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Chapitre 4 : Les pratiques linguistiques chez les familles d’immigrants d’origines burundaise et sénégalaise à

4.1 Parcours migratoire

4.1.2 Bref portrait des parcours migratoires

4.1.2.1 Vécu prémigratoire

Au moment de quitter leurs pays respectifs, les répondants vivaient tous dans les capitales Bujumbura et Dakar. Ce qui explique qu’ils parlaient tous français, car ce sont les villes où l’on retrouve le plus de locuteurs de français (Calvet, 2010). La plupart des personnes interrogées étaient étudiantes au moment de partir. Quelques-unes occupaient des emplois qualifiés.

Nous constatons que nos répondants ont pour la plupart fait leurs études secondaires dans leurs pays d’origine tandis que le plus haut niveau d’études complété avant de partir est une Maîtrise. Nous pouvons dire que notre échantillon est très scolarisé. Ceci n’est pas anodin lorsqu’on sait que le niveau de scolarité est un des critères les plus utilisés par le Canada et le Québec pour sélectionner les immigrants (Gouvernement du Canada, 2019).

Le choix du Québec comme lieu d’immigration est déterminant pour comprendre les choix et prises de position des parents. Presque tous les parents ont choisi le Québec comme terre d’accueil à cause du français qui y est utilisé comme langue officielle. Ceux-ci considèrent cet élément comme facilitant l’intégration, d’autant plus qu’ils connaissaient et maîtrisaient le français avant d’immigrer. L’autre raison évoquée pour justifier ce choix est la volonté de se bâtir une nouvelle vie. Ils ont donc choisi le Québec comme terre d’accueil pour toutes ces raisons.

Certaines mères (Astou, Fatou, Monique, Aminata et Bineta) ont bénéficié du programme de regroupement familial pour rejoindre leurs conjoints qui étaient résidents permanents. Parmi

choisi de venir. Dans deux cas, c’était pour des raisons indépendantes de leur volonté, ceci dans un contexte de tensions causées par le climat politique au Burundi. Ces deux personnes avaient le statut de réfugié dans un pays africain. Le reste de nos répondants ont quitté leurs pays pour poursuivre des études en Occident. Toujours dans la catégorie des personnes qui disent ne pas avoir choisi le Québec comme terre d’accueil, deux (Claudine et Jeanne) ont bénéficié du programme de réfugiés du Canada. Celles-ci considèrent qu’elles n’ont pas choisi le Canada, mais que c’est « le Canada qui les a choisis ». Exceptionnellement, pour Cheick, le Canada a toujours été un pays de rêve pour lui, c’est pour cette raison qu’il s’y est installé.

4.1.2.2 Phases de transition

Pour Fronteau (2000) lors de la phase de transition les personnes peuvent transiter par plusieurs pays avant d’arriver à leur destination ultime, il la voit comme « un intervalle entre le départ du pays natal et l’arrivée dans le pays hôte » (p.11). Concernant l’analyse de notre corpus, nous considérons que cette phase représente la période dans laquelle nos répondants ont résidé dans un pays sans y avoir un statut permanent et qu’ils ne considéraient donc pas comme leur destination finale. Dans ces pays transitoires, les personnes concernées y avaient des statuts temporaires avant de s’installer à Québec, leur ville actuelle.

Le premier départ du pays d’origine pour les personnes (Fatima, Mireille, Paul, Abdou, Jeanne et Claudine) qui ont transitionné, s’est fait pour fuir une crise politique pour certains ou pour les études pour d’autres. Ceux qui ont quitté pour fuir la crise politique au Burundi se sont réfugiés en Ouganda et en Angola. Les autres sont allés poursuivre des études universitaires en Europe ou en Asie.

Pendant cette phase transitoire, des familles se sont formées. Fatima, Mireille, Claudine, et Jeanne et Abdou ont formé leurs familles et ont eu des enfants dans ces pays de transitions. Comme toute transition, cette phase n’a pas duré longtemps. Poussés à chercher « un meilleur endroit » où s’installer, nos répondants ont entamé des procédures pour immigrer au Canada. Pour certains (Paul, Abdou), c’est leur situation plutôt précaire qui les a poussés à chercher d’autres possibilités. Abdou explique les raisons qui l’ont poussé à quitter la Belgique :

Ben hein... en premier, il y a moins de tracas, moins de paperasse. En Belgique, on était obligé…parce que moi j'étais venu comme étudiant, on était obligé de renouveler tout le temps le titre de séjour tout ça alors qu’en tant que résident permanent ici t'en as pas besoin. Puis...En 2012, c'était pas évident pour les immigrants parce qu'il y avait de nouvelles lois qui compliquaient un peu les choses. On s'est dit on va pas rester pour vivre cette galère-là comme le Canada nous offre cette opportunité-là d'être déjà côté papier à l'aise, mais, de trouver un travail convenable donc euh…on s'est dit on va venir (Abdou, Sénégalais).

