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Caractéristiques des aiguilles

Les équations (5.2) peuvent être calculées numériquement par une quadrature de Levin [47], plus adaptée que la quadrature de Gauss-Kronrod utilisée au chapitre précédent. À des fins d’analyse plus instinctive, un traitement analytique est exposé ici.

Puisque les équations (5.2) ont un comportement oscillant fort, l’approximation asymptotique peut y être appliquée (méthode de la phase stationnaire1), menant à la forme analytique

{𝐸𝑧 𝐸𝑟} ≈ 𝑙0(𝛼𝑠) 𝑠𝑖𝑛 𝛼𝑠{ 𝑠𝑖𝑛 𝛼𝑠𝐽0(𝑘𝑟 𝑠𝑖𝑛 𝛼𝑠) 𝑖 𝑐𝑜𝑠 𝛼𝑠𝐽1(𝑘𝑟 𝑠𝑖𝑛 𝛼𝑠)} 𝑒 𝑖(Φ𝑒(𝛼𝑠)+𝜋/4 2𝜋 Φ″ 𝑒(𝛼𝑠) , (5.6) où le terme Φ″

𝑒 représente la dérivée seconde de la fonction Φ𝑒 par rapport à 𝛼 et 𝛼𝑠 est

appelé « angle de phase stationnaire ». Cette approximation est valide tant que cet angle de phase stationnaire est raisonnablement éloigné des bornes d’intégration. Dans le cas qui nous intéresse, il sera déterminé plus tard que 𝛼𝑠 est près de 𝛼0, ce qui reste très loin des bornes

1. La méthode de la phase stationnaire implique que, sur l’étendue du domaine d’intégration, les portions à oscillation rapide déphasées ont une contribution globalement nulle [65].

d’intégration (qui sont également les limites physiques d’angles de focalisation, soit 𝛼𝑚𝑖𝑛 = 0 et 𝛼𝑚𝑎𝑥= 𝜋).

On rappelle ici l’expression de la phase

Φ𝑒= −𝛾[𝑍 𝑐𝑜𝑠 𝛼 + 2 𝑐𝑜𝑠(𝛼/2)], (5.7)

selon le traitement analytique du miroir sphérique du chapitre précédent

L’angle de phase stationnaire est ensuite déterminé en résolvant l’équation transcendante

2𝑖(𝛼𝑠− 𝛼0)

Δ𝛼2𝛾 + 𝜁 𝑠𝑖𝑛 𝛼𝑠+ 𝑠𝑖𝑛(𝛼𝑠/2) = 0. (5.8)

Cette équation permet de trouver l’angle pour lequel la dérivée de la phase totale de l’inté- grande est nulle. Le premier terme imaginaire provient de l’argument de l’enveloppe gaus- sienne dans l’intégrale. On ne peut négliger son apport par défaut puisque, pour les cas où le champ au foyer est extrêmement confiné, cette enveloppe gaussienne varie très rapidement avec l’angle 𝛼.

On remarque, dans l’équation (5.8) que si Δ𝛼2𝛾 → 0, 𝛼

𝑠 devient indépendant de 𝜁. Cette

indépendance implique que les expressions analytiques des champs axial et radial produits ont une norme uniforme pour toute position sur l’axe. On retrouve donc la limite de l’anneau infiniment mince focalisé par une parabole, tel que mentionné à la section précédente et dans [18].

Pour les autres cas, on tente de trouver une expression analytique pour 𝛼𝑠et en développant l’expression autour de 𝜁 = 𝜁0, où 𝜁0 correspond à la position du foyer local pour l’angle 𝛼0,

𝜁0= −1 2 𝑐𝑜𝑠(𝛼0/2) (5.9) 𝛼𝑠≈𝛼0− 𝜁 − 𝜁0 𝜁0(𝜁2 0− 1/4)1/2 . (5.10)

Pour caractériser l’aiguille produite, nous trouvons également une expression pour la densité de son énergie électrique, en écrivant

𝐼(𝑟, 𝑧) ≈ 𝐼0𝑒𝑥𝑝(−2(𝜁 − 𝜁0)2/Δ𝜁2)[𝐽2 0(𝑘𝑟 𝑠𝑖𝑛 𝛼0) + 𝑐𝑜𝑡2𝛼0𝐽12(𝑘𝑟 𝑠𝑖𝑛 𝛼0)], (5.11) où 𝐼0= 2 𝑠𝑖𝑛 4 𝛼0 Δ𝛼2Φ(𝛼 0) ; (5.12) Δ𝜁 = |𝜁0|(𝜁2 0− 1/4)1/2Δ𝛼. (5.13)

