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Partie 1. LES EFFETS DES CANCERS SUR L’ACTIVITÉ

4. Évaluation des effets des cancers par localisation

4.1. Cancers féminins les plus prévalents

4.1.3. Le cancer de l’ovaire

Le cancer de l’ovaire est la 8e cause de cancers pour les femmes (Inca, 2014). Le nombre de nou- veaux cas de cancers de l’ovaire en 2012 est estimé à 4 615 cas, soit un taux d’incidence standardisé de 7,6 pour 100 000 personnes. Avec 3 140 décès estimés en 2012, soit 5 % des décès par cancer, le cancer de l’ovaire se situe au quatrième rang des décès féminins avec un taux de mortalité de 3,8 cas pour 100 000. L’âge médian au diagnostic est de 66 ans, tandis que l’âge médian au décès s’élève à 76 ans (Inca, 2014).

L’évolution chronologique montre une amélioration régulière de l’incidence comme de la mortalité. Ainsi, le taux d’incidence a diminué en moyenne de 0,6 % entre 1980 et 2012, avec une décrois- sance plus rapide de 1,2 % entre 2005 et 2012. La mortalité suit une évolution descendante avec une diminution du taux standardisé de 1,2 % en moyenne entre 1980 et 2012, et de 3,3 % entre 2005 et 2012. Le suivi des femmes montre une baisse régulière des taux d’incidence comme de mortalité entre la cohorte née en 1930 et celle née en 1950. Une dernière manière de mesurer l’amélioration du traitement de ce cancer est l’étude de la survie des patientes à un ou cinq ans. La survie nette standardisée à un an est passée de 72 % entre 1989 et 1993 à 79 % entre 2005 et 2010. A un horizon

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Il y a une littérature sur les coûts sociaux ou les coûts en termes de perte de productivité annuelle induits par le cancer du col de l’utérus, notamment, pour la mortalité pour ce cancer. Voir par exemple Insinga (2006).

de cinq ans, le taux de survie nette est passé de 40 à 45 % pour les deux mêmes périodes (Trétarre et Woronoff, 2016).

Si la mortalité de ce cancer reste élevée à moyen terme, la cause première en est la difficulté à dia- gnostiquer cette maladie à un stade précoce. Ce cancer gynécologique n’autorise pas de dépistage systématique et les symptômes sont non spécifiques. Il peut s’agir de douleurs pelviennes dues à une torsion ovarienne, de troubles des règles ou de saignements chez les femmes ménopausées. Souvent, la tumeur n’est suspectée qu’à un stade avancé à la suite de l’apparition de symptômes ressemblant à ceux des maladies de l’abdomen supérieur.

Concernant les traitements, le traitement standard est la chirurgie, bien souvent étendue afin d’ôter l’ensemble des lésions identifiées. Dans certains cas, la chirurgie est initialement impossible et re- quiert une phase initiale de chimiothérapie néo-adjuvante destinée à permettre la réduction et l’ablation de la tumeur. Après la chirurgie, la majorité des patientes suit une chimiothérapie adju- vante post-opératoire dans le but d’éradiquer les atteintes résiduelles. Toutefois, pour un sous- groupe de patientes à un stade précoce de la maladie, la chimiothérapie adjuvante n’est pas utile pour améliorer le taux de survie. Plus rarement, la chirurgie est complétée par un traitement de ra- diothérapie pour les patientes ayant des tumeurs à des stades limités.

Les traitements sont par conséquent assez longs, nécessitant même parfois une seconde chirurgie dite de réévaluation. Les patientes sont donc sujettes à un temps de traitement initial assez long puisqu’en général six cures de chimiothérapie sont proposées. L’importance de ces traitements im- plique un investissement en temps important, rendant difficile la poursuite ininterrompue d’une activité professionnelle à plein temps.

