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2.5 Conclusion et perspectives

3.1.1 Caractérisation temporelle de trains d’impulsions attosecondes

impulsion XUV obtenue par génération d’harmoniques d’ordre élevé que l’on souhaite carac-tériser temporellement. Dans le domaine spectral, elle correspond à un peigne d’harmoniques impaires de la pulsation fondamentaleω0du laser IR et d’énergies

}

hΩn+1= (n + 1)}hω0, (3.1)

avecn+1la pulsation de l’harmonique n+ 1 (avec n un entier pair) et }h la constante de Planck divisée par 2π. On utilise cette impulsion pour ioniser un gaz rare, ce qui va « convertir » une

fraction de l’impulsion lumineuse en un paquet d’ondes électronique (la valeur de cette fraction étant reliée à la section efficace d’ionisation à un photon). Ce paquet d’ondes électronique est détecté par un spectromètre d’électrons et son spectre reflète celui de l’impulsion excitatrice : chaque harmonique d’énergie de photon supérieure au potentiel d’ionisation Ipde l’atome crée un pic de photoélectrons Hn+1d’énergie cinétique

En+1= }hΩn+1− Ip. (3.2)

Si à présent on ajoute le champ laser IR fondamental (appelé champ d’« habillage »), des transitions électroniques supplémentaires vont avoir lieu, créant des répliques des pics existants par absorption ou émission stimulée d’un photon IR d’énergie }0. Ceci est représenté sur la figure3.1. Ces répliques se situent entre les pics harmoniques, à des énergies cinétiques corres-pondant aux ordres harmoniques pairs et sont appelés pics satellites (en anglais sidebands). Si l’intensité IR est maintenue à un niveau faible (inférieur à 1 TW.cm−2typiquement), l’absorption ou l’émission de plusieurs photons IR est très peu probable. Chaque pic satellite SBnrésulte alors de deux chemins quantiques possibles :

— absorption d’un photon harmonique d’énergie }hΩn−1suivie de l’absorption d’un photon IR ; — absorption d’un photon harmonique d’énergie }hΩn+1 suivie de l’émission stimulée d’un

photon IR.

25 30 Énergie de photon (eV)35 40 45 50 55

15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35

Ordre harmonique

0.0

2.5

5.0

7.5

10.0

12.5

15.0

17.5

20.0

Retard IR-XUV (fs)

FIGURE3.2 – Spectrogramme RABBIT pour lequel les harmoniques sont générées et détectées dans le néon. Le signal est enregistré dans le MBES décrit au chapitre1.

Ces deux chemins quantiques vont interférer et lorsque l’on fait varier le retard entre les impulsions IR et XUV, l’amplitude du signal du pic SBn va être modulée, comme le montre la figure3.2. Cette modulation peut s’écrire comme :

SBn= An+ Bncos 2ω0τ − ∆φXUV

3.1. Version initiale

avec An l’intensité moyenne du pic satellite, Bn l’amplitude de l’oscillation de pulsation 2ω0et

τ le retard entre les impulsions IR et XUV. ∆φXUV

n et∆φA

nsont deux termes de phase. Le premier s’écrit∆φXUV

n = φn+1− φn−1et correspond à la différence de phase spectrale entre les harmo-niques d’ordres n+ 1 et n − 1. Il est donc lié à l’impulsion XUV. Le second, ∆φA

n (exposant « A » pour atomique), est lié à l’atome ionisé et correspond à la différence de phase des dipôles de tran-sition à deux photons. Il sera présenté plus en détail dans la section suivante (voir notamment l’équation3.7).

Sur la figure3.1, on remarque que les pics Hn±1oscillent également avec le retardτ. Ceci

s’explique par la conservation du nombre total d’électrons. En effet, l’impulsion IR ne crée pas de nouveaux électrons mais redistribue seulement en énergie les électrons déjà créés par l’im-pulsion XUV. Ainsi, le signal du pic SBn est obtenu par dépeuplement des pics Hn±1. Comme il oscille avec le retardτ, les pics Hn±1vont également osciller avecτ et ce en opposition de phase

(en première approximation) par rapport aux pics satellites.

Historiquement, la technique RABBIT a été mise au point pour caractériser des impulsions XUV. La démarche a donc consisté à négliger la contribution atomique∆φA

n ou à la considérer comme connue par des calculs théoriques (Paul et al.,2001). Une fois cette phase mise de côté, il est alors possible de récupérer la phase∆φXUV

n que l’on peut aussi écrire comme :

∆φXUV n ≈ 2ω0 ∂φ ∂ω ω=nω0 , (3.4)

on accède donc à la dérivée spectrale de la phaseφ(ω) de l’impulsion XUV.

