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Partie 1. LES EFFETS DES CANCERS SUR L’ACTIVITÉ

4. Évaluation des effets des cancers par localisation

4.2. Cancers masculins les plus prévalents

4.2.2. Le cancer du larynx

A/ Caractéristiques de la maladie

Selon les données de l’Inca, le cancer du larynx se situe en France au 17e rang des cancers tous sexes confondus, avec 3 322 nouveaux cas de cancer du larynx estimés en 2012. L’incidence est beaucoup plus élevée chez les hommes que chez les femmes (501 femmes pour 2 821 hommes). L’âge médian au diagnostic est de 64 ans pour les hommes et de 63 ans pour les femmes. L’âge médian au décès est de 66 ans chez l’homme et de 68 ans chez la femme. Le taux de survie nette à cinq ans est de 53 % (58 % chez la femme et 53 % chez l’homme). À dix ans, ce taux de survie est de 41 % (50 % chez la femme et 40 % chez l’homme). La prévalence totale est de 43 224 cas à dix ans dont 89 % d’hommes, en 2008 (Inca, 2015).

Les cancers du larynx sont liés pour une très grande majorité au tabagisme et en partie à l'alcoo- lisme (l’atteinte du vestibule pharyngé, est, dans ce cas, plus fréquente). Leur dépistage précoce se fait souvent en lien avec une dysphonie qui autorise alors un traitement conservateur. Certaines la- ryngites chroniques ou encore papillomes cornés peuvent dégénérer en cancers. Le cancer du larynx est en général un carcinome épidermoïde, très rarement une forme de sarcome, c’est-à-dire une tu- meur des tissus mous. Ce cancer peut toucher différentes parties du larynx avec des risques va- riables d’atteinte ganglionnaire et métastasique, selon que les cordes vocales sont touchées (peu de risque de métastases dans un horizon court) ou la sous-glotte par exemple (risque de métastases élevé).

Les traitements font appel à la chirurgie (notamment laryngectomie totale ou partielle) et à la radio- thérapie. Cette dernière ne traite que le larynx en cas de cancer limité à la corde vocale – il peut être le seul traitement – et traite le larynx et les aires ganglionnaires cervicales en cas d'atteinte du vesti- bule laryngé ou de la sous-glotte. Les séquelles des traitements sont celles usuelles de fatigue et de vulnérabilité aux infections, associées à la chimiothérapie (et incluent également des nausées, une perte de cheveux), à la chirurgie avec altération de l’usage des cordes vocales, sensibilité aux infec- tions, modification ou perte de sensibilité buccale (radiothérapie), perte de goût et d’odorat notam- ment. Selon les types de traitement, la perte de poids peut être marquée, notamment quand il de- vient trop douloureux de déglutir, après les traitements. Ceci accroît les difficultés de retour au tra- vail.

B/ Description des résultats

Dans notre base de données, le cancer du larynx fait partie des huit cancers les plus fréquents pour les seuls salariés masculins. Les effectifs des hommes survivants un an après la première inscription en ALD au titre du cancer du larynx et en âge de travailler sont limités : 122 individus. Cinq ans après l’entrée en ALD, il reste 58 individus vivants et actifs dans les fichiers de la Caisse nationale d’assurance maladie. On observe donc un taux d’attrition important, 52,5 %, le troisième derrière les cancers de la prostate et des bronches et poumon, comparable à ceux des cancers colorectal et du

Conséquences de la survenue du cancer sur les parcours professionnels : une analyse sur données médico-administratives

rein. Ce taux élevé est vraisemblablement dû aux conséquences importantes de la chirurgie de cette tumeur et à un pronostic de survie moyen. Plus précisément, l’attrition entre t+1 et t+5 s’explique à 60 % par une sortie de fichier (due à l’apparition d’une deuxième ALD, ou à la censure liée à la date de fin de fichier ou encore au changement d’activité), à 21 % par la retraite et à 19 % par le décès.

La première particularité du cancer du larynx est son effet très négatif sur l’emploi un an après l’entrée en ALD cancer. Ainsi, les individus atteints connaissent une diminution de leur probabilité d’occuper un emploi stable de 24,5 pp. Cela place cette affection à l’avant-dernière place des can- cers en termes de maintien dans l’emploi stable à cet horizon, le pire cancer étant celui des bronches et du poumon. En outre, cet éloignement de l’emploi stable n’est que faiblement compensé par l’entrée en emploi instable : le taux d’emploi instable n’est supérieur que de 3,6 pp pour les malades comparés aux non malades. Cela explique que lorsque l’on considère l’emploi en général, stable et instable, le cancer du larynx est de tous les cancers des hommes le moins propice à sa sauvegarde. La trajectoire professionnelle de court terme des individus malades du cancer du larynx est caracté- risée par une hausse des arrêts maladie (+54,5 pp) et une forte entrée en inactivité (+24,5 pp). A contrario, les individus malades demeurent moins fréquemment au chômage (-3,5 pp), ce qui peut signifier qu’ils abandonnent leur recherche d’emploi.

