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Partie 1. LES EFFETS DES CANCERS SUR L’ACTIVITÉ

4. Évaluation des effets des cancers par localisation

4.3. Cancers prévalents pour les deux sexes

4.3.1. Le cancer du poumon

Selon les données de l’Inca, le cancer du poumon se situe en France au premier rang des causes de mortalité par cancer, avec 29 949 décès estimés en 2012. L’incidence est également forte avec 39 495 nouveaux cas de cancer cette même année. Elle est beaucoup plus forte chez les hommes que chez les femmes, mais elle a drastiquement augmenté chez ces dernières : ainsi, on est passé de 1 526 nouveaux cas en 1980 à 11 284 en 2012. L’âge médian au diagnostic est de 66 ans pour les hommes et de 65 ans pour les femmes. L’âge médian au décès est de 68 ans chez l’homme et de 67 ans chez la femme. Le taux de survie nette à cinq ans est de 14 % (17 % chez la femme et 13 % chez l’homme). À dix ans, ce taux de survie est de 9 % (10 % chez la femme et 9 % chez l’homme). La prévalence partielle à cinq ans est de 48 837 dont 35 690 hommes (Inca, 2015).

Le dépistage du cancer du poumon est rarement réalisé à un stade précoce dans la mesure où les symptômes apparaissent le plus souvent à un stade tardif. Or, seul un stade précoce autorise une chirurgie curative.

La première cause des cancers bronchiques est le tabagisme. La plupart des cancers bronchiques ont leur origine dans les bronches (parfois dans les alvéoles pulmonaires). On distingue les cancers dits à « petites cellules » des « cancers non à petites cellules » qui représentent 95 % des cancers bron- chiques (d’autres formes telles que les lymphomes ou les sarcomes sont très rares).

Les traitements des cancers du poumon combinent en général chirurgie thoracique, radiothérapie thoracique, chimiothérapie et parfois thérapies ciblées.

La chirurgie à visée curative vise l’ablation complète de la tumeur et se fait par lobectomie ou pneumonectomie complétée par un curage ganglionnaire. Elle constitue le traitement de référence pour les cancers « non à petites cellules » aux stades les moins avancés. La radiothérapie est, elle, le traitement de référence dans le cadre des cancers à « petites cellules ». Elle peut également être mise en œuvre dans les cancers « non à petites cellules » lorsque la tumeur n’est pas opérable. Elle peut aussi être réalisée en complément de la chimiothérapie en cas d’atteinte pariétale et pour traiter les métastases dans le cas de ces cancers « non à petites cellules ».

S’agissant des cancers à petites cellules, une radiothérapie cérébrale est également souvent recom- mandée à titre préventif lorsqu’une réponse positive au traitement initial, soit par chimiothérapie ou radiothérapie thoracique, a été enregistrée. Différentes thérapies ciblées existent pour les traitements des cancers du poumon qui visent l’inhibition des facteurs de croissance de(s) la tumeur(s).

La mortalité par cancer du poumon est très forte à court/moyen terme de sorte que la maladie est peu compatible avec un retour au travail. En outre, les séquelles des traitements incluent la dyspnée, rendant les activités physiques, même quotidiennes, difficiles à pratiquer.

B/ Résultats

Le cancer du poumon est dans notre base administrative la forme d’ALD 30 la troisième plus fré- quente pour les hommes, avec 233 cas observés un an après le diagnostic, et la huitième pour les femmes avec seulement 51 cas. En outre, ce cancer étant de mauvais pronostic, associé à des sé- quelles physiques sérieuses, l’attrition est relativement importante à un horizon de cinq ans. Il reste ainsi 75 hommes (correspondant à un taux d’attrition de 67 %) et 15 femmes (soit un taux d’attrition de 70,5 %). L’attrition peut toutefois provenir de différentes sources, dont la sortie vers la retraite. Plus précisément, l’attrition, de 67 % entre t+1 et t+5, s’explique à 40 % par une sortie de fichier (due à l’apparition d’une deuxième ALD, ou à la censure lié à la date de fin de fichier ou encore au changement d’activité), à 26 % par la retraite et à 33 % par le décès. Pour les femmes, l’attrition de 74 %, s’explique à 47 % par une sortie de fichier, à 34 % par la retraite et à 19 % par le décès.

Conséquences de la survenue du cancer sur les parcours professionnels : une analyse sur données médico-administratives

Les conséquences du cancer du poumon sont assez mauvaises en termes d’emploi, et particulière- ment pour les hommes. Dans l’année suivant le diagnostic, les hommes malades voient leur proba- bilité d’emploi stable durant toute l’année chuter de 28,3 pp en comparaison des hommes non ma- lades. Pour les femmes atteintes d’une tumeur pulmonaire, la probabilité de demeurer en emploi stable baisse également mais dans une proportion moins importante : -16,4 pp. La chance de de- meurer en emploi, même pour une partie de l’année, suit la même logique, mais avec un écart réduit selon le genre. La probabilité d’emploi baisse de 17 pp pour les hommes malades et de 11,9 pp pour les femmes malades. En effet, ces dernières sortent de l’emploi stable vers un emploi plus instable de manière moins fréquente que leurs homologues masculins. Les malades des deux sexes sont d’abord concernés dans cet horizon d’une année par les interruptions d’activité liées aux traite- ments, en comparaison des salariés non malades, par le pourcentage plus élevé d’arrêts maladie (+62,9 pp et +59 pp pour les hommes et les femmes respectivement) et d’inactivité (+19,4 pp et +11,3 pp respectivement).