Si on suppose queφ(ω) suit une évolution quadratique, on peut l’écrire comme : φ(ω) = φ0+ φ1(ω − Ω0) +φ2

2 (ω − Ω0)2, (3.5)

avec0la pulsation centrale de l’impulsion XUV. La quantitéφ0désigne la CEP. La grandeurφ1

correspond à un décalage temporel de l’impulsion (retard de groupe) par rapport à l’impulsion IR qui l’a générée. Enfin, la quantitéφ2représente la dispersion du retard de groupe, qui correspond dans le domaine temporel à une dérive de fréquence (en anglais chirp) linéaire de l’impulsion XUV. C’est cette grandeur que l’on cherche à déterminer en pratique, car elle indique dans quelle mesure les différentes harmoniques sont synchronisées les unes par rapport aux autres, révélant ainsi la structure attoseconde du train d’impulsions (Kazamias et Balcou,2004).

La dérivée spectrale de la phaseφ(ω) correspond à la quantité mesurée par spectroscopie

RABBIT et s’écrit :

∂φ

∂ω= φ1+ φ2(ω − Ω0), (3.6)

c’est donc une fonction linéaire de la pulsationω, ou de manière équivalente de l’énergie de

photon/photoélectron. Si l’on extrait la phase des oscillations de chaque pic satellite et qu’on la trace en fonction de l’ordre harmonique n (proportionnel à l’énergie de photon), on obtient une courbe du type de la figure3.3. Ici les harmoniques ont été générées dans le néon et le gaz ionisé est également du néon car il possède une phase atomique ∆φA très faible sur tout le spectre harmonique.

En pratique, extraire la phase des oscillations peut être effectué de deux manières diffé-rentes :

15 20 25 30 35 40

Ordre harmonique

2

1

0

1

Phase (rad)

Ajustement linéaire

Exp.

FIGURE3.3 – Phase des pics satellites (en bleu) en fonction de l’ordre harmonique, ajustée par une fonction linéaire (en noir).

— un ajustement du signal par la fonction de l’équation3.3avec pour paramètres libres les grandeurs An, Bn, une phaseΦ = ∆φXUV

n + ∆φA

n et éventuellement la pulsation des oscilla-tions 2ω0. Cette méthode a pour avantage d’être simple d’utilisation, notamment pour es-timer les barres d’erreurs sur les phases extraites car directement fournies par l’algorithme d’ajustement ;

— une transformation de Fourier du signal puis l’extraction de la phase de la composante à 2ω0. Cette technique est probablement plus robuste que la précédente en présence de bruit car elle est insensible à tout signal parasite présent à des pulsations différentes de 2ω0.

Ces techniques sont présentées plus en détail dans l’annexeC. Dans les deux cas, le signal des pics satellites est préalablement intégré sur toute leur largeur en énergie afin d’obtenir le meilleur rapport signal sur bruit possible.

Sur la figure3.3, on constate que les phases extraites suivent effectivement une tendance linéaire, représentée par la courbe noire, ce qui valide l’hypothèse d’une évolution quadratique deφ(ω). Cette dépendance a été mesurée pour la première fois parMairesse et al.(2003) ainsi que

Kazamias et Balcou(2004). La pente de la droite en figure3.3correspond àφ2et vaut ici 0,011 fs2

ou 0,12 radians par ordre harmonique, ce qui correspond à 0,24 rad entre deux pics satellites, soit

∆t = 0,24/2ω0= 51 as. Cette valeur est comparable à celles obtenues parMairesse et al.(2003, étoiles bleues de la figure 1) malgré la présence ici d’un filtre en aluminium qui introduit une dispersion négative et réduit donc en principe la valeur de∆t (López-Martens et al.,2005).

Il n’est cependant pas possible d’extraire le retard de groupeφ1par rapport à l’impulsion IR de génération à partir de l’ordonnée à l’origine de la droite, comme le laisse pourtant pen-ser l’équation3.6, car il nous manque une référence de phase absolue entre les impulsions de génération et d’habillage. Cette dernière peut cependant être mesurée en retirant le filtre en

3.1. Version initiale

aluminium pour permettre des interférences entre les deux faisceaux IR au niveau du spectro-mètre d’électrons. Aux oscillations à 2ω0des pics satellites s’ajoutent alors des oscillations àω0

dont la phase constitue cette référence. Sa valeur est finalement soustraite aux phases extraites à 2ω0, ce qui revient à décaler verticalement la courbe de la figure3.3et permet enfin de déter-minerφ1(Mairesse,2005).

