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La composition des verres borogermanate de lanthane sans argent est 25 La2O3 – 25 B2O3 – 50 GeO2 mol%. Dans le cas des compositions avec incorporation d’oxyde d’argent Ag2O de quantité x = 1, 1.5 ou 2 mol%, la composition s’écrit (100-x) [25 La2O3 – 25 B2O3 – 50 GeO2] + x Ag2O mol%. Ils ont été fabriqués par Alexia Corcoran et Noor Makria au cours de leur stage universitaire au laboratoire ICMCB à Bordeaux. Les échantillons ont été fabriqués sous atmosphère ambiante par technique conventionnelle de fusion à haute température puis trempe. Lors de la synthèse, les poudres choisies ont été du La2O3 (Aldrich, 99,99%), H3BO3 (Alfa Aesar, 99,9995%)18, GeO2 (Aldrich, 99,99%) et AgNO3 (99,995%). Ces poudres sont pesées et mélangées, puis placées dans un creuset en platine puis chauffées jusqu’à 1250 °C. La durée de la synthèse est de 2, 10, 14 et 16 heures, respectivement pour les échantillons LBG contenant 0, 1, 1.5 et 2 mol% d’Ag2O. Après la trempe, les échantillons sont recuits pendant 15 heures pour relaxer les contraintes mécaniques figées lors de la trempe, à une température inférieure de quelques dizaines de degrés à la température de transition vitreuse des matrices, et enfin refroidis doucement à température ambiante.

o Intérêt de cette matrice vitreuse

Les verres LBG non dopés argent sont des matrices très intéressantes dans le domaine de la fabrication de vitrocéramiques. En effet, ces verres peuvent générer une cristallisation, dite congruente19, de phases ferroélectriques LaBGeO5 lors de la dévitrification de cette composition. En annexe [A. 4. 1)], le lecteur retrouvera le principe de nucléation-croissance appliqué à la formation des phases cristallines, ainsi qu’un bref état de l’art dans le cas des cristallites dans les LBG, par traitement thermique [A. 4. 3. a)] ou par irradiation laser [A. 4. 3. b)].

Cependant, nous précisons ici quelques points importants. Tout d’abord, Gupta et al. et Takahashi et al. [198, 199], ont démontré qu’une précipitation de cristaux, par traitement thermique, avec 80% de remplissage de l’échantillon initial vitreux, permet une génération d’un signal de second harmonique égal à celui du cristal LaBGeO5 équivalent

18 L’analyse par microsonde, effectuée par A. Corcoran, a mis en évidence l’évaporation du B2O3 à travers

l’étape de fusion. Ainsi, lors de la synthèse, l’expérimentatrice a ajouté 10% de la masse du bore, bien que le déficit reste maintenu selon l’analyse par microsonde après cette correction.

19 Lors de sa cristallisation en phase ferroélectrique, la matrice vitreuse ne subit pas de redistribution des

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[200]. Les cristaux obtenus sont alors de sphérolites de taille micrométrique, facilement détectables au microscope [201]. Le principal moyen de caractérisation structurale est l’analyse spectrale en µ-Raman [202].

D’autre part, Stone et al. [203, 204, 205] ont très récemment démontré l’obtention d’une cristallisation sélective spatiale en trois dimensions par irradiation laser femtoseconde, grâce à l’addition d’un équipement de chauffage de l’échantillon à 400°C. De plus, l’architecture cristalline LaBGeO5 structurée par laser se trouve alignée selon la direction de déplacement ¦ du laser dans le matériau massif vitreux. Le processus de fabrication par traitement laser est donc pertinent pour obtenir des monocristaux orientés et s’accompagne d’un temps de formation de la cristallite relativement court, allant de 10 secondes jusqu'à la minute [203]. 20

