, Strabon (VII, fr. 36) en faisait une dépendance de Datos. Néapolis est enregistrée dans les listes de tributs attiques entre 454/3 et 429/8. Si Thasos rompit avec la ligue de Délos en 411, Néapolis resta loyale aux Athéniens. Après avoir résisté à l’assaut des Thasiens et des Péloponnésiens (411), elle participa au siège de sa métropole aux côtés de l’Athénien Thrasybule (407) et fut récompensée pour sa fidélité, comme le montre le texte IG I3, 108377. Vers 409, à la demande des Néapolitains, les Athéniens auraient effacé la référence à Néapolis comme colonie de Thasos sur le document IG I3, 107. En 375/4, Néapolis s’affilia à la seconde confédération. À la période romaine, elle représentait un relais important sur la via Egnatia et fut utilisée à titre de port par la cité de Philippes. En 188, le proconsul

375 Appien (Guerres civiles, IV, 105) a énoncé que la cité de Philippes s’était appelée Datos et Krènides, mais

Hérodote (IX, 75) n’a employé que le toponyme Datos. J. Fournier et P. Hamon, « Les orphelins de la guerre de Thasos : un nouveau fragment de la stèle des Braves (ca. 360-350 av. J.-C.) », BCH 131 (2007), p. 375-378, ont fait de Datos-Krénidès une seule et même colonie. L. Loukopoulou, p. 860, a avancé qu’une partie de Datos devait avoir appartenu à Krénidès. On consultera de même Diodorus of Siculus, In twelve volumes. Volume

VII :Books XV.20-XVI. 65, with an English translation by Ch. L. Sherman, Cambridge MA, Harvard University

Press, 1952, p. 243, n. 5.

376 On se reportera aux informations sur Krénidès, Datos et Philippes dans M. Tiverios, p. 88 et 90 ;

L. Loukopoulou, nos 629, 632 et 637 ; F. Papazoglou, p. 405-406.

377 Le décret IG I2, 108 = ML 89, SEG XII 37 et IG I3, 101. Il est composé de deux fragments, le premier est daté de

Cn. Manlius Vulso la croisa à son retour d’Asie Mineure (Liv., XXXVIII, 41, 9). En 42, elle abrita les trirèmes de Brutus et Cassius (App., Guerres civiles, IV, 106)378.

Oisymè

Selon Thucydide (IV, 107, 3) et Diodore (XII, 68, 4), Oisymè était une ἀποικία de Thasos. Pour sa part, le Ps.-Skylax (67) a admis qu’elle était une πόλις grecque et un ἐμπόριον de Thasos. Athénée (1, 31a) l’a rangée avec Antisara sur la côte de Bibline et Ptolémée (III, 12, 7) sur celle d’Édonis. À l’instar de Galepsos, elle rejoignit la cause de Brasidas à la chute d’Amphipolis, en 424 (Thuc., IV, 107, 3). Elle aurait apparemment été renommée Emathia à la suite de son annexion à la Macédoine par Philippe II (Ps.-Skymnos, 456-458 ; Étienne de Byzance,

s.v. Οἰσύμη). Les chercheurs modernes ont postulé que la citadelle de Cape Vrasidas, au sud du

village de Nea Peramos, dans la baie de Leftero-Limani, était le poste de l’ancienne Oisymè379.

Phagrès

Phagrès intégrait la Piérie. Hérodote (VII, 112) a rapporté que Xerxès avait vu les forteresses de Phagrès et de Pergame sur son itinéraire (480). Strabon (VII, fr. 33) la situait peu après le Strymon et avant Galepsos et Apollonia. Selon Thucydide (II, 99, 3), elle fut fondée au pied du Pangée par les gens chassés du Pierès sous le règne de Perdiccas Ier. La description du Ps.-Skylax (67), jointe aux commentaires d’Hérodote et de Thucydide, indiquerait que Phagrès était un ἐμπόριον de Thasos, au même titre que Galepsos et Oisymè. Les chercheurs ont identifié Phagrès sur une colline à l’est du village d’Orphanion (Kanion), à environ 8 kilomètres de l’embouchure du Strymon380.

Pistyros

La cité de Pistyros était localisée par Hérodote (VII, 109) sur la côte égéenne et jouxtait un lac salé, à l’ouest de l’embouchure du Nestos. En 480, Xerxès avait parcouru le secteur avec son armée. En suivant le témoignage d’Hérodote, les spécialistes ont souligné que Pistyros était sans

378 M. Tiverios, p. 80-82 ; L. Loukopoulou, no 634 ; F. Papazoglou, p. 403-404. Sur la succession des événements,

on consultera l’article de M. Brunet, « Thasos et son Épire à la fin du Ve et au début du IVe s. avant

Jésus-Christ », in P. Brulé et J. Oulhen (éd.), Esclavage, guerre, économie en Grèce ancienne : hommages à Yvon

Garlan, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1997, p. 235-237.

