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3.1 La Théorie des auto-soins dans la maladie chronique

Il existe des modèles théoriques en science infirmière qui soutiennent que l'évaluation de l'adhésion pharmacologique fait partie du rôle infirmier. Par exemple, la Théorie de situation spécifique des auto-soins en IC de Riegel et Dickson (2008) stipule que les auto- soins sont une composante essentielle à une gestion efficace de cette maladie chronique. Bien que les auto-soins relèvent ultimement de la responsabilité du patient, ils demeurent complexes. Le soutien et l'accompagnement infirmier par rapport aux auto-soins s'avèrent donc primordiaux pour le patient (Riegel & Dickson, 2008). Cette théorie précise que l'adhésion au traitement fait partie des auto-soins de la personne atteinte d'IC. Il est donc légitime de croire que ces auteurs affirmeraient que l'évaluation de l'adhésion pharmacologique relève du rôle de l'infirmière assurant le suivi des patients ayant une IC.

Les bases conceptuelles de la Théorie de situation spécifique des auto-soins en IC ont servi au développement de la théorie intermédiaire Theory of Self-Care of Chronic Illness (TSCCI) (Riegel, Jaarsma, & Strömberg, 2012), en augmentant la portée de la théorie initiale. La Théorie des auto-soins dans la maladie chronique [traduction libre] est une théorie de spectre modéré ayant pour concept central l'auto-soin. Celui-ci est défini comme un processus complexe de maintien de la santé par la pratique d'actions de promotion de la santé et de la gestion de la maladie. Pour ces auteurs, l'auto-soin se décline en trois catégories de comportements, c'est-à-dire les auto-soins de maintien, le monitorage des auto-soins et la gestion des auto-soins.

La première catégorie, les auto-soins de maintien, renvoie aux comportements effectués afin d'améliorer le bien-être, de préserver la santé ou de maintenir une stabilité physique et émotionnelle (Riegel, Jaarsma, & Strömberg, 2012). Les auteurs mentionnent que l'adhésion thérapeutique, incluant l'adhésion médicamenteuse, est une composante essentielle des auto-soins de maintien. Riegel et ses collaborateurs (2012) expliquent que le

afin de négocier l'adoption du plus grand nombre de comportements de santé que le patient peut accepter et tolérer, en mettant l'accent sur les thérapies basées sur les données probantes. La TSCCI vient donc explicitement appuyer le fait que la promotion de l'adhésion pharmacologique est un rôle infirmier. Et afin d'être promue, l'adhésion pharmacologique de l'usager doit nécessairement être d'abord évaluée. La TSCCI vient donc appuyer et justifier la pertinence du phénomène à l'étude pour la discipline infirmière et correspond au modèle théorique infirmier de ce projet de recherche. Toutefois, cette théorie ne fournit pas de repères méthodologiques pour explorer le problème de recherche. Pour cette raison, le cadre théorique méthodologique de cette étude est une autre théorie, cette fois empruntée aux théories sociales cognitives, soit la Théorie du comportement planifié (TCP) (Ajzen, 1985), puisqu'elle permet d'approfondir des points d'intérêt spécifiques.

3.2 La Théorie du comportement planifié

La Théorie du comportement planifié (TCP) (Ajzen, 1985) correspond au cadre théorique méthodologique de la présente étude. La TCP est une théorie sociale cognitive qui a comme objet la prédiction de l'intention et du comportement (Gagné & Godin, 1999). Cette théorie a été développée par Ajzen en 1985, en réponse aux limites de la Théorie de l'action raisonnée (TAR) (Fishbein & Ajzen, 1975). En fait, cette dernière s'applique principalement pour les comportements régis par un contrôle volontaire (Godin, 1991). De nouvelles variables s'appliquant aux comportements régis par un contrôle volontaire partiel ont ainsi été ajoutées au modèle théorique, menant à la création de la TCP.

Lorsque l'on souhaite étudier un comportement, il est important de bien définir ce dernier, en précisant son action, son objet, le contexte et le temps (Ajzen & Fishbein, 1980). Dans le cadre de notre projet de recherche, le comportement à l'étude est celui-ci : faire l’évaluation de l’adhésion pharmacologique (action) du patient atteint d'insuffisance cardiaque (objet) lors des consultations infirmières en clinique externe (contexte) qui sont faites actuellement (temps).