Des premières expérimentations d’irradiation laser effectuées sur cette matrice vitreuse LBG non dopée, avaient pour but de reproduire les résultats de Stone et al., c'est-à-dire l’obtention d’une micro-cristallisation congruente localisée du verre en un cristal ferroélectrique orienté. Le banc de structuration laser avait donc été pourvu d’un système de porte-échantillon chauffant, atteignant une température maximale atteignable d’environ 500°C, et contrôlé en partie par un thermocouple. Des irradiations laser femtoseconde, en mode statique, ont été réalisées selon une étude paramétrique poussée, variant l’énergie des impulsions injectées, le nombre d’impulsions et la température estimée de l’échantillon. Comme observé dans la littérature [204], le chauffage de l’échantillon a permis de relaxer les contraintes impliquées lors d’une irradiation à forte énergie, ici > 2 μ , et ainsi à éviter les fissures créées par l’emploi des paramètres utilisés par Stone et al., afin d’obtenir la transition de la phase cristalline. Cependant, aucun développement d’interface et aucune génération de second harmonique due à la présence de cristallites ferroélectriques dans les zones irradiées n’ont été observés. Une caractérisation spectroscopique micro- Raman, a confirmé l’absence de phase microcristalline. Néanmoins, on notera que la résolution de l’ordre du micromètre de la plateforme de spectroscopie Raman ne permettait pas la révélation de nano-cristaux en faible pourcentage. Les résultats que l’on retrouve dans la littérature sont donc difficilement reproductibles. Les travaux de recherche ont donc été réorientés sur les matrices vitreuses dopées argent et structurées par laser pour former des nanoparticules métalliques. En termes de perspectives, on peut supposer que les inclusions de nanoparticules métalliques générées sélectivement et spatialement en volume du verre massif peuvent jouer le rôle de germes de nucléation initiant une cristallisation en trois dimensions. Ceci pourrait permettre ultérieurement de combiner les propriétés des structures métalliques et celles des cristaux ferroélectriques.

o Propriétés thermiques et physiques

Les propriétés thermiques des matériaux avec et sans argent sont listées dans la Table 4. 2 et permettent d’examiner l’influence de l’ajout d’oxyde d’argent Ag2O au sein de la matrice hôte LBG.

20 La cristallisation par irradiation laser est le résultat d’une irradiation à 800nm utilisant un amplificateur RegA

(Coherent) Ti : Saphir avec un paramétrage de faisceau tel que le taux de répétition des impulsions est de 250 kHz et la durée d’impulsions de 70 fs. L’énergie employée étant de 1.5µJ sous un objectif de microscope d’ouverture numérique 0.55 et de grandissement 50x. Lors de la structuration de structures micrométriques, la caractérisation des cristallites s’effectue avec une caméra qui image la zone de structuration et ainsi détecte les interfaces verres/cristal séparant des deux phases. De plus, les auteurs [81, 82, 83] ont installé un spectromètre associé au montage de structuration afin de visualiser la génération de second harmonique du faisceau laser à 400nm.

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Tg (°C) ± 3 °C Tχ (°C) ± 3 °C ∆T (°C) ± 6 °C Densité ± 0.01 LBG (mol%) : 25 La2O3 – 25 B2O3 – 50 GeO2 702 794 92 4.88 99 [LBG] + 1 Ag2O mol% 687 786 99 4.93 98.5 [LBG] + 1.5 Ag2O mol% 669 786 117 4.97 98 [LBG] + 2 Ag2O mol% 665 784 119 5.04

Table 4. 2. Propriétés thermiques et physiques des matrices vitreuses LBG avec et sans dopage d’oxyde d’argent, avant traitement thermique de 2 heures à Š = ü Ë°– [Résultats d’Alexia Corcoran].

Comme observé au chapitre précédent dans les GPN, l’étude de la densité volumique de masse permet d’évaluer la compacité de la structure du réseau vitreux et reprend les mêmes remarques évoquées précédemment [Chap. III. 3. 1. b)]. Ici, la densité augmente monotone et régulière avec le pourcentage d’Ag2O. Ceci montre l’absence de changement brusque dans la structure du réseau : les éléments dopants modifient légèrement la structure du réseau, mais ne participent pas à son réarrangement.

D’autre part et encore une fois, identiquement au chapitre précédent dans les GPN [Chap. III. 3. 1. b)], l’ajout d’oxyde d’argent au sein de la matrice diminue les températures de transition vitreuse et de fusion (non présentée ici). Ces modifications du comportement thermique traduisent la formation de liaisons ioniques métal-oxygènes moins énergétiques que des liaisons covalentes. La température de début de cristallisation diminue très légèrement puisque les ions Ag+ peuvent éventuellement jouer le rôle de défauts dans le processus de nucléation/croissance de structures cristallines, bien que la stabilité thermique ∆T du verre face à la cristallisation augmente avec le pourcentage molaire de l’argent.

Suite à la fabrication des verres, un nouveau traitement thermique est appliqué, afin de générer des nanoparticules en volume dans les échantillons dopés. On applique alors le même temps et la même température de recuit pour chacun des échantillons, c'est-à-dire = 680° pendant deux heures. Les propretés optiques de ces nouveaux verres seront analysées dans la partie résultats de ce chapitre [partie IV. 4. 1)]. Toutefois, on retrouve dans la Table 4. 3 les propriétés thermiques des ces matériaux avec et sans argent.

