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Aux origines de la perte identitaire

I.3. Buback et Morava : trajectoires opposées trajectoires opposées

Les deux personnages principaux du roman sont deux inspecteurs qui vont tout d'abord être chargés d'enquêter sur le meurtre barbare d'Elisabeth von Pommeren224. Avant leur rencontre, le narrateur les met en scène dans leur quotidien et nous donne à apercevoir une partie de leur personnalité.

Après le chapitre d'exposition mentionné ci-dessus, le lecteur fait la connaissance d’Erwin Buback alors que celui-ci est dans son bureau, au sein de la Gestapo de Prague. Il s'interroge : « Est-ce le tonnerre ? […] En février ? L'explosion eut lieu avant qu'il soit parvenu à sa conclusion. Il comprit qu'une bombe était tombée tout près de là. »225 L'étonnement de Buback montre que les bombardements alliés viennent tout juste d'atteindre Prague et ce qui constituait alors le Troisième Reich226. Nous apprenons ici que Buback travaille en tant qu' « agent de liaison du service de la police judiciaire du Reich ». De fait, s'il est chargé d'enquêter sur le meurtre de la baronne, c'est non seulement parce que la victime est de nationalité allemande mais aussi dans le but de s'infiltrer dans le service de police pragois afin de rapporter une quelconque tentative d'insurrection de la part des Tchèques. Le contexte historique est donc tendu, la fin du conflit est proche et comme nous l'avons mentionné plus haut, les Tchèques reprennent confiance en eux et semblent oser réaffirmer leur identité face à l'occupant nazi. Signe que la fin de la guerre ne saurait tarder, Buback se souvient de sa mission, l'année précédente à Anvers, où « l'on brûlait les dossiers dans la

224 Ibid, p. 36 : L'inspecteur Morava fait à son supérieur le rapport suivant :

«a. le meurtrier lui a collé non seulement la bouche mais aussi le vagin avec plusieurs bandes de ruban adhésif qu'on utilise en ce moment pour protéger les fenêtres contre les ondes de choc. [ …]

d. le meurtrier a séparé les deux seins de la cage thoracique et les a posés à côté de la victime sur un plateau ovale qu'il a pris dans un vaisselier vitré.

e. Le criminel a éventré la victime de la poitrine au vagin, a sorti tout l'intestin grêle, l'a roulé avec adresse en pelote et l'a mis dans une soupière ;

et enfin g. [...] Ses yeux écarquillés, poursuivit Morava en fermant bruyamment son carnet, nous ont cependant amenés à une conclusion identique : la mort n'a malheureusement pas été immédiate. »

225 Ibid. p. 14.

226 Hubert, Michel, « La population allemande : ruptures et continuités. », in : Allemagne 1945-1961, de la

« catastrophe » à la construction du mur, volume 1/3, Cahn, Jean-Paul, Pfeil, Ulrich (éds), Villeneuve d'Ascq,

Presses universitaires du Septentrion, France, 2008, p. 75 : « C'est au printemps 1942 que le pays commence à subir des bombardements systématiques essentiellement dirigés contre le bassin rhéno-westphalien, cœur industriel du Reich, et contre les grandes villes, dont bien sûr la capitale. » Si les bombardements touchent le cœur de l'Allemagne à partir de 1942, il n'en va pas de même en Tchécoslovaquie et dans le Protectorat, région appelée « Luftschutzkeller des Reichs » (soit « abri anti-aérien du Reich ») en raison du nombre important d'enfants venus y trouver refuge dans les années 1943 et 1944. Cf. Zimmermann, Völker, « Der Reichsgau Sudetenland im letzen Kriegsjahr. », in: Brandes, Detlef, Erzwungene Trennung, op. cit., p. 56.

cours avant la retraite.»227 C'est à ce moment précis que l'inspecteur avait appris que sa femme Hilde et sa fille unique Heidi étaient mortes dans un bombardement en Allemagne228. Depuis la perte de sa famille, l'inspecteur Buback est un homme seul et mélancolique. Lorsque son aide de camp vient lui annoncer que la bombe a bien détruit quelques maisons mais a manqué le musée national tchèque de quelques mètres, il pense : « quelques mètres de plus […] et j'aurais été les rejoindre. »229 Cet homme nous apparaît alors comme un personnage désillusionné. Dans ce chapitre ayant pour objectif de présenter le premier des deux personnages principaux au lecteur, il n'est nulle part présenté comme un nazi convaincu ou un SS mais tout simplement comme un homme travaillant pour la Gestapo, seul au moment du bombardement sur Prague et plongé dans le passé en contemplant la photographie de Hilde et Heidi.

