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Caractérisation des interactions entre sous-unités au sein d’une PKS hybride, l’enacyloxine synthase

Risser, F., Collin, S., Dos Santos-Morais R., Gruez, A., Chagot, B. & Weissman, K. J.

Suite à la caractérisation de la nouvelle classe de DD présents entre les sous-unités VirA et VirFG de la virginiamycine synthase, une PKS trans-AT (Dorival et al., 2016), notre équipe s’est intéressée aux six interfaces de l’enacyloxine synthase qui est un système particulier : c’est en effet une PKS hybride cis-/trans-AT, les six premières sous-unités appartiennent à la classe des cis-AT et seule la dernière à la classe des trans-AT.

Dans un premier temps l’existence et les limites des DD putatifs, situés aux extrémités Cter et Nter des sous-unités du système, ont dû être confirmées. Pour ce faire, des alignements de séquences de ces régions ont été réalisés de manière à déterminer les limites des domaines conservés. Dans le cas des interfaces « classiques », situées entre des domaines ACP en Cter et KS en Nter de leur sous-unité (5925/5924, 5923/5922, 5922/5921, 5921/5920 et 5920/5919), des courtes séquences non assignées d’une cinquantaine et trentaine de résidus respectivement sont bien présentes. Seule l’extrémité Cter de la sous-unité 5924 présente plus de 320 résidus en aval du dernier domaine conservé, une KS. L’interface formée entre cette sous-unité et la suivante est particulière puisqu’elle consiste en un module « splité ». Afin d’affiner ces premiers résultats, une série de logiciels a été utilisée sur les régions de dockings potentiels. Les régions Nter et Cter auraient la capacité à se structurer en hélice α (PSIPRED, Buchan et Jones, 2019). De plus les extrémités Cter présenteraient un caractère désordonné, ayant la capacité à se structurer en présence d’un partenaire d’interaction (IUPred2A, Mészáros, Erdős, et Dosztányi, 2018), alors que les régions Nter formeraient des coiled-coil assurant ainsi leur homodimérisation (prabi, https://npsa-prabi.ibcp.fr/cgi-bin/npsa_automat.pl?page=/NPSA/npsa_lupas.html).

Les caractéristiques de ces régions non annotées étant partagées avec d’autres classes de DD (Broadhurst et al., 2003 ; Whicher et al, 2013 ; Dorival et al., 2016), nous avons pu émettre l’hypothèse qu’elles correspondaient bien à des régions de docking entre sous-unités.

Ainsi, toutes les séquences en amont des domaines conservés en Nter de leur sous-unité ont été clonées. Pour quatre CDD sur six, deux versions ont été clonées : l’analyse bio-informatique de ces régions prédit la présence d’une hélice α terminale avec un fort degré de confiance ainsi qu’une autre hélice α plus ou moins longue en amont. Une version courte comprend donc cette hélice terminale et une version longue comprend les deux hélices. Seuls

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deux CDD sont clonés en une seule version courte : le 5925 CDD et le 5924 CDD. Dans les deux cas, seule une petite hélice α, située à l’extrémité Cter des sous-unités, est présente avec un degré de confiance important.

Au final, toutes les constructions sont obtenues à homogénéité à l’exception des DD du module « splité » et des deux versions du 5920 CDD que nous n’avons jamais réussi à purifier. Pour ces derniers (5924 CDD, 5923 NDD et une version courte du 5920 CDD), notre étude s’est faite avec des peptides synthétiques.

L’analyse biophysique des spectres CD révèle que tous les CDD comportent très peu de structurations secondaires alors que tous les NDD présentent des spectres caractéristiques de protéines structurées en hélice α. Par ITC, un Kd est déterminé pour tous les partenaires d’interaction, à l’exception des DD potentiels du module « splité ». Les affinités varient de 2,1 ± 0,6 μM pour les partenaires de la première interface (5925/5924) à 57 μM dans le cas de l’interface 5922/5921, mais quelle que soit l’interface testée, la stœchiométrie est de 1:1. Ces expériences ITC permettent aussi de déterminer quelle version des CDD, longue ou courte, est la plus pertinente. En effet, dans le cas de l’interface 5923/5922, aucune interaction n’est observée entre la version courte du CDD et son partenaire, alors que cela est possible avec la version longue : un Kd de 26 ± 4 μM est calculé. Dans le cas de l’interface 5922/5921 l’affinité d’interaction est deux fois plus importante lorsque la version longue du CDD est testée (57 μM contre 110 μM). La version courte du 5921 CDD est utilisée par la suite puisqu’aucune différence significative de Kd n’est observée entre la version longue et courte de ce CDD avec le 5920 NDD.