Tg (°C) ± 3 °C Tχ (°C) ± 3 °C ∆T (°C) ± 6 °C

LBG 687 793 106

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98.5 [LBG] + 1.5 Ag2O mol% 670 785 115

98 [LBG] + 2 Ag2O mol% 663 780 117

Table 4. 3. Propriétés thermiques et physiques des matrices vitreuses LBG avec et sans dopage d’oxyde d’argent, après traitement thermique de 2 heures à Š = ü Ë°– [Résultats d’Alexia Corcoran].

On retrouve la diminution des températures de transition vitreuse avec l’augmentation en pourcentage molaire d’oxyde d’argent, pour les mêmes raisons que celles évoquées auparavant : dépolymérisant du réseau vitreux, le rendant moins rigide. De plus, la stabilité thermique ∆T du verre face à la cristallisation augmente s’il y a incorporation d’argent, mais reste stable avec l’augmentation du pourcentage molaire.

o Propriétés optiques et absorbance

L’étude des interactions laser/matière, pour la formation de nanoparticules métalliques en volume d’un échantillon de verre LBG, s’effectue à la longueur d’onde -6f? 5 = 800 . L’indice optique des échantillons LBG à cette longueur d’onde est de 1.803 [79] et suit la dispersion présentée en Figure 4. 6.

Figure 4. 6. Variation de l'indice de réfraction de la matrice vitreuse LBG non dopé [206] en fonction de différentes longueurs d'onde, et la modélisation selon l’équation de Sellmeier [3. 10].

On rappelle ici que le nombre d’Abbe S d’une matrice vitreuse peut être défini par l’équation [3. 11]. Le verre LBG se situe dans la section des verres flint sur le diagramme d’Abbe avec une valeur S = 43, il possède donc une dispersion chromatique dite modérée. L’ajout d’éléments d’argent au sein de cette matrice aura tendance à augmenter la valeur de S et donc diminuer la dispersion du verre.

Les mesures d’absorbance des échantillons vierges, c'est-à-dire non modifiés par irradiation laser ou par traitement thermique, permettent d’estimer le coefficient d’absorption linéaire dans la zone UV-Visible [Figure 4. 7].

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Figure 4. 7. Coefficients d'absorption linéaires des échantillons LBG avec et sans dopage en oxyde d’argent, avant traitement thermique de 2 heures à Š = ü Ë°– [Résultats d’Alexia Corcoran] et présentant la diminution du front de coupure UV avec l’insertion des ions argent. Les courbes ont été corrigées par rapport aux réflexions de Fresnel.

Après correction des spectres en prenant en compte les pertes dues aux réflexions de Fresnel aux deux interfaces de l’échantillon, on obtient une valeur de c quasi nulle à la longueur d’onde de structuration -6f? 5. De plus, comme observé au chapitre précédent dans les GPN, le front de coupure des matrices vitreuses avec argent est significativement déplacé vers de plus grandes longueurs d’onde. On obtient une absorption complète de la plage spectrale en dessous de 230 nm par le verre non dopé et en dessous de 300 - 280 nm environ pour les verres dopés. Une autre bande d’absorption est observable autour de 375 nm sur les spectres contenant de l’argent, et augmente avec pourcentage molaire du dopant. L’étude en spectroscopie de fluorescence permet de comprendre l’origine de ces absorptions et de savoir en partie sous quelle forme l’argent se trouve au sein du réseau vitreux.

o Mécanisme de fluorescence dans les LBG dopés argent

On rappelle ici que le principe de la fluorescence est un processus de luminescence par lequel un ion ou une molécule passe d’un état excité à un état de plus basse énergie par une relaxation radiative. Pour être simple, ce mécanisme peut se décomposer en trois étapes. Premièrement, l’excitation permet à l’ion ou la molécule d’absorber la lumière sur une faible gamme d’énergie de photons, centrée sur la longueur d’onde excitatrice que l’on note ici -.. Puis vient la relaxation des niveaux vibrationnels des états électroniques excités du système vers le niveau vibrationnel le plus bas, l’énergie est transférée en général sous forme de chaleur au système environnant. Enfin, l’émission de fluorescence correspond à l’émission de lumière qui accompagne le passage du plus bas niveau vibrationnel de l’état excité vers le niveau fondamental. Cette émission s’opère aussi selon une gamme d’énergie de photons restreinte, centrée sur une longueur d’onde donc plus grande, notée ici -/0 > -., en accord avec le décalage Stokes associé.

