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Afin de développer ce modèle, une méthodologie double a été mise en place. Elle a été réalisée notamment à la faveur de deux séjours scientifiques effectués en Suisse. Ils ont été possibles grâce au concours d’institutions académiques et de recherche comme le Centre International d’Études du Sport (CIES), le Centre d’Études Olympiques (CEO) et l’Université de Lausanne (UNIL), mais aussi des instances sportives tel que le Comité International Olympique (CIO) et la Fédération Internationale de Volley-Ball (FIVB).

Le versant qualitatif s’appuie d’abord sur la constitution et l’appropriation de la littérature existante sur le sujet, puis allant au-devant d’experts et d’acteurs institutionnels dans le cadre de 7 entretiens semi-directifs. Les retranscriptions complètes de ceux-ci se trouvent en annexe.

Tableau 4: Liste des 7 entretiens semi-directifs réalisés

Ces entretiens ont été l’occasion d’aborder aussi bien de la gouvernance que des stratégies des différentes parties prenantes de l’écosystème sportif autour de la nationalité. Multiples entrées ont été saisies pour ce faire, selon le guide d’entretiens générique suivant, adapté aux positions/spécificités de chaque personne ressource.

L’histoire politique (Pr. Clastres) de cette question dans le sport notamment pour en retracer l’évolution. Le droit (Dr. Hafner et Dr. Sabah), afin de délimiter les contours juridiques de la nationalité dans le sport. Cela nous a également servi pour relever les enjeux juridiques qui sous-tendent son évolution notamment dans la confrontation entre l’ordre étatique et l’ordre juridique. Enfin, l’économie (Dr. Poli et Dr. Ravenel) et la gestion (Dr. Chamerois et Pr. Chappelet) en cela qu’ils nous ont permis de revenir sur le(s) marché(s) dont la nationalité est la variable dans le sport ainsi que la régulation dont elle peut faire l’objet.

Le versant quantitatif développe deux études de cas : football et rugby.

Le football est la première industrie mondiale du sport spectacle. Il ne peut être ignoré dans ses relations avec la nationalité. Comme l’a rendu possible l’arrêt Bosman dès 1995, c’est dans ce sport que la mobilité humaine des travailleurs est la plus forte. Il a également été le terrain des premières tentatives de régulations des flux d’étranger dans les équipes (règles du 6+5, dispositif « home ground players »). Notre intérêt s’y rapporte sur deux terrains. Celui des équipes nationales et celui des clubs. S’agissant du premier, une base de données de 10.137 joueurs a été établie grâce au site « soccerway.com » (partenaire du CIES) afin de relever la présence de ceux nés à l’étranger dans les équipes nationales participantes à toutes les éditions de Coupe du monde [1930 – 2018]. L’objectif est de savoir si globalisation faisant, la composition des équipes nationales a été modifiée et par extension leur définition aussi.

Concernant les clubs, notre objectif était de réunir –grâce aux données mis à notre disposition par le CIES– l’évolution des dynamiques de transferts des joueurs. La question était de savoir si la globalisation a donné au football la possibilité de créer sa propre carte ou bien si des réseaux traditionnellement bien définis sur le plan politique et culturel subsistaient. Enfin, des données portant sur les joueurs formés localement en Europe, leur nombre et leur temps de jeu, ont également été recueillies. Ceci dans le but de vérifier la traduction sur le terrain de ce dispositif imaginé par l’UEFA en 2006 comme une réponse indirecte à l’arrêt Bosman survenu une décennie plutôt.

Le rugby a été retenu comme étude de cas car c’est un sport ayant choisi de faire fi de la nationalité étatique comme critère d’éligibilité en équipe nationale. Une analyse juridique a d’abord été effectuée à propos de son modèle. Ensuite, une base de données relative à la Coupe du monde 2019 a été créée pour mettre en perspective la présence de joueurs nés à l’étranger dans les effectifs participants, leur apport quantitatif (temps de jeu) et qualitatif (nombre de

points marqués) ainsi que leur impact existant ou non sur l’équilibre compétitif du tournoi en question.

Structure de la thèse : deux parties, de la gouvernance aux stratégies

La question principielle de cette thèse portant sur le devenir des États-nation à l’ère de la globalisation, l’unité de mesure ici déployée pour y répondre est la nationalité. Ce concept, objectivable et mesurable a été préféré à celui d’identité qui, subjectif et abstrait, relève du champ du sentiment. La nationalité appliquée au sport permet une double lecture. Celle-ci fera l’objet de deux parties.

La première partie se saisira de la portée de la nationalité sur l’aspect symbolique du sport, de par sa gouvernance, pour comprendre à ce sujet le comportement de différents acteurs institutionnels tels que le mouvement sportif, les États et la communauté européenne.

Le chapitre 2 revient sur l’aspect politique du sport et son évolution, grâce à la mondialisation,

de ciment servant d’outil de nation building en interne à un moyen rayonnement international –nation branding– à l’externe. Le chapitre 3 s’intéresse à l’évolution du mouvement sportif – aujourd’hui globalisé– et son passage d’un système administratif à 5 parties prenantes à un système total intégrant plus de 24 acteurs. Le chapitre 4 est d’essence juridique. Il affrontera le premier et le deuxième en cela qu’il se fixe comme objectif de dresser la généalogie d’arrêts décisifs à la croisée de l’ordre juridique public (étatique ou communautaire) et celui privé sportif. L’on y établira alors que la principale pomme de concorde entre ces deux ordres est la nationalité. Ce constat étant établi, il sera par la suite question de vérifier l’importance de cette question sur le terrain.

La deuxième partie s’intéressera donc à des considérations plus matérielles. En ce sens, elle abordera les stratégies des équipes nationales (chapitre 5) et celles des clubs

(chapitre 6) vis-à-vis des joueurs concernant leur nationalités. Les deux études de cas du

football et du rugby seront ainsi mobilisées, chiffres à l’appui. Le principal résultat par lequel on sortira est : bien qu’incontestable, la globalisation du sport n’en a pas (encore ?) complètement redéfini les fondations. À ce titre, des marchés relatifs à la nationalité existent. Celui concernant les équipes nationales est souvent très commentée dans les médias mais sa réalité numérique n’en fait pas un phénomène. Celui concernant les clubs attestent de l’élargissement d’un marché des transferts qui, s’il semble désormais se défier de raisonnabilité financière, reste tout de mêmes régis par des réseaux géographiques historiques répondant à des logiques politiques et culturelles.

Enfin, dans le chapitre conclusif 7, une lecture prospective dans ce qui serait demain la relation sport-nationalité sera fournie, renforcée par une proposition originale de règlement soutenant la mise en place d’une nationalité sportive autonome et universelle.