Cette phase de transit démontre que les personnes concernées ont dû réajuster leur projet migratoire parce qu’ils ne vivaient pas dans de bonnes conditions. L’option du Canada a été choisie afin d’y remédier, car offrant de meilleures conditions de vie.

4.1.2.3 Installation à Québec

Une grande majorité des personnes enquêtées avait le statut de résident permanent. Pour cinq répondants (Judith, Carine, Arona, Abdou et Claudine), le premier lieu d’arrivée n’était pas la ville de Québec. Ceux-ci ont fini par s’installer à Québec après quelques années. L’une des raisons qui a poussés la plupart à quitter d’autres villes est une meilleure opportunité d’emploi. La ville de Québec représente donc l’endroit où ils ont décidé de venir chercher « une vie meilleure » et de « meilleures conditions de vie ».

L’arrivée à Québec a été vécue en majorité comme une belle expérience.

L’une des premières difficultés que les répondants ont ressenties à leur arrivée est celle de la « langue québécoise ». Ils ont soulevé le fait que la langue a été un frein pour eux de comprendre et de se faire comprendre. Certains se sont même fait reprocher leur accent en français. À part celle-ci les parents ont formulé avoir vécu une belle expérience. Arrivée en 2011, Aïssatou a de son côté vécu un problème d’intégration. Mais elle dit avoir eu une belle expérience mise à part quelques difficultés rencontrées qu’elle attribue au caractère des gens. Et pour la majorité des parents, ils ont ressenti un accueil chaleureux de la part des Québécois. Les parents qui sont passés par un autre pays avant d’immigrer au Québec n’ont pas eu de difficultés. Mireille par exemple, qui est passée par la Chine avant le Québec, considère que la Chine a été une grande école pour elle parce que c’était un pays où elle ne s’est pas sentie bien traitée et où il a été difficile de s’intégrer. Au Québec par contre, elle n’a pas vécu de difficultés d’intégration. Elle attribue cela à sa rapide intégration sur le marché du travail.

naturellement pour elle. Son installation à Québec s’est donc bien passée. Ils ont bénéficié de l’aide d’amis de la communauté burundaise qui les ont accueillis. Leur initiation à la vie québécoise a été facilitée avec l’aide de leur communauté d’amis burundais et de collègues. Avant de venir s’installer au Québec, Fatima avait quant à elle planifié tout le côté logistique de l’installation, son appartement était loué. Elle avait déjà toute l’information dont elle avait besoin pour réussir son installation. Elle et son conjoint s’informaient beaucoup et regardaient des vidéos. Elle avait une amie sur place qui l’a un peu aidé à son arrivée ce qui a fait qu’elle avait tout à son arrivée. Elle n’a pas eu de difficultés spécifiques. À part le froid extrême qui l’a un peu « bousculé ». Même chose pour tous les autres parents.

Enfin, plusieurs parents ont décrit les Québécois comme des personnes « accueillantes » et « chaleureuses ».

Dans le processus d’installation à Québec, trois aspects ont été très facilitants pour les parents : le réseau sur place, la langue et le caractère accueillant et chaleureux des Québécois. En plus de ces aspects, il semblerait que ceux qui avaient déjà transité vers un autre pays ont eu encore plus de facilité que les autres. La citation suivante d’Abdou met en exergue l’une des principales difficultés signalées par les répondants :

Donc professionnellement, ça n'a pas été difficile. Et l'intégration aussi parce qu'on n'a pas quitté directement le Sénégal pour venir ici…parce qu'on connaît un peu la mentalité occidentale [ayant passé] par la Belgique. Mais, côté difficultés ce que je dis, moi je ne parle pas comme les Québécois ils parlent, parce que j'ai mon wolof derrière ou bien mon Sénégal...Ma sénégalité derrière. Vous la sentez même lorsque je parle, mais ça peut créer un blocage dans le milieu professionnel [...] C'est du français, mais un autre français, ils ont des termes spécifiques à eux, des termes propres à eux, mais il faut s'adapter à son milieu comme on dit. On a essayé de connaître les définitions de certaines expressions qu'on utilise [...] On essaie de comprendre le sens et de l'utiliser au moment opportun.

La question de la langue est donc la difficulté qui est partagée par l’ensemble de nos répondants. Il s’agit ici de difficultés liées à l’accent québécois qu’ils ont mentionné ainsi qu’aux expressions bien propres au Québec.

Ce bref portrait des parcours migratoires de nos répondants permet de montrer les différents cheminements de chacun d’eux.