Ces dernières expressions sont trouvées en considérant une approximation gaussienne (selon la troncature supposée à l’équation (5.10)). Il existe par ailleurs une similarité frappante entre cette expression analytique et celle obtenue dans [18], décrivant l’aiguille produite par un miroir parabolique. Ici, cependant, le paramètre Δ𝜁 est proportionnel à Δ𝛼, tel qu’attendu. 5.3.1 Étendue axiale

Pour produire une aiguille aillant le meilleur confinement latéral, on rappelle l’utilisation d’une focalisation à 𝛼0= 𝜋/2. De (5.11), on peut déterminer la longueur à mi-hauteur (𝐿1/2) d’une telle aiguille

𝐿1/2/𝜆 ≈ 𝛾(𝑙𝑛 2)

1/2Δ𝛼

4𝜋 , (5.14)

ce qui concorde avec les prévisions purement géométriques précédemment édictées à l’équa- tion (5.11). La longueur des aiguilles de lumière ainsi formées est présentée à la figure 5.2. La ligne bleue est générée par (5.6). En comparaison, la ligne verte uniformément pointillée corresponds à l’approximation gaussienne (5.14) (valide pour les grands angles, comme men- tionné) et la ligne rouge non-uniforme représente la longueur d’une aiguille produite par un miroir parabolique de même échelle.

Solution asymptotique Approximation gaussienne Miroir parabolique FWHM/ longitudinal e

Figure 5.2 – Longueur à mi-hauteur d’une aiguille de lumière sur l’axe optique, telle que créée par un miroir sphérique pour une focalisation à 𝛼0 = 𝜋/2. Le paramètre d’échelle est 𝛾 = 105.

On peut constater que, pour un anneau large (Δ𝛼2𝛾 ≫ 1), la longueur obtenue par l’ap-

proximation asymptotique analytique suit l’approximation (5.14) alors que, pour un anneau mince, la solution analytique tend directement vers la solution du miroir parabolique. Ces observations sont cohérentes avec celles faites précédemment sur le comportement de l’équa- tion (5.8).

En détail, on peut discerner trois régimes dans les comportements de la longueur de notre aiguille à la figure 5.2.

Anneau mince Un anneau mince (petit Δ𝛼) produit une aiguille de longueur similaire à celle produite par un miroir parabolique pour 𝑓 = 𝑓𝑙𝑜𝑐. L’étendue de cette aiguille est majoritairement dictée par l’étroitesse du profil incident et par l’effet unique de la diffraction. En effet, une sphère peut toujours être localement définie comme une parabole de focale donnée. Ainsi, pour un anneau extrêmement mince, la surface recouverte par le champ incident peut être approximée par cette même parabole.

Anneau large Un anneau large (grand Δ𝛼) produit une aiguille dont l’étendue est princi- palement dictée cette fois par la variation en tout point du 𝑓𝑙𝑜𝑐causée par le miroir sphérique.

Anneau intermédiaire Entre les deux régimes précédents se trouve une zone de transition

dans laquelle l’anneau incident est insuffisamment mince pour que la parabole locale ne puisse produire une longue aiguille (principe de la section 2.4) et insuffisamment large pour profiter de façon significative du pouvoir de focalisation étalée de la sphère.

Les calculs démontrent également qu’il est toujours possible d’étendre la longueur des aiguilles ainsi produites en augmentant le facteur d’échelle 𝛾, c’est à dire en utilisant de plus petites longueurs d’ondes ou de plus grands miroirs. Ainsi, on retrouve également, avec la focalisation par miroir sphérique, le potentiel de créer des aiguilles de quelques milliers de longueurs d’onde de long, comme il en est possible avec la méthode par miroir conique [51].