Néanmoins,φ1n’étant qu’un retard de groupe, il suffit de connaîtreφ2 pour reconstruire la structure temporelle du train attoseconde. C’est ce qui est illustré sur la figure3.4.

15 17 19 21 23 25 27 29 31 33

Ordre harmonique

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

Intensité spectrale

(u. arb.)

(a)

(b)

1.0 0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0

Temps (fs)

0.00

0.25

0.50

0.75

1.00

Intensité (u. arb.)

350 as

1

0

1

Phase (rad)

FIGURE3.4 – (a) Intensité modélisée (points verts) et phase extraite du spectrogramme RABBIT de la fi-gure3.2(losanges rouges). (b) Reconstruction temporelle du train d’impulsions attosecondes.

Les phases de la figure3.3sont d’abord intégrées de manière discrète et la première phase est arbitrairement placée à zéro. Ensuite, l’amplitude des harmoniques correspondantes est ex-traite en enregistrant un spectre sans IR d’habillage que l’on divise pas la section efficace d’ab-sorption du gaz de détection. Ici, en guise d’illustration, l’amplitude du spectre harmonique est modélisée très simplement par un plateau suivi d’une décroissance exponentielle, comme le montrent les points verts de la figure3.4(a). Une transformation de Fourier du signal spectral est alors effectuée et permet de reconstruire le train d’impulsions attosecondes (figure3.4(b)).

Le fait de réduire le contenu spectral de chaque harmonique à un unique point revient en fait à les considérer comme infiniment fines, autrement dit que le train d’impulsions est infini dans le temps. Ceci est une des principales approximations de la technique RABBIT. En consé-quence, les impulsions temporelles reconstruites sont toutes identiques et leur profil correspond à celui d’une impulsion moyenne au sein du train. Expérimentalement, cette approximation est valide lorsque l’on scanne le retard IR-XUV sur une plage très inférieure à l’enveloppe de l’im-pulsion XUV (ou en pratique de sa corrélation croisée avec l’iml’im-pulsion IR).

Remarque : la technique FROG-CRAB (Mairesse et Quéré,2005) sort du cadre de cette ap-proximation et consiste expérimentalement à scanner le retard sur toute la durée de la corréla-tion croisée des deux impulsions. Elle permet donc de reconstruire un train d’impulsions non identiques.

Comme mentionné précédemment, une seconde caractéristique expérimentale importante est l’intensité du champ d’habillage que l’on règle à 1011–1012W/cm2afin qu’il puisse être traité comme une perturbation et n’effectue que des transitions à un photon. En pratique, l’intensité est réglée en contrôlant l’amplitude maximale des pics satellites puis en vérifiant que les spectro-grammes RABBIT ne contiennent pas de signal oscillant à 4ω0, 6ω0, etc., qui sont une signature de transitions IR à plusieurs photons.

La durée de l’impulsion d’habillage, autrement dit sa largeur spectrale, doit également être prise en considération. Étant donné que cette impulsion doit créer des répliques exactes des paquets d’ondes à un photon, il est souhaitable que sa largeur spectrale soit la plus fine pos-sible, autrement dit que sa durée soit la plus longue possible. En pratique l’impulsion n’est pas infiniment fine spectralement, ce qui fait apparaître des « effets d’impulsion finie » (en anglais

finite-pulse effects), mis en évidence notamment parJiménez-Galán et al.(2016) etBusto et al.

(2018).

Une présentation des différents facteurs limitant la résolution de la technique RABBIT est effectuée parIsinger et al.(2019). Sont mentionnées notamment l’influence des propriétés spatio-temporelles des faisceaux IR et XUV ainsi que la stabilité de l’interféromètre RABBIT. Par ailleurs, l’instabilité temporelle de l’interféromètre (en anglais time jitter) est exploitée parKrüger et al.

(2020) pour faire varier le retard IR-XUV. Est alors supprimé le scan linéaire du retard, effectué habituellement au moyen d’une platine de translation, mais cela requiert un autre type d’analyse basé sur la corrélation des intensités des pics satellites. Cette approche a été baptisée TURTLE (Timing-jitter Unaffected Rabbit Time deLay Extraction).