379 M. Tiverios, p. 80 et 82-83 ; L. Loukopoulou, no 635 ; F. Papazoglou, p. 400-403.

380 M. H. Hansen, « Emporion. A Study if the Use and Meaning of the Term in the Archaic and Classical Periods »,

in G. R. Tsetskhladze (éd.), Greek Colonisation : An Account of Greek Colonies and Other Settlements Overseas. Volume two, Leiden / Boston, Brill, 2006, p. 8-9 et 24 ; L. Loukopoulou, no 636 ; F. Papazoglou, p. 389-390.

doute un ἐμπόριον de Thasos. Le site a d’abord été identifié à l’est du village de Pontolivado, près du lac Vassova. Maria Nikolaïdou a récemment opté pour un emplacement différent qu’elle a jugé plus approprié par sa chronologie, soit auprès de Karvali, à l’est de Kavala. Une inscription publiée en 1994 par L. Domaradzka et V. Velkov a alimenté les débats sur la localisation de Pistiros. Un établissement du même nom a en effet été découvert à Adijijska Vodenitza, en Bulgarie, au nord du massif du Rhodope, entre la ville de Septemvri et le village de Vetren. Mais ce document, sur lequel on reviendra sous peu, oblige à considérer que la Pistyros d’Hérodote renvoyait à l’ἐμπόριον de Thasos et la Pistiros du texte à une cité au nord de la Thrace. Cette différenciation était d’ailleurs attestée par Étienne de Byzance (s.v. Βίστιρος), si l’on accepte l’équivalence calligraphique entre le Β et le Π dans son assertion Βίστιρος πόλις Θρᾴκης ὡς Πίστιρος τὸ ἐμπόριον 381.

Skaptè-Hylè

Jusqu’au Ve s., Skaptè-Hylè dépendait de Thasos et ses mines d’or rapportaient d’importants revenus. Hérodote (VI, 46) a raconté que les Thasiens y retiraient ordinairement quatre-vingts talents par année. Les Thasiens auraient toutefois perdu l’accès à ces gisements au profit des Athéniens, puisque leur tentative de défection (465-463) contre la Ligue de Délos s’était avérée infructueuse. (Thuc., I, 100, 2). Le site est généralement situé dans les alentours du mont Pangée, mais les recherches récentes ont mis au jour un emplacement à l’est de Néapolis, sur le versant nord du mont Lekani. Il est associé à la ville moderne de Nea Karvali, ce qui soutiendrait la proposition d’Étienne de Byzance (s.v. Σκαπτησύλη), qui a défini Skaptè-Hylè en tant qu’une petite cité devant Thasos. Il se pourrait ainsi, à l’égal de Pistyros, que deux lieux analogues aient porté le nom de Skaptè-Hylè382.

Strymè

Pour ce qui est de la fondation thasienne de Strymè, Hérodote (VII, 108) a signalé qu’elle siégeait près de Mésambria et qu’entre les deux endroits s’écoulait le fleuve Lissos, mais aussi

381 A. et V. Chankowski, « La présence grecque en Thrace intérieure : l’exemple de "Pistiros" », Pallas 89 (2012),

p. 275-276 et 282-284 ; D. Demetriou, « Pistiros and a North Aegean Trade Network », AC 79 (2010), p. 79-84 ; M. Tiverios, p. 88-90 ; L. Loukopoulou, no 638 ; B. Bravo et V. Chankowski-Sablé, « Cités et emporia dans le

commerce avec les barbares, à la lumière du document dit à tort "inscription de Pistiros" », BCH 123 (1999), p. 284 et 296.

382 M. Tiverios, p. 87-88 ; P. Low, The Athenian Empire, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2008, p. 59, n. 4 ;

qu’elle était à l’est du lac Ismaris, qui affluait entre Maronée et Strymè (VII, 109). Les spécialistes placent habituellement Strymè en périphérie de la côte piérienne, aux abords de Maronée, en se basant sur Archiloque et Démosthène (Lettre de Philippe, 17 ; Contre Polyclès, 20-22), qui ont relevé des disputes entre Thasos et Maronée pour la possession de Strymè (ca. 361-360). Les chercheurs ont relié l’ancien site avec des fortifications déterrées sur la péninsule de Molyvoti, à l’est du Nestos, entre Porto Lagos et Maronée. La configuration géomorphologique de la péninsule supporterait cette hypothèse ainsi que le propos de certaines sources, à savoir que Strymè était initialement une île383.

383 M. Tiverios, p. 85-86 ; L. Loukopoulou, « Thrace from Nestos to Hebros », in M. H. Hansen et T. H. Nielsen