Lorsqu'employée dans son intégralité, la TCP prévoit la mesure de 11 variables différentes. Cette théorie est toutefois très souple, et permet de sélectionner uniquement certaines variables précises. La TCP offre aussi l'avantage d'être ouverte à l'utilisation de construits provenant de théories différentes, ce qui était pertinent à notre étude. En fait, les variables sont choisies en fonction des objectifs de recherche poursuivis (Gagné & Godin, 1999). Par exemple, lorsque l'on aspire à comprendre les raisons pour lesquelles certaines personnes agissent d'une manière précise, il est recommandé de mesurer ces trois variables : l'attitude envers le comportement, la norme subjective et le contrôle comportemental perçu (Ajzen, 1991). Selon la TCP, ces trois variables, aussi appelées construits directs, permettent de prédire l'intention. L'intention est le degré de motivation qu'a une personne envers l'adoption d'un comportement précis. L'attitude peut être définie comme le degré auquel un individu est favorable à l'adoption du comportement. Quant à elle, la norme subjective correspond à la perception d'une personne de l'approbation ou la désapprobation des personnes ou des groupes de personnes qui sont importantes pour elle, par rapport à son adoption du comportement. Enfin, le contrôle comportemental perçu est le degré de facilité ou de difficulté qui est perçu par l'individu en lien avec l'adoption du comportement. Selon la TCP, la probabilité qu'une personne adopte un comportement est directement influencée par l'intention et le contrôle comportemental perçu. Plus l'une ou l'autre de ces variables sont élevées, plus les probabilités sont élevées que le répondant adopte le comportement.

Par ailleurs, la TCP mentionne qu'il existe trois types de croyances pouvant influencer l'intention et le comportement : les croyances comportementales, normatives et de contrôle (Ajzen, 1991). Ces trois types de croyances, appelés construits indirects, permettent de prédire les construits directs précédemment mentionnés. Premièrement, les croyances comportementales font référence aux conséquences anticipées, telles que les avantages et les inconvénients, de l'adoption un comportement. Elles permettent de prédire l'attitude. Deuxièmement, les croyances normatives aident à identifier les référents sociaux positifs et négatifs perçus par le sujet envers l'adoption du comportement, c'est-à-dire les personnes qui, selon lui, l'approuveraient ou non. Ces croyances soutiennent la prédiction de la norme subjective. Enfin, les croyances de contrôle prédisent le contrôle comportemental perçu. Elles

correspondent aux facteurs facilitants et aux barrières qui, respectivement, facilitent ou qui nuisent à la pratique du comportement.

La TCP a été sélectionnée comme cadre théorique pour cette étude, puisqu'elle a été reconnue comme étant performante dans la compréhension et la prédiction d'un comportement, entre autres en ce qui a trait aux comportements cliniques des professionnels de la santé (Godin, Bélanger-Gravel, Eccles, & Grimshaw, 2008). Plus spécifiquement, les théories sociales-cognitives sont notamment performantes auprès des infirmières lorsqu'il s'agit de prédire l'intention (Godin et al., 2008). De plus, dans leur revue systématique, Godin et al. (2008) montrent que la TCP est la théorie sociale-cognitive la plus utilisée comme modèle théorique dans les études s'intéressant aux comportements de santé. Pour ces raisons, la TCP a donc été choisie comme le modèle théorique de notre projet de recherche.

Somme toute, la recension des écrits effectuée a permis de constater que l'adhésion pharmacologique, bien que difficile, est fondamentale pour le maintien de la stabilité de l'IC des personnes atteintes. De plus, la TSCCI supporte la contribution essentielle de l'infirmière dans l'évaluation de l'adhésion thérapeutique. Pourtant, il existe très peu de données attestant que ce comportement d'évaluation est réellement effectué par les infirmières des cliniques ambulatoires d'IC. Ainsi, basées sur un modèle théorique méthodologique, soit la TCP, qui vise à expliquer les comportements liés à la santé et/ou les comportements des professionnels de la santé, les questions qui ont guidé cette recherche sont mentionnées ci-dessous.

Par rapport à la pratique infirmière actuelle :

• Comment l'infirmière évalue-t-elle l'adhésion pharmacologique chez le patient souffrant d'IC lors de ses visites en clinique externe ?

• À quel(s) moment(s) ou dans quel(s) contexte(s) l'infirmière évalue-t-elle l'adhésion pharmacologique des personnes ayant une IC lors de ses rencontres en clinique externe ?

• Quels sont les facteurs facilitants et les obstacles associés à l’évaluation de l'adhésion pharmacologique du patient atteint d'IC par l’infirmière lors du suivi de cette clientèle en clinique externe ?

• Quels sont les référents sociaux qui incitent ou qui démotivent l’infirmière à procéder à l’évaluation de l'adhésion pharmacologique du patient ayant une IC lors de ses visites en clinique externe ?

• Comment l’infirmière qualifie-t-elle sa responsabilité de prendre en charge l’évaluation de l’adhésion pharmacologique chez le patient souffrant d'IC lors de ses visites en clinique externe ?

Ces questions de recherche ont mené à la formulation de l'objectif de recherche de cette étude, présenté dans le chapitre suivant.

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