Le chapitre suivant introduit le personnage de Jan Morava. Inutile de préciser qu'il vient de Moravie, le personnage porte ses origines dans son nom de famille. Si Buback ne mentionne à aucun moment son sentiment à l'égard du conflit international (est-il un national-socialiste convaincu ? Fait-il partie de la catégorie de ceux que l'on appelle les « Mitläufer »230 ou cherche-t-il tout simplement à survivre au conflit en se faisant le plus discret possible?), Morava fait tout de suite office de défenseur de son pays et parle du « traumatisme de la capitulation » de Munich231. Les deux mots qu'il emploie ici nous ramènent au sentiment de trahison et d'abandon de la population tchèque lorsqu'en 1938 sont signés les accords de Munich, livrant les Sudètes et régions frontalières entre la Tchécoslovaquie et le Troisième Reich aux mains d'Hitler. Les pensées de Morava nous permettent également de dater pour la première fois le récit. Nous sommes donc en 1945. D'autre part, le personnage parle d'un réveil de la ville, ce qui confirme l'idée en creux depuis le début du roman, à savoir que les forces tchèques en présence sont prêtes à défendre à nouveau leur pays et leur honneur. Il n'est donc pas fortuit que les autorités allemandes, tout comme Elisabeth von Pommeren, pensent avoir affaire à un meurtrier tchèque choisissant pour victimes des femmes allemandes, dans l'idée de se venger des atrocités du régime national-socialiste. Sont mis en parallèle ici les bombardements de Dresde et de Prague, ce qui nous permet de situer encore plus précisément dans le temps l'action du récit. Face au

227 HM, p. 16.

228 Ibid, p. 16 « À son grand soulagement, après avoir quitté Dresde et ses menaces, Hilde et Heidi s'étaient installées l'année précédente dans un village de Franconie entouré de remparts datant du Moyen Âge pour faire la classe à des orphelins. [ …] Hilde et Heidi avaient été les seules victimes d'une bombe égarée [...] »

229 Ibid, p. 17.

230 Difficile à traduire en français, un « Mitläufer » est une personne qui aurait suivi le régime, sans y prendre part activement du point de vue politique, la traduction « suiveur » est la plus utilisée.

231 Ibid. p. 18 : « Morava ne reconnaissait plus Prague. Il lui semblait que la ville se réveillait six ans après le traumatisme de la capitulation de Munich »

bombardement et à la panique de la foule autour de lui, Morava garde son sang-froid et pense plutôt que la ville est victime d'une erreur de pilotage des Alliés devant la ressemblance entre les deux villes.232

Ce courage et ce sang-froid apparent de Morava sont ensuite contredits par son hésitation et sa timidité lorsqu'il s'agit d'aborder une jeune femme du nom de Jitka. Alors qu'il était resté parfaitement calme lors du bombardement, le voici obligé de prendre « son courage à deux mains »233. Le jeune homme se doit même de « refaire fonctionner son cerveau »234 lorsqu'il reçoit l'appel du préfet de police lui demandant de se rendre sur les lieux du crime.

Le portrait qui nous est fait de l'inspecteur Jan Morava est un portrait plus nuancé que celui de l'agent Buback, puisque le narrateur nous donne à voir deux facettes d'un même homme : celui qui ne perd pas espoir face à la fin du conflit, faisant preuve de sang-froid là où d'autres paniquent235 et le jeune homme timide, impressionné par une jeune femme qu'il aimerait séduire. Là où les sentiments de Buback semblent éteints, voire morts avec la disparition de se famille236, ceux de Morava naissent et prendront de l'ampleur au fil du récit. Nous sommes face à deux hommes que tout semble opposer en plus de leur nationalité respective. Buback est plus âgé et à une longue carrière derrière lui, Morava débute et dans sa carrière et dans ce que nous pouvons appeler ici son éducation sentimentale.

