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CADRE THEORIQUE

3.4 LE CADRE THEORIQUE SEMIO-LOGIQUE : « L’ACTIVITE – SIGNE »

Les concepts d’enaction et de conscience pré-réflexive sont décrits par un ensemble d’hypothèses constituant un cadre théorique dit « sémio-logique » ou « théorie du sens », issu des travaux de Peirce sur la sémiotique (1978) et l’étude des processus de significations. Celui-ci postule que l’être humain, dans l’interaction avec son environnement, se construit un monde propre à lui, à partir des éléments qu’il considère comme pertinents et significatifs (Varela, 1989). L’activité est une construction incessante de significations. Elle s’inscrit dans le monde tel un flux dynamique. Ouverte à ses deux extrémités elle se construit des significations, continuellement, par l’héritage des activités passées et s’ouvre vers un futur (encore) indéterminé. En ce sens, Peirce considère l’acteur comme un être qui « agit et pense par signe » (Peirce, 1978) :

Proposé par Peirce (1931-1935) puis adapté par Theureau (2006), la théorie sémio-logique postule l’enchâssement, la concaténation des significations de l’expérience.

Theureau (2006) propose de décomposer ces significations en six composantes de sens.

Ces composantes « émergent de l’articulation dynamique de plusieurs éléments qui en restituent la signification locale, c’est-à-dire un signe dit hexadique » (Durand &

Veyrunes, 2005, p. 10).

« Ces signes sont des outils ou médiateurs sémiotiques qui contribuent à la structuration de l’activité, à son ancrage culturel et sa transmission, et à l’articulation collective des activités individuelles » (Durand, 2008, p. 103).

Le signe hexadique s’inscrit dans trois registres qui s’entremêlent : le possible, l’actuel et le virtuel (Azéma, 2015 ; Pierce, 1978). Les trois premières unités (notées E, A, S) du signe hexadique constitue la priméité, c’est-à-dire l’ensemble de possibles face auxquels se trouve l’acteur dans le cours de son action passée et présente. Les deux unités suivantes (notées R et U) constituent la secondéité de l’activité ; autrement dit, elles font référence à l’actuel, à ce qui se passe

« maintenant et ici ». Finalement, la sixième composante du signe hexadique (notée I) constitue la tiercéité, le virtuel. Elle renvoie aux normes, aux lois, aux règles qui vont au-delà de l’activité et de la situation actuelle.

Figure 1.7 : Schéma du signe hexadique

(d’après Theureau, 2006, p. 288 cité par Azéma, 2015, p. 161)

Chaque composante de ce signe hexadique se construit au travers des composantes qui la précèdent. Le possible, l’actuel et le virtuel s’entremêlent au sein de l’activité. Les différentes composantes de ces trois registres sont porteuses de significations diverses en fonction de l’individu, son monde propre, son activité, et son interaction au sein du couplage structurel.

La priméité se compose de trois unités significatives :

L’engagement (E) fait référence aux préoccupations et/ou intérêts de l’acteur en fonction de son activité passée. Il s’agit de possibles indéterminés et hérités de l’histoire passée de l’acteur qui s’ouvre ou se ferme au regard de l’activité située et son couplage structurel.

L’actualité potentielle (A) correspond à la structure d’anticipation, aux attentes potentielles de l’acteur. Elle est une prolongation des préoccupations mises en évidence par le « E » et traduit la possibilité d’une préparation/anticipation de l’acteur sur son activité. En ce sens, l’actualité potentielle se situe entre les éléments de l’instant passé et les potentialités de l’activité immédiatement future.

Le référentiel (S) comprend l’ensemble des savoirs, relations de savoirs, normes et principes constituant la culture propre à l’acteur. Ceci regroupe un ensemble d’actions possibles, en attente de réalisation, issues de l’expérience et l’histoire passée de l’acteur dans la dynamique du couplage structurel.

La secondéité se compose de deux unités significatives :

Le représentamen (R) est ce qui « fait signe » pour l’acteur à un moment déterminé. Il s’agit d’un fait émergeant de la situation vécue par l’acteur et de son expérience. Il se constitue dans la conscience préréflexive de l’acteur de façon perceptive, mnémonique ou proprioceptive (Flandin, 2015). Le représentamen montre l’actualisation d’attentes précédemment référencées par E, A ou S. Cette composante renseigne la recherche sur la dynamique d’actualisation des attentes et/ou possibles et leurs structures au sein du cours d’action. On la note eR, aR et sR.

L’unité élémentaire (U) est l’action en jeu dans la situation. Il s’agit de la plus petite unité de l’activité. Tel que formulé par Flandin (2015), elle est « à la fois la résultante des autres composantes du signe et l’expression synthétique de l’activité en cours. En modifiant l’environnement, elle modifie l’ensemble des possibles déjà actualisés par le representamen. Elle peut être une action pratique, une communication, un sentiment, une focalisation ou une interprétation » (Flandin, 2015, p. 76 ; Theureau, 2004/2006).

La tiercéité se compose de la sixième et dernière unité significative :

L’interprétant (I) est l’articulation entre les éléments issus du passé et du présent.

C’est également « le repérage de régularités, l’évaluation normative, et donc l’apprentissage » (Flandin 2015). Il est un processus de stabilisation des connaissances provenant de l’action et une production continue de réseau entre éléments du passé et du présent.

Composantes du Signe Hexadique

E Engagement Constitue un faisceau de préoccupations passées qui ont encore cours dans la situation et délimite ainsi un champs des possibles signifiants pour l’acteur à un moment donné

quelles sont les préoccupations de l’acteur ?

A Actualité potentielle Ce composant s’identifie également sous le terme d’attentes. Il correspond aux anticipations que l’acteur peut effectuer dans l’action au regard de

S Référentiel de l’acteur Il constitue l’ensemble restreint de connaissances réutilisables par l’acteur dans la situation. Il est le produit des expériences similaires vécues par l’acteur peut constituer une action, une communication, une pensée ou un sentiment Tableau 1.1 : Les composantes du signe

Cette notion d’activité en tant que « signe » et les six unités qui la composent rendent compte de la construction locale du cours d’action d’un individu à un instant (t). Elle permet la mise en évidence de structures « significatives », enchâssées et/ou enchaînées et renseigne sur une construction plus globale de l’activité (Leblanc & Roublot, 2007). En effet, elle articule en même temps une description fine d’une unité de l’activité et renseigne sur la dynamique globale du cours de l’action lorsque ces descriptions sont réitérées et multipliées.