Pour caractériser plus finement les interactions mises en évidence par ITC, des spectres CD avant mélange des deux partenaires et après mélange, donc après formation des complexes, sont enregistrés. Pour chaque interface, à l’exception du module « splité », une augmentation des signaux spécifiques des hélices α est observée. Nous avons ainsi émis l’hypothèse que cette augmentation de structuration provient en majorité des CDD se repliant en hélice α lors de l’interaction avec leur partenaire. Les CDD de l’enacyloxine synthase seraient donc des régions intrinsèquement désordonnées (IDR) de la PKS. Alors que ce type d’interaction est déjà mis en évidence chez des PKS trans-AT (Dorival et al., 2016), c’est la première fois qu’elle est caractérisée au niveau de jonctions PKS cis-AT. C’est aussi la première fois que ce mécanisme d’interaction est démontré au niveau de plusieurs interfaces d’un même système.

Par une approche combinant ITC, CD, SLS et SAXS, l’état oligomérique des DD est étudié. Il s’avère que tous les CDD sont monomériques, alors que tous les NDD, à l’exception du 5921 NDD, sont homodimériques, et ce, probablement via la formation d’un coiled-coil. Un autre point commun entre toutes les interfaces réside dans le pI des partenaires : tous les

CDD présentent un pI acide, compris entre 4 et 6 alors que la majorité des NDD présentent un pI basique, compris entre 9,7 et 10,6. Seuls le 5922 NDD et le 5920 NDD possèdent un pI de 5,4 et 6,4 respectivement. Toutes les interfaces caractérisées de l’enacyloxine synthase

partagent donc de nombreux points communs : des CDD monomériques et chargés

partiellement négativement, intrinsèquement désordonnés, interagissant avec des NDD structurés en hélices α, s’homodimérisant par l’intermédiaire d’un coiled-coil et pour la plupart chargés partiellement positivement. Des expériences de mésappariement menées par ITC montrent cependant que ce système PKS présente des interactions hautement spécifiques puisque le 5925 CDD et le 5921 CDD n’interagissent pas ou très faiblement, avec les autres

NDD du système.

Dans le but de mieux comprendre d’où émerge la spécificité d’interaction entre chaque interface, des structures RMN de couples de DD en fusion ont été résolues. La première construction relie les DD de la première interface (5925/5924) par l’intermédiaire d’un linker (Gly2Ser)3. La structure du complexe présente de nombreuses caractéristiques de DD de classe II (Whicher et al., 2013) : les NDD homodimériques sont composés de deux hélices α chacun, les deuxièmes forment un coiled-coil. Les CDD monomériques sont aussi formés de deux hélices α, et interagissent avec un monomère de NDD chacun. Globalement la structure obtenue est très semblable à celle des DD de classe II (Whicher et al., 2013) puisque les monomères adoptent la même structuration. L’angle entre les deux hélices α d’un monomère de CDD est le même que dans la structure des CDD de cette classe, de même pour l’angle entre les deux hélices α d’un monomère de NDD. Toutefois la topologie du complexe diffère légèrement par rapport à la structure cristallographique (Whicher et al., 2013), notamment dans la position des hélices α des NDD formant le coiled-coil.

La dernière interface, permettant la communication entre une sous-unité cis-AT et la dernière sous-unité trans-AT, appartient quant à elle à la classe Ib de DD (Buchholz et al., 2009). Ces derniers ont été fusionnés par l’intermédiaire d’un linker (Gly3Ser)2 afin d’obtenir la structure du complexe par RMN. Ici, le docking est réalisé par un CDD formant une petite hélice α s’insérant dans le sillon formé par le coiled-coil de NDD. Une différence majeure est

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l’interface de docking qui s’homodimérise par l’intermédiaire d’un fagot de quatre hélices (Broadhurst et al., 2003).

Les alignements de séquences suggèrent que les autres interfaces de l’enacyloxine synthase appartiendraient soit à la classe II pour les interfaces 5925/5924 et 5923/522 soit à la classe I pour les interfaces restantes : 5924/5923, 5922/5921, 5921/5920 et 5920/5919. Le mésappariement des DD appartenant à la même classe serait principalement empêché par un code électrostatique différent. Par exemple les pI des DD de l’interface 5925/5924 sont de 3,8 et 9,7 respectivement alors que ceux de l’interface 5923/5922 sont de 5,0 et 5,4 respectivement. En outre, il semble que les domaines adjacents aux DD pourraient jouer un rôle dans le cas du module « splité » puisqu’aucune interaction directe entre les DD potentiels n’est observée. Des constructions plus longues ont donc été clonées : KS-CDD 5924, NDD-KR 5923 et NDD-KR-ACP 5923. Malheureusement ces protéines sont peu solubles et n’ont pas pu être purifiées.

Dans ce travail collaboratif au sein de l’équipe, j’ai cloné, produit et purifié les différentes constructions avec l’aide de Sabrina Collin. J’ai mené les expériences de CD et d’ITC et Raphaël Dos Santos-Moirais les expériences SLS. Avec l’aide du docteur Arnaud Gruez, j’ai enregistré et traité les données SAXS obtenues au synchrotron SOLEIL. Les enregistrements des spectres et la résolution des structures RMN ont été réalisés avec l’aide du docteur Benjamin Chagot.