La durée d’hospitalisation pour chirurgie dépend du stade précoce ou avancé de la maladie : la du- rée moyenne allant de 5 à 10 jours avec très peu de séquelles dans le premier cas et de 12 à 21 jours dans le second cas. Un effet spécifique de la chirurgie de la tumeur ovarienne est la ménopause pro- voquée par le traitement lors de l’ablation complète des ovaires. Ces troubles physiques s’accompagnent alors de troubles psychologiques. Les effets secondaires des chimiothérapies et radiothérapies sont, dans le cancer de l’ovaire, assez similaires à ceux observés dans les autres formes de cancer. Les plus fréquents par rapport à l’activité professionnelle sont d’abord la fatigue, la douleur, les nausées, les vomissements et les diarrhées, ainsi que la toxicité envers les cellules sanguines : neutropénie, anémie et thrombopénie renforçant les effets directs de la maladie en termes de fatigue.

B/ Description des résultats

Les effectifs de survivantes de la tumeur maligne de l’ovaire dans notre échantillon sont relative- ment faibles. En termes de primo-incidence enregistrée, le cancer de l’ovaire est le cinquième après le cancer du sein, de la thyroïde, de l’utérus et du côlon. Un an après la survenue de la première inscription en ALD au titre du cancer de l’ovaire, nous disposons dans notre base de 142 survi- vantes. Cinq ans après, les effectifs sont de 73. L’attrition s’explique ainsi à 52 % par une sortie de fichier due à l’apparition d’une deuxième ALD, ou à la censure liée à la date de fin de fichier ou encore au changement d’activité), à 27 % par la retraite et à 21 % par le décès.

La taille de l’échantillon n’obère cependant pas la possibilité de disposer de résultats robustes au plan économétrique pour mesurer l’effet de ce cancer sur la trajectoire professionnelle.

À court terme, un an après la survenue du cancer, la proportion de personnes en situation d’emploi stable diminue de 22,5 pp. La baisse d’emploi consécutive à cette tumeur est particulièrement mar- quée par rapport aux autres cancers. Du fait des difficultés de diagnostic précoce de la tumeur, l’intervention chirurgicale est souvent sérieuse, très large et accompagnée d’une chimiothérapie adjuvante, la combinaison thérapeutique se révélant lourde pour les activités professionnelles des patientes. Cette sortie de l’emploi stable se fait au profit de l’inactivité (+16,3 pp) et de l’emploi instable (+6,7 pp). Ce cancer implique un surcroît d’arrêts maladie de 55 pp.

Conséquences de la survenue du cancer sur les parcours professionnels : une analyse sur données médico-administratives

L’effet délétère de la tumeur de l’ovaire sur l’emploi stable s’estompe au cours du temps de façon régu- lière. Il persiste néanmoins jusqu’en t+5 avec une diminution de 4,1 pp de la proportion de personnes en emploi stable. A partir de la seconde année, l’effet de ce cancer sur l’emploi instable devient négatif et s’amplifie avec le temps, passant de -1,4 pp (t+2) à -7,2 pp (t+5). Finalement, l’effet cumulé sur l’emploi global (emplois stable et instable) reste élevé avec une diminution de 11,3 pp en t+5.

À moyen terme, la sortie de l’emploi conduit majoritairement à des situations d’inactivité durable (+12,3 pp en t+5). A contrario, peu de survivantes vont expérimenter des périodes de chômage, les- quelles sont observées uniquement deux et trois ans après la survenue du cancer dans des proportions modestes (+2,7 pp et +4,8 pp). Les situations d’arrêt maladie sont nombreuses à court terme, à l’instar des trajectoires professionnelles des survivantes du cancer du sein, du côlon ou des bronches, et tendent à diminuer rapidement puis à disparaître au cours du temps. La deuxième année, l’augmentation de la proportion de personnes en arrêt maladie atteint 26,8 pp. Les troisième et quatrième années sont caracté- risées par une augmentation plus faible, respectivement de 19,1 pp et 2,3 pp.

C/ Discussion des résultats

Les conséquences du cancer de l’ovaire sur la situation professionnelle sont peu étudiées dans la littérature. L’originalité de notre méthodologie est de mettre en évidence, même pour des cancers peu étudiés, les influences sur l’emploi, l’inactivité et les arrêts maladie. Ainsi, nous montrons combien les effets de la maladie sur l’emploi sont forts dans le court terme, mais perdurent égale- ment dans le moyen terme. Cet éloignement de l’activité ne semble pas causé par l’importance des absences maladie puisque pour les patientes ayant survécu au-delà de trois années après l’enregistrement en ALD, le nombre d’arrêts maladie n’est pratiquement plus différent de celui des femmes comparables, non atteintes par une quelconque maladie chronique. Il existe donc un stig- mate sur le marché du travail dont nos résultats montrent qu’il implique à moyen terme un passage vers l’inactivité plutôt que vers le chômage.