La Figure 4. 8 illustre des spectres d’émission des échantillons, non modifiés par irradiation laser ou par traitement thermique, pour des excitations à -.= 280 [Figure 4. 8 (a) et (b)] et -.= 375 [Figure 4. 8 (c) et (d)]. La première longueur d’onde correspond approximativement au front de coupure des matrices vitreuses avec argent et la seconde correspond à la bande d’absorption observée en Figure 4. 7.

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Dans les deux cas d’excitation, l’émission produite par la matrice LBG sans argent résulte probablement de défauts, qui ne sont visiblement pas générés dans les matrices avec argent.

Dans le cas d’une excitation à -.= 280 , la bande d’émission, centrée à -/0= 435 dans les verres dopés, est attribuée aux ions I\•. Grâce à la normalisation des spectres par rapport à leur maximum respectif [Figure 4. 8 (a)], on observe le léger décalage du maximum de cette bande vers de plus basses énergies avec l’augmentation du pourcentage molaire Ag2O, ce qui traduit la réduction de la fenêtre de transmission observée en Figure 4. 7.

Figure 4. 8. Spectres d’émission des échantillons LBG avec et sans dopage d’oxyde d’argent, avant traitement thermique de 2 heures à Š = ü Ë°– pour une excitation à (a, b) 280 nm et (c, d) 375 nm [A. Corcoran]. Les spectres sont d’une part (a, c) normalisés par rapport à leur maximum respectif et d’autre part (b, d) normalisés par rapport au maximum absolu.

La normalisation des spectres par rapport au maximum absolu [Figure 4. 8 (b)] permet d’obtenir un ordre de grandeur qualitatif quant à la quantité de fluorescence émise par les différents échantillons. En effet, leur forme, leur épaisseur, leur positionnement, mais aussi leur longueur de pénétration optique pour différentes longueurs d’onde d’excitation au cours de la mesure sont autant de facteurs qui peuvent altérer la comparaison de l’intensité des spectres obtenus, il faut rester prudent. Toutefois, on peut observer une émission maximale pour un dopage à 1.5 mol%, ce qui traduirait une saturation des ions I\• en configuration dite isolée au sein du réseau. Au-delà de ce pourcentage, la densité d’atomes est trop importante. Il y a alors moins d’ions I\• isolés et l’argent se regroupe, induisant une diminution de l’efficacité de fluorescence pour -.= 280 .

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Cependant, sans mesures complémentaires du déclin de la fluorescence en fonction du temps et de la température, il est difficile d’identifier exactement les éléments formés par ce regroupement d’atomes. Nous poserons donc ici la simplification de notations I\j, qui correspondra aux configurations dites de paire ou en agrégats réduits ou non [208]. De façon équivalente, nous posons la notation I\D associée aux ions I\• isolés.

Dans le cas d’une excitation à -. = 375 , deux bandes d’émission sont observables. En effet, à cette énergie de photon, la bande d’excitation des espèces I\D n’est pas égale à zéro, certains ions isolés sont donc encore excités et poursuive le processus de fluorescence, ce qui explique la contribution centrée à -/0 = 435 . Cependant, pour cette énergie de photon -.= 375 , on excite surtout les espèces I\j dont le maximum d’émission de luminescence est positionné à -/0 = 530 [Figure 4. 8 (c)]. La Figure 4. 9 schématise de façon simple les trois étapes du mécanisme d’émission de fluorescence et rappelle les longueurs d’onde caractéristiques dans le cas des espèces I\D et I\j.

Figure 4. 9. Schéma simplifié reprenant le processus d'excitation et d'émission de luminescence des deux groupes d’espèces d’argent extrait de l'analyse spectrale en Figure 4. 8.

De plus, les ratios entre I\D et I\j peuvent être évalués d’un point de vue qualitatif. En effet, on observe que le rapport des deux espèces diminue [Figure 4. 8 (c)] avec le pourcentage molaire en Ag2O, favorisant ainsi les I\j qui causent donc la bande d’absorption observable en Figure 4. 7 autour de -. = 375 . La normalisation des spectres par rapport au maximum absolu [Figure 4. 8 (d)] permet d’observer une émission très faible pour un dopage à 1 mol%, ce qui explique notre choix quand à l’utilisation de cette matrice à 1 mol% lors de nos irradiations laser. L’argent est mieux distribué au sein du réseau, sous configuration d’ions I\• isolés. Dans le cas des dopages 1.5 et 2 mol%, les intensités mesurées sont équivalentes, ce qui traduit une capacité maximale de dopage très proche de 2 mol%.