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d'après l'imposition sur les hotelleries de

B) Un cadre matériel révélateur

Le cadre matériel décrit au sein des procédures va ainsi permettre de distinguer plus amplement ce qui peut constituer un cabaret, une auberge, ou un simple débit de vin.

En premier lieu il convient donc de distinguer l’auberge et le cabaret, offrant restauration, logis et hébergement le plus souvent, du simple débit, dont tout un chacun peut être le tenancier, pour peu de posséder du vin.

En quoi une auberge (ou une hôtellerie, ou un logis comme nous l’avons vu) va-t-elle se différencier du simple cabaret ?

Peut être par la nature de leurs clients ? Pour les dictionnaires de l’époque, et aussi l’Encyclopédie, l’auberge accueille les étrangers, les passants, les voyageurs. Elle seule possède des écuries permettant aux chevaux de trouver litière, eau, nourriture, comme le cavalier trouve lit, alimentation et vin139.

Les procédures nous donnent ainsi beaucoup d’exemples à propos des auberges et des infrastructures pour les voyageurs qu’elles accueillent. On peut citer l’exemple de Claude Sambain, voleur dont nous reparlerons par la suite, pris sur le fait dans les écuries de l’auberge de laditte Besson au « Fouchour » :

« […]lorsqu’il sortit de lécurie de laditte Besson, vers le point du jour, il fut vu par trois ou quatres personnes qui étoient dans l’écurie et l’une desquelles étoit occupé a couper du bois et que les autres etoient aux écuries a panser leurs mules et qu’il souhaita le bonjour auxdit hommes […] 140»

L’écurie de l’auberge est donc ici exposée en détail, montrant même l’activité dont elle était le cadre, domestiques ou marchands prenant soin des mules par exemple. D’autres cas sont également décrits, comme celui d’un soldat, dérobant du savon dans l’écurie du sieur Girard, aubergiste :

« […]Interrogé ou il a pris le savon qu’il a vendu au nommé antoine machenau[…]

139 Roche (Daniel), La ville …, op.cit., p.293. 140

Repond qu’ayant vu qu’un muletier cacha dans l’écurie de laditte maison cinq morceaux de savon dans le fumier, il laissa sortir ledit mulletier et prit ensuite ledit savon qu’il vendit […]141 »

L'écurie permettait ainsi aux muletiers et aux autres clients de stocker leurs marchandises, et le cas échéant, de les cacher comme dans le cas présent. Autre spécificité de l’auberge, l’hébergement, même si de nombreux cabaretiers proposaient également ce service. Une aubergiste témoigne à propos d’une affaire de vol :

« […]Demoiselle barbie chenel veuve de sieur antoine douine aubergiste […] agée d’environ quarante quatre ans […]

Depose moyennant son dit serment que le vendredy vingt deuxième du mois il arriva dans son auberge pour la couchée, une voiture a quatres places remplis par quatres étrangers auxquel il fut donné une chambre […] en son auberge ou ils soupèrent le même soir quatres autres voyageurs […] le vingt troisième du mois ledit sieur Rousseau descendit dans la cuisine de la déposante et luy dit qu’on luy avoit volé sa bource pendant la nuit[…] De la chambre ou il y avoit couché s’était trouvé ouverte[…] 142»

Les clients logent tous ici dans la même chambre. Mais comment ces dernières se présentaient-elles ? Daniel Roche nous donne plus de précisions : « […]Les déclarations de

vols confirment l’existence de vraies chambrées, à quatre ou cinq, […] un mobilier réduit a un lit ; un clou, une corde pour accrocher ses vêtements, une planche ou, pour les mieux lotis, un coffre de bois fermant a clef et caché sous la couchette ; une chaise, une table, sont du luxe.[…143] ».

L’ auberge, et le cabaret également, proposaient aussi un service de restauration et d’hébergement. Les trois principaux « pôles » étaient la cuisine, les salles et les chambres144. Au XVIIIème siècle, la moitié des établissements ont moins de 10 pièces. La cuisine n’est pas toujours séparée de la salle où le tenancier reçoit ses hôtes, elle est parfois ouverte sur la rue et sert de lieu de préparation des repas en même temps que salle de réception et de

141 ADI 2B 4667, interrogatoire

142 ADI 2B 3700, déposition de Barbie Chenel. 143 ADI 2B 3700, déposition de Barbie Chenel. 144

consommation145 . On trouve parfois une salle à manger, placée au rez-de-chaussée à la suite de la cuisine, elle est le plus souvent garnie de tables, de tréteaux, de bancs, de chaises, ou de tabourets. Les affaires que nous étudions nous présentent quelques exemples de scènes se déroulant en ces lieux et nous éclairent également sur le mobilier présent. En témoigne une procédure de 1729, pour rixe, prenant pour cadre un cabaret de Lemps , la déposition d’un témoin décrit l’arrivée dans le lieu de clients:

« […]Et y estant entrés ils demandèrent du vin, et la servante dudit andré prudhomme leur apporta une bouteille qu’elle mit sur une table, et a l’instant le défunt Serpinet demanda une nappe […]146 »

On relève, tables, nappes, et probablement chaises ou bancs pour s’assoir. Une autre procédure 147pour vol nous signifie également la présence de « vaisselle en étain » et de « serviette ». Le témoin ne sera néanmoins pas bavard en ce qui concerne l’aménagement intérieur des cuisines et des salles à manger, ce qui ne permet pas vraiment d’apporter d’éléments supplémentaires quant à la spécificité des auberges et des cabarets sur ce point, les deux établissements étant considérés comme plus ou moins semblables par les autorités, les magistrats qualifiant dans la même procédure une boutique de cabaret, puis d’auberge ou de logis.

Difficile également de discerner le café et ses attributions. Bien que présent dans nos sources, il n’est que cité et son cadre ne semble pas vraiment différent du cabaret. Il s’agit souvent d’un lieu urbain et propice au jeu, nombre des affaires le citant impliquant ce type de délit et de cadre. En témoigne un procès pour perte d’argent volé au jeu, à Gap , où l’accusé cite un café:

« […]L’accusé dit qu’il est faux qu’il ait vollé Bonnardel, et que s’il a perdu trente six livres ou environ au caffé des suisses en pièces de douze et de six sols, c’est qu’il les avoit gaignés au-delà quelques jours auparavant […] 148»

Difficile d’en savoir plus sur le café, de même que sur l’auberge ou le cabaret, nos sources ne nous permettant pas de percer leur nature avec des détails matériels. C’est dans des

145 Ibid., p.337.

146 ADI 2B 3146, 1729, interrogatoire de François Sappe. 147 ADI 2B 4121, 19 aout 1735.

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scènes de la vie quotidienne décrites au sein des procédures que les estaminets Dauphinois vont pour nous trouver leur identité propre et exposer par-là leurs mœurs spécifiques, comme nous allons le voir dans un troisième chapitre.

CHAPITRE III : A l’intérieur des