Pour les malades des deux sexes, le retour à l’emploi à la suite d’un cancer broncho-pulmonaire apparaît difficile dans le court terme, mais aussi le moyen terme. Les malades ont une diminution de la probabilité d’être en emploi stable de 26,4 pp et 23,6 pp à trois et cinq ans pour les hommes, et de 17,3 pp et 31,6 pp à trois et cinq ans pour les femmes. Cette longue exclusion de l’emploi ne trouve pas de retour partiel grâce à l’emploi instable, puisqu’après cinq années les probabilités d’emploi global sont à peine meilleures : -27,1 pp et -27,6 pp pour les hommes et les femmes.

Les effets des tumeurs pulmonaires sur les autres situations professionnelles varient peu selon le genre. Aussi, à un horizon de cinq années, les femmes et les hommes malades ont largement quitté l’activité puisque l’influence de la maladie sur la probabilité d’être en inactivité a augmenté au fil du temps, passant de 27,9 pp au bout de deux ans à 33 pp au bout de cinq ans pour les hommes, et de 12,6 pp après deux ans à 35,8 pp après cinq ans pour les femmes. Les conséquences de la mala- die sont suffisamment graves pour que les malades se retrouvent en situation d’inactivité plutôt que de recherche active d’emploi. De fait, les femmes et les hommes malades connaissent une diminu- tion des périodes de chômage jusqu’à un horizon de cinq ans (-8,2 pp pour les femmes et -5,9 pp pour les hommes), ce qui traduit le fait qu’ils abandonnent vraisemblablement la recherche d’emploi en faveur de l’inactivité.

La gravité des séquelles du cancer du poumon se reflète également par le niveau élevé de l’augmentation de la probabilité d’être en arrêt maladie cinq ans après l’enregistrement en ALD (+8,2 pp et 14,6 pp pour les hommes et les femmes respectivement).

C/ Discussion des résultats

Les résultats ci-dessus mettent en évidence la difficulté d’être en emploi après un diagnostic de can- cer du poumon. Ce résultat est vrai quel que soit le genre, la difficulté d’emploi étant réelle à court mais aussi à moyen terme. Les malades n’ayant pu retourner vers l’emploi renoncent principale- ment à l’activité professionnelle, et ceux qui recherchaient un emploi semblent abandonner cette recherche. Enfin, les séquelles sont telles que les occurrences d’arrêts maladie restent élevées à un horizon de cinq ans.

Ces résultats sont en accord avec les études internationales menées sur l’effet du cancer du poumon. Cette maladie fait partie des plus coûteuses des maladies non contagieuses pour les États. Ainsi, la revue de littérature menée par Chaker et al. (2015) illustre que le cancer du poumon est parmi les maladies plus invalidantes en termes d’espérance de vie corrigée de l'incapacité et de diminution de la participation au marché du travail avec le cancer du sein, le diabète de type 2 et la broncho- pneumopathie chronique obstructive.

Dans les analyses spécifiques menées au niveau des personnes touchées par le cancer du poumon, quel que soit le pays, les effets de cette affection sur l’emploi sont élevés à court comme à moyen terme. Ainsi, en Norvège, une étude en coupe instantanée menée sur l’intégralité de la population norvégienne montre que la probabilité d’être employé pour les survivants d’un cancer du poumon

est parmi les plus faibles des individus touchés par un cancer (Syse et al., 2008). Dans le même pays, l’étude menée par Torp et al. (2012) montre que, cinq après la survenue du cancer, parmi les patients diagnostiqués en 1999, les cancers les plus pénalisants sur le marché du travail sont le poumon ou le cancer colorectal. En Allemagne, Mehnert et Koch (2013) ont analysé la situation sur le marché du travail de malades du cancer du poumon douze mois après la fin de leur rééducation médicale. Malgré ce travail de rééducation, le retour vers l’emploi est difficile pour tous les pa- tients, en particulier en cas de cancer du poumon ou des VADS. Ces enseignements sont conformes à nos évaluations puisque les cancers des poumons et du larynx sont les moins propices au retour (ou au maintien) à l’emploi des hommes malades.

Ces enseignements sont également vérifiés en Corée du Sud. Park et al. (2008) et Kim et al. (2014) montrent que l’emploi est un statut plus difficile à conserver après un cancer du poumon. En suivant les situations professionnelles des malades des deux sexes jusqu’à six ans après le diagnostic, la première étude montre qu’en moyenne sur la période, le cancer du poumon engendre le risque le plus élevé de perte d’emploi. En comparant un échantillon de 830 malades du cancer du poumon avec un millier de témoins, la seconde étude montre que la différence de taux d’emploi un an après le diagnostic est de 25,7 points de pourcentage, soit dans les mêmes ordres de grandeur que notre étude pour la France. Enfin, Earle et al. (2010) font la démonstration que les survivants du cancer du poumon aux Etats-Unis sont également en situation de retour difficile vers l’emploi quinze mois après le diagnostic.

Il existe un nombre limité d’études analysant la probabilité des arrêts maladie et du chômage, qui toutes confirment que l’éloignement de l’emploi stable comme instable à la suite du cancer du pou- mon provient d’une difficulté à trouver un emploi. Le chômage est donc prépondérant mais les inca- pacités physiques associées à la maladie limitent également la possibilité du retour à l’activité. Ainsi, Rottenberg et al. (2016) comparent le passage par le chômage de 166 patients israéliens atteints d’un cancer du poumon entre 2000 et 2007 et de 521 individus non malades appariés aux malades selon le genre, l’âge et l’ethnie d’origine. Deux ans après le diagnostic, la probabilité d’être au chômage était supérieure de 8,9 pp pour les malades. L’étude de Molina (2008) sur les conséquences du cancer sur le marché du travail en Espagne montre, pour sa part, que la tumeur pulmonaire est associée à des arrêts maladie plus importants une fois les traitements de la maladie achevés.

4.3.2. L’effet du cancer du côlon