I.4. La rencontre

C'est donc sur la scène du premier crime du roman que Morava et Buback vont se rencontrer pour la première fois. C'est aussi au cours de cette scène que vont se manifester les premiers nationalismes. Les deux personnages vont être mis en parallèle et en contradiction tout au long de ce court chapitre. La scène est vécue à travers la perspective de Morava qui voit les Allemands tels des « géants » et considère celui qui prend la parole comme suit : « On

232 Ibid. p. 18 : « […] il ne croyait pas qu'à la fin de la guerre les Alliés réduiraient en ruines la capitale d'un pays occupé dont ils avaient reconnu l'indépendance. […] A la Direction de la police, on pensait que tout ceci résultait d'une erreur tragique commise par un navigateur trompé par la ressemblance entre les deux villes. »

233 Ibid. p. 20.

234 Ibid. p. 21 : « Le cerveau de Morava se remit à fonctionner. Il se risqua à faire une objection ? « Mais la Gestapo s'occupe elle-même des affaires qui concernent les Allemands, monsieur le Pré... »

235 Ibid. p. 21-22 : Lorsqu'il arrive sur la scène du crime, Morava ne se montre aucunement choqué par les victimes de l'explosion : « Avec le temps, il s'était habitué à voir des cadavres. Il les considérait comme s'il s'agissait de mannequins d'un genre particulier » ; « il fit surtout attention à ne pas abîmer ses chaussures en ersatz de cuir et évita les flaques près des bouches d'incendie. ». Ces deux remarques sont entrecoupées par son incertitude quant aux sentiments de Jitka, p.22: « Morava renvoya le chef du garage tout en se demandant s'il n'irait pas chercher une récompense auprès de Jitka. »

236 Ibid. p. 16 : « Buback posa ensuite la photo sur d'autres bureaux, mais il en émanait un froid sépulcral. Elle n'éveillait rien en lui, pas même de l'affliction. »

lisait sur son visage qu'il avait un grade élevé dans la SS. »237 En considérant les Allemands comme des « géants », Morava semble se positionne inconsciemment en dessous d'eux, leur laissant le rôle qu'ils occupaient de facto depuis 1938, celui de dirigeants totalitaires. Tous les Allemands présents sont pour lui des « hommes »238 alors que lui-même s'efforce de ne pas être considéré comme un « bleu »239. On apprend ici que Morava ne supporte pas les manifestations de supériorité ; comme lorsque les Allemands élèvent la voix par exemple ; un traumatisme qu'il tient de son enfance, lorsque son père, qui avait lui-même pour habitude de parler très fort, le considérait comme « un trouillard »240. Devant les officiers allemands, Morava souffre d'un mélange de peur et de mépris. Peur de l'occupant capable des pires atrocités et mépris envers ceux qui vont finalement perdre le conflit. Afin de reprendre pied, le jeune inspecteur adjoint s'imagine l'Allemand dévêtu et sa peur s'envole : « Il avait devant lui un porc à l'engrais qui ne lui faisait pas peur. »241 Non seulement Morava fait part de son mépris envers cet Allemand en particulier mais ce faisant, il scinde le monde en deux : d'un côté les Allemands, les nationaux-socialistes qui ont plongé la Tchécoslovaquie, et par extension l'Europe, dans le chaos, assimilés ici à des animaux, à des êtres vivants certes mais incapables de sentiments sinon des plus vils ; de l'autre, Morava, représentant des valeurs tchèques, discret, travailleur et appliqué, en proie à des sentiments naissants pour la jeune Jitka. Entre ces hommes cependant, un seul se distingue, il s'agit de Buback, décrit de la manière suivante : « Mince, d'âge moyen, les tempes déjà grises, il avait plus d'allure que tous les autres. Son comportement et le ton de sa voix le distinguaient nettement d'eux »242. En différenciant ce personnage des autres, l'auteur plus que le narrateur ici nous signale qu'il ne cède pas au manichéisme. Tous les Allemands ne sont pas des « porc à l'engrais », tous les Tchèques ne sont pas aussi innocents que Morava l'est ici. La nuance est de taille puisqu'il ne s'agit pas ici de réécrire l'Histoire au profit de l'un des deux peuples.