Contrairement à certaines affections comme le cancer du testicule, le cancer du larynx obère la pro- babilité de demeurer en emploi à court et moyen termes. Ainsi, l’écart de taux d’emploi stable entre les individus malades et non malades ne diminue pas au-delà d’une année : 24,5 pp au bout de deux ans, 33 pp au bout de trois ans, 31,8 pp après quatre années et 29,5 pp après cinq années. Comme l’emploi instable ne vient pas compenser cette tendance, la probabilité d’emploi en général ne cesse de diminuer jusqu’à atteindre 31,2 pp après cinq ans. Les séquelles de cette affection sont donc très prégnantes sur le marché du travail.

Les individus qui se sont éloignés de l’emploi du fait de la maladie se retrouvent plutôt en situation d’inactivité (+32 pp à un horizon de cinq ans) et moins souvent au chômage.

Enfin, le différentiel de probabilité d’être en arrêt maladie entre individus malades et non malades diminue régulièrement durant les cinq années d’observation pour tomber finalement à 5,1 pp. La difficulté du retour à l’emploi est liée à l’ensemble des séquelles qui diminuent les potentialités productives.

C/ Discussion des résultats

Les résultats de notre étude montrent clairement que le cancer du larynx, même s’il n’est pas celui dont le pronostic est le moins bon parmi les cancers des voies aéro-digestives supérieures, partage avec ceux-ci un effet de stigmatisation forte sur le marché du travail. De nombreuses études sur ces cancers ont été réalisées dans le domaine de l’évaluation de la qualité de vie des patients. Celles-ci illustrent clairement que les conséquences à court et moyen termes de ces affections sont souvent incompatibles avec un retour à une activité professionnelle antérieure sans ajustement des condi- tions d’emploi.

La revue de la littérature sur la qualité de vie des individus atteints d’un cancer des VADS, menée par Babin et al. (2008), rapporte combien ces patients souffrent de symptômes d’une part phy- siques, liés au régime et à l’alimentation modifiée par la maladie et ses traitements, aux difficultés de communication orale, à la douleur et à l’affaiblissement général de leur état de santé, et d’autre part psychologiques comme l’irritabilité, la dépression, la perte d’estime de soi, l’ensemble créant un éloignement social, des difficultés relationnelles avec la famille, les amis proches comme les relations de travail en général. Bien évidemment, les auteurs concluent que les conséquences de cet ensemble de symptômes se font sentir dans la vie professionnelle avec une perte d’emploi courante, une diminution des heures de travail et donc des rémunérations.

Toutefois, les études qui se spécialisent dans l’appréhension de la qualité de vie des malades du cancer des VADS et du larynx en particulier, ne proposent pas d’analyse statistique précise des dif-

férents statuts sur le marché du travail en général, encore moins à un horizon aussi long que cinq ans, ni en comparaison avec un groupe témoin bien identifié.

On recense ainsi un nombre limité d’études dans lesquelles les conséquences en termes d’employabilité des malades de cancer des VADS et du larynx en particulier peuvent être étudiées. La taille limitée des échantillons et l’absence de groupes témoin empêchent une comparaison di- recte avec nos résultats mais confirment la gravité des séquelles lorsqu’il s’agit d’un retour à l’emploi. L’étude de Taylor et al. (2004) interroge 384 patients atteints d’un cancer des VADS, em- ployés avant le diagnostic et âgés de plus de 18 ans, au moins trois mois après le diagnostic. Parmi ces malades, 52 % sont en incapacité de travail après le traitement. Dans une étude menée au Brésil, Vartanian et al. (2006), 301 malades ont été interrogés et cette fois le taux de travailleurs rendus inaptes au travail est de 33 %. Enfin, dans une étude plus récente (Koch et al., 2015), concernant 56 survivants touchés par un cancer des VADS au moins deux ans auparavant, le décrochage de l’emploi est encore sévère. Préalablement au diagnostic, le taux d’emploi était d’environ 75 % et tombe à 33 % à un horizon moyen dans l’échantillon de 67 mois après le diagnostic.

La littérature sur l’impact des cancers VADS et du larynx sur l’activité professionnelle est plus pré- cise concernant les types de traitement supportés par les malades. Alors que nous ne pouvons pas déterminer la gravité de la chirurgie subie, en particulier l’étendue de la laryngectomie éventuelle, les études montrent que le plus faible taux de retour à l’emploi est celui des malades ayant subi une laryngectomie partielle et, plus encore, totale. De même, le recours à une chimiothérapie importante est un déterminant important de l’incapacité d’emploi.

4.2.3. Le cancer du testicule