5.3.2 Confinement latéral

Au-delà de la longueur de ces aiguilles de lumière, il est primordial d’en noter la taille latérale. L’étude des aiguilles de lumière a été priorisée dans un contexte de super-résolution et leur propriété de confinement dans un plan perpendiculaire à leur longueur doit être considérée. En se fiant au profil d’intensité analytique déterminé plus tôt, on cherche la position 𝑟 pour laquelle

|𝐽0(𝑘𝑟 𝑠𝑖𝑛 𝛼𝑠)|2+| 𝑠𝑖𝑛 𝛼𝑠|2| 𝑐𝑜𝑠 𝛼𝑠|2

| 𝑠𝑖𝑛2𝛼𝑠|2 |𝐽1(𝑘𝑟 𝑠𝑖𝑛 𝛼𝑠)|

2= 1/2. (5.15)

Les valeurs absolues sont imposées, du fait que 𝛼𝑠 est de nature complexe dans le cas de la focalisation par un miroir sphérique. On rappelle la limite de focalisation de 0,36𝜆, qui ne sera atteinte que lorsque le deuxième terme de (5.15) sera négligeable. De (5.8), on trouve que pour 𝜁 = 𝜁0, 𝛼𝑠= 𝛼0. Pour 𝛼0= 𝜋/2, comme dans le cas qui nous intéresse ici, le deuxième terme de (5.15) disparaît, ce qui mène à la limite théorique de 0,36𝜆. En d’autres termes,

avec le miroir sphérique, la limite de confinement latéral est strictement atteinte au centre de l’aiguille de lumière. Pour toute autre valeur de 𝜁, cependant, on peut s’attendre à voir la dimension radiale de l’aiguille augmenter avec la distance par rapport au centre de l’aiguille. Cette augmentation relative de la largeur de l’aiguille est présentée à la figure 5.3. Cette courbe est obtenue pour 𝛼0= 𝜋/2, Δ𝛼 = 0.1 et 𝛾 = 105, en résolvant (5.15) pour différentes

valeurs de 𝜁. L’angle stationnaire pour chaque position est trouvé en solutionnant (5.8). La plage de 𝜁 pour laquelle le calcul est fait correspond à l’étendue axiale de l’aiguille.

Augmentation de la FW

HM trans. [

%]

Distance z/ depuis

0

Figure 5.3 – Largeur à mi-hauteur de l’aiguille, en augmentation relative par rapport à la limite de focalisation de 0,36𝜆.

On remarque, à la figure5.3, que l’augmentation de la largeur de l’aiguille ne dépasse pas 0,3% de sa taille minimale sur l’entièreté de la longueur de l’aiguille, soit 700𝜆. Selon ces calculs, le confinement latéral reste sous les 0,40𝜆 sur une longueur de plus de 4000𝜆 de profondeur axiale. Encore une fois, la longueur d’aiguille pour laquelle le confinement reste sous un seuil donné dépend du facteur d’échelle (proportionnel à 𝛾). Pour mieux s’imaginer l’aiguille produite par la méthode décrite dans cette section, la figure 5.4 propose une visualisation de son profil d’intensité. Ce profil est semblable à celui produit par un miroir parabolique (voir [18]), mais dont la profondeur de champ est beaucoup plus grande. La figure 5.4 est produite avec 𝛼0= 𝜋/2, Δ𝛼 = 0.1 et 𝛾 = 105, toujours selon la forme analytique (5.6).

Finalement, il est intéressant de tracer le profil axial de l’aiguille. On compare, à la figure5.5, le profil longitudinal exact (solution numérique de l’équation (5.2) par quadrature de Levin - ligne pleine bleue), l’approximation analytique par phase stationnaire (5.6) (ligne verte pointillée) et la forme approximée par une gaussienne de l’équation (5.11) (ligne rouge non uniforme). Le profil a encore été construit pour 𝛼0= 𝜋/2, Δ𝛼 = 0.1 et 𝛾 = 105.

On constate l’efficacité de la solution analytique par phase stationnaire, qui concorde quasi- parfaitement avec la solution numérique. De plus, on remarque la légère asymétrie introduite par le miroir sphérique par rapport à l’approximation gaussienne.

Distance z/ depuis

0

Figure 5.4 – Profil d’intensité de l’aiguille de lumière.

Distance z/ depuis

0

Solution numérique

Solution asymptotique

Approximation gaussienne

Figure 5.5 – Profil longitudinal de l’aiguille de lumière.

Aiguilles uniformes Des travaux très intéressants portent sur l’uniformisation des aiguilles de lumière avec des miroirs coniques [51] ou des éléments diffractifs [66]. Ces travaux dé- montrent la possibilité de créer des aiguilles dont le profil longitudinal se rapproche d’un profil supergaussien. La même approche serait possible ici, avec un miroir sphérique. Dans le cadre de cette thèse, l’approche d’uniformisation des aiguilles est reportée à l’annexeA.