Les avis divergent pourtant lorsqu'il s'agit d'analyser la personnalité du tueur et c'est à ce moment que les nationalismes font leur apparition. Les Allemands pensent qu'il s'agit d'un tueur tchèque, se fondant sur le témoignage du concierge et annoncent laconiquement : « Mais le meurtrier est Tchèque. Le concierge l'a vu. ». En creux ressortent ici les théories

237 Ibid. p. 27.

238 Ibid. p. 28 : « L'homme en qui il voyait le spécialiste des affaires criminelles », « l'homme trapu », « l'homme modéré »

239 Ibid. p. 26 : « Pour ne pas passer pour un bleu aux yeux des Allemands, l'inspecteur adjoint Morava mobilisa toutes les ressources de son esprit, comme au début de sa carrière. »

240

Ibid. p. 27.

241 Ibid. p. 28 : « A l'époque où Morava souffrait encore lorsqu'on hurlait devant lui, il essayait toujours de se représenter l'individu en train de hurler sans vêtements. Cela marcha cette fois encore. Il avait devant lui un porc à l'engrais qui ne lui faisait plus peur. »

raciales du Troisième Reich : en quoi était-il tchèque ? Tchèques et Allemands, peuples frontaliers, étaient-ils si différents afin que l'on puisse constater d'un simple regard tel est allemand, tel non, celui-ci porte en lui les deux nationalités ? Cette réflexion se heurte au raisonnement de Morava et blesse son orgueil puisqu'il pense : « Il avait instinctivement pensé qu'il s'agissait d'un réfugié allemand ou d'un déserteur qui avait cherché à extorquer par la torture de l'argent et des bijoux à sa compatriote. Une telle boucherie était impensable dans ce pays. »243 Son instinct, plus fort que la raison, sans aucune analyse préalable, associe alors la torture à un crime allemand. Alors que le jeune Morava a été scolarisé avec des Allemands et qu’il parle un allemand parfait, il rejette ici une part de sa culture pour en privilégier une autre : ce crime ne peut être tchèque, nos gènes ne le permettent pas. Pour lui, il ne peut s'agir que d'un malfaiteur allemand. A contrario, pour l'Allemand, ce ne peut être que l'œuvre d'un Tchèque. Deux mondes se heurtent ici, qui vont toutefois finir par se rencontrer.

Il est intéressant de noter que les deux personnages principaux sont issus de culture mixte : Morava a vécu à la frontière et a côtoyé des Allemands dès son plus jeune âge, Buback est issu d’un mariage mixte germano-tchèque. Une particularité que les deux personnages ont du mal à avouer, voire à assumer, ce qui constitue leur premier point commun. Lors de cette première rencontre, les deux hommes sont à l'opposé l'un de l'autre. Morava considère les Allemands comme des êtres incapables de sensibilité (ils hurlent sans cesse), il va jusqu'à les considérer comme des êtres hybrides, proches de l'animal ou du monstre : « Ils [les Allemands] semblaient avoir pour chef le géant dont la cage thoracique menaçait de faire éclater le cuir épais. »244 L'inspecteur tchèque se voit malmené par les représentants de la Gestapo (« L'Allemand le tança »245) qu'il compare à Hitler (« […] suivant l'exemple de son Führer,[il] mit les poings sur les hanches »246). L'usage du pronom possessif « son » exprime une relation d'appartenance, les Allemands appartiennent au Führer, de même que lui leur appartient aussi, ainsi, les deux sont indissociables l'un de l'autre et il n'existe pour Morava d'autres Allemands que les nazis à ce moment précis. Ce pronom possessif a également pour effet d'exclure les Tchèques – le Führer est aux Allemands et non aux Tchèques. Ainsi toute collaboration potentielle entre le peuple tchèque et le régime nazi semble niée. Plus loin, Morava semble se rabaisser face à ceux qu'il considère comme des hommes (« l'homme trapu », « l'homme en qui il voyait un spécialiste des affaires criminelles », « le SS », « l’homme modéré ») alors que lui-même n'est qu'un « jeune tchèque », un jeune garçon presque par rapport aux « hommes » allemands. Aux yeux de