Il est très difficile de mettre en perspective nos résultats avec la littérature antérieure parce que celle-ci est très rare. Peu d’études spécifiques existent sur les effets du cancer de l’ovaire et la posi- tion sur le marché du travail. De plus, les rares études internationales qui traitent des patientes at- teintes d’un cancer de l’ovaire proviennent des pays de l’Europe du Nord dont les caractéristiques du marché du travail, la prise en charge publique du coût du cancer et l’étendue des indemnités liées aux arrêts maladie, sont différentes du cas français. Enfin, aucune des études considérées ne pro- pose de méthodes de différence de différences avec appariement entre femmes selon qu’elles sont atteintes ou non de ce cancer.

Gardant à l’esprit ces difficultés comparatives, nous pouvons constater que la logique de l’évidence empirique constatée ici ne contredit pas ce que l’on a pu observer à l’étranger. Aussi, deux études confirment l’effet des cancers du système reproductif féminin et de l’ovaire en particulier sur le fait d’être employé, emploi à court comme à moyen terme, après le diagnostic. Ainsi, dans une méta- analyse couvrant 36 études avec 20 366 survivants du cancer et 157 603 participants en bonne santé servant de groupe de contrôle, de Boer et al. (2009) montrent que les femmes survivantes après un cancer du sein, gastro-intestinal ou du système reproductif, avaient les probabilités les plus faibles d’être en emploi. En accord avec cette étude, nos résultats montrent l’effet délétère sur l’emploi du cancer du sein, du col de l’utérus et de l’ovaire. On notera toutefois que l’article de Taskila-Abrandt et al. (2005) qui différencie le cancer de l’ovaire des cancers du col, du corps de l’utérus et des autres organes génitaux, montre que la tumeur ovarienne a le plus faible effet négatif de ces affections sur l’emploi des femmes en Finlande. À moyen terme, l’effet à cinq ans d’un diagnostic de cancer sur la probabilité d’emploi a été estimé pour un ensemble de 3 278 personnes atteintes d’un cancer en 1999 en Norvège (Torp et al., 2012). En comparant ces personnes malades avec un groupe témoin similaire en termes de genre, d’âge, de niveau d’éducation et de statut d’emploi, les auteurs identifient que le cancer ovarien, après le cancer du poumon, du sein et du corps de l’utérus, était le moins propice à l’emploi.

Si les études concernant l’effet du cancer de l’ovaire sur les périodes de chômage et d’arrêts mala- die manquent à ce jour, les enseignements issus d’une étude sur les 40 884 individus atteints d’un cancer entre 1981 et 2000 au Danemark confirment l’influence positive du cancer en général, et de l’ovaire en particulier, sur la probabilité de quitter l’activité professionnelle au profit d’une retraite anticipée (Carlsen et al., 2008). Dans cette étude, le diagnostic d’un cancer ovarien pour les femmes participe au groupe des cancers avec taux élevé de départ à la retraite anticipé, comparable au dia- gnostic d’un cancer de la prostate pour les hommes. En effet, dans les deux cas, ces cancers sont diagnostiqués à des stades plus avancés, avec un pronostic dès lors moins bon, et sont associés à des effets secondaires des traitements assez sévères. Nous trouvons effectivement dans notre étude que le cancer de l’ovaire semble se traduire par un retrait de l’activité professionnelle au profit de l’inactivité. Or, pour les salariés français âgés du secteur privé, le choix de l’inactivité a, depuis les années 1970, été encouragé par les plans de départs en préretraite, quand bien même leurs consé- quences négatives en termes de faible taux d’emploi des 55-59 ans a conduit les gouvernements à mettre en place des mécanismes décourageant ces pratiques depuis 1993.

4.1.4. Le mélanome cutané