243 Ibid. p. 29. 244 Ibid. p. 26. 245 Ibid. p. 27. 246 Ibid. p. 27.

Buback, il n'est qu'un « bleu, qui [tire] presque la langue en prenant laborieusement des notes »247 ou encore, un « garçon »248. À plusieurs reprises, il est tout simplement le « Tchèque ». Si le monde est alors coupé en deux, la présence de Morava rappelle à Buback son attachement oublié à sa langue maternelle ou plutôt, comme il le précise lui-même dans un dialogue intérieur : « son ancienne langue maternelle »249. Il semblerait que l'allemand ait remplacé toute trace de tchèque dans sa vie, aussi bien en tant qu'outil de communication qu'en tant que partie de sa personnalité. Effacer ainsi une langue maternelle revient alors à effacer justement tout le côté maternel présent en lui. Dans la transmission culturelle et langagière, l'enfant apprend et se construit tout d'abord par et à travers le regard et la parole de la mère. Dans une étude menée sur la transmission du traumatisme, Philippe Réfabert, psychanalyste, rappelle l'importance du langage dans la construction de l'identité : « Pour s'inscrire dans le langage et accéder au statut de sujet parlant, il faut avoir été inscrit dans le langage par la psyché de l'autre. »250 L'autre étant le plus souvent en premier lieu la mère qui, en parlant à l'enfant qui n'a pas encore acquis le langage, soit en terme psychanalytique à l'infans, lui permet de mettre des mots sur le monde qui l'entoure mais aussi de se voir exister dans les mots de la mère. En tirant un trait sur la langue tchèque, Buback tire un trait sur un héritage et donc sur une partie de lui-même, ce qui en fait un être atrophié, un être vivant à moitié. Ce renoncement est d'autant plus complexe car la langue tchèque semble lui manquer ici alors que quelques lignes plus loin, en observant le cadavre, il pense « Qui avait bien pu faire cela ? Un être humain ? Peut-être valait-il mieux le laisser vivant aux Tchèques, comme animal reproducteur... »251 Que signifie cette expression? Cette réflexion renvoie tout d'abord au plus bas instinct de l'homme qui est ici un animal, un animal reproducteur qu'il faudrait laisser aux Tchèques afin qu'ils donnent naissance à un autre animal. Peut-être Buback exprime-t-il ici un début de compassion pour les Tchèques, qui, s’ils veulent se débarrasser de la domination et de la barbarie nazies, devront se montrer aussi sanguinaires que cet assassin ? C’est sur cette énigme que se termine la première rencontre entre les deux personnages principaux. Même si Morava méprise les Allemands en les comparant à des porcs, il n'en subsiste pas moins chez lui un sentiment d'infériorité. Il se traite lui-même d'idiot et ne

247 Ibid. p. 31. 248 Ibid. p. 32.

249 Ibid. pp. 32-33 : « Une fois les autres partis, il passa son irritation sur le Tchèque. […] Il regretta de ne pouvoir l'engueuler dans son ancienne langue maternelle. En allemand tout cela semblait parfaitement incolore. » 250 Chiantaretto, Jean-François, Témoignage et trauma, implications psychanalytiques, Collection Inconscient et Culture, Paris, Dunot, 2004, p. 20.

parvient pas à prendre la parole de façon assurée252. Ce sentiment semble refléter son sentiment personnel de trahison et de mal-être face à l’agression allemande de 1938, car à plusieurs reprises, Morava compare l'Allemagne du Troisième Reich à ce qui subsiste de la Tchécoslovaquie en opposant la violence du régime nazi à la dignité de la « nation » tchèque. Il est bafoué dans ses sentiments personnels aussi bien que dans son identité ethnique tchèque. Les personnalités des deux personnages principaux se dessinent alors lentement, fortes