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Bodybuilding et identité de sexe masculine : une congruence ?

Chapitre 3 : Le bodybuilding, un sport genré

3.2 Bodybuilding et identité de sexe masculine : une congruence ?

Nous relions dans cette seconde partie le bodybuilding à l’identité de sexe masculine, à travers quatre points : son inscription dans le monde genré des sports, son ancrage à l’hétérosexualité, ses modèles très « mâles » et enfin, ses ambivalences par rapport à la masculinité.

3.2.1 L’imaginaire genré du monde des sports

Nous apportons ici un éclairage particulier sur le monde des sports, dont l’imaginaire, défini dans un premier temps, a été marqué dès son émergence par un biais de genre. Le second temps de l’analyse insiste en effet sur le poids « exorbitant » des hommes dans le monde des sports.

3.2.1.1 L’imaginaire du monde des sports : éléments de précision

Dans le prolongement des éléments qui précèdent, il est tout d’abord

fondamental de revenir sur l’imaginaire du bodybuilding, puisqu’il semble

survaloriser la masculinité hétérosexuelle, dont le pouvoir sur les autres s’exercerait grâce à l’ « hypercorps ». Précisons d’emblée ici que la notion d’imaginaire renvoie à des éléments de diverses natures qui sont le fruit de l’imagination d’un individu. Cette notion peut aussi exister sur le plan collectif,

en désignant les normes, les valeurs, les symboles, les représentations, les modèles et les mythes propres à un groupe social.

En cela, comme d’autres sports, le bodybuilding est marqué par l’existence d’un

imaginaire collectif, où « la notion d’ « inscription » recouvrirait ces

manifestations objectives que sont l’entraînement du corps et son résultat, le geste (ainsi que, accidentellement et selon les modalités de cette manifestation, le record ou la performance dans la compétition) ; la volonté renverrait aux notions de maîtrise de soi, de discipline du corps propre ; et le sens de cette discipline serait donné par la grammaire symbolique des images du corps dans laquelle cette inscription ferait sens » (Taranto, 2008, p 75).

De ce fait, parce que ces éléments constitutifs de l’imaginaire forment un système cohérent, ils permettent de faire correspondre en permanence l’imagination à la réalité puisque les deux sont imbriqués. L’imaginaire est alors mobilisateur en tant que guide de l’action pour chaque pratiquant, car il s’appuie sur « des interprétations des individus, de leurs aspirations envers la pratique »

qui « (…) se réfèrent à des images, à des rêves ou à des légendes » tout en pouvant contribuer à une « dynamique instituante » (Le Pogam, 1995) » (Aceti, 2010, p 112). L’imaginaire fonctionne en interaction avec des principes et des éléments matériels, ici essentiellement le corps.

Cela signifie qu’il existe un lien fort entre le corps individuel et ses représentations collectives dans le bodybuilding, dans la mesure où la signification collective participe à la construction du sens donné à la prise de

possession du corps par les individus. En d’autres termes, l’imaginaire du

bodybuilding, qui crée un corps imaginaire du bodybuilding, permet de comprendre de quelle manière un individu tout comme une communauté contextualisent leurs actions, notamment au niveau du sens qu’ils vont donner à celles-ci et à leur présentation dans les interactions. En somme, l’imaginaire collectif du bodybuilding possède un réel « poids » dans le quotidien des

pratiquants. En retour, le corps modifie l’imaginaire du corps et les attentes

associées.

Or le bodybuilding, comme tout le « monde des sports » (Cooper & Smith, 2010) d’ailleurs, s’est construit historiquement sur une image de la masculinité et de la virilité, comme nous l’expliquons ci-après.

3.2.1.2 Un imaginaire très mâle dans le monde des sports

Dans l’imaginaire du bodybuilding, le corps esthétique, volumineux et puissant est présenté comme le principal marqueur de l’identité de sexe masculine. Le corps est alors le marqueur des performances masculines, érigées en symbole de la toute-puissance de la « masculinité hégémonique » (Connell, 1995) et de leur différenciation d’avec les femmes. La médiatisation croissante, notamment télévisuelle, a renforcé ce phénomène. Comme le corps est le lieu de la performance du sportif, il devient survalorisé. Ainsi, si le sport est de fait une

« fabrique des grands hommes » (Rauch, 2004, p 173), le corps est devenu le symbole même de leur réussite.

En effet, « le sport diffuse des images et des messages sur la masculinité et la

féminité et il est banal de rappeler qu’il a longtemps constitué, pour nos sociétés « la Maison des hommes », pour le dire avec Maurice Godelier, c’est-à-dire non seulement un espace de mise en conformité de l’apparence et de l’appartenance sexuée, mais un lieu de « sur-masculinisation » visant à produire symboliquement les hommes : on s’y raconte, on s’y reconnaît dans des valeurs et des désirs identiques, on y partage de « l’être ensemble », on y apprend la virilité, le combat pour devenir un « vrai » mâle » (Mercier-Lefèvre, 2005, p

369). Cela signifie que le genre n’influence pas seulement les individus

masculins dans leurs choix sportifs, mais qu’ils prescrivent même certains choix : types de sport, muscles à valoriser/dévaloriser, comportements à adopter/rejeter,…

Dans ce « fief de la virilité » (Dunning & Elias, 1986, p 378), les garçons se

retrouvent grâce au sport, qui constitue une entrée dans la masculinité. Et les femmes en sont exclues ou dominées car représentant une menace pour leur

valorisation personnelle62. Au sein de cet espace, les hommes ont imposé leurs

normes, leurs valeurs, leurs symboles et leurs pratiques, avant de chercher à les monopoliser. Le fait que la pratique sportive ait été pendant longtemps réservée aux hommes, ou que le sport masculin demeure davantage valorisé, fait que les femmes ne peuvent au mieux que copier les hommes, consolidant

ainsi la dynamique du modèle de la domination masculine : « si on a pu croire

que les sportives y avaient gagné leur place, c’est qu’il y a eu confusion sur les pratiques et que le prosélytisme a aveuglé doctrinaires et militantes. (…). Les femmes peuvent battre des records, éventuellement les élever à des niveaux que n’atteignent pas la plupart des sportifs, rien n’y fait : elles ne représentent qu’elles-mêmes (…) » (Rauch, 2004, pp 168-169). En cela, la pratique sportive participe activement à la reproduction d’un monde social patriarcal, car l’attitude des hommes à l’égard des femmes dans le sport est toujours une expression de leur position dans le système stratifié du genre (Liotard, 2005).

Certes, rappelons encore une fois que chaque homme individuellement se rattache plus ou moins fortement à cet imaginaire de la « masculinité hégémonique » quand il pratique un sport. Mais comme le rappelle Lajeunesse (2008), avant de comprendre les « marginaux », il faut comprendre les « normaux ». Selon lui, le sport a alors pour fonction à la fois de souder collectivement le groupe des hommes, et de les hiérarchiser en son sein. C’est particulièrement le cas pour les pratiques sportives « solitaires » comme il les

62C’est pourquoi, lorsque les femmes parviennent à accéder progressivement à la pratique sportive, ce n’est qu’à condition que celle-ci respecte leur « nature », donc que les sports mettent en évidence leur élégance et leur esthétisme « naturels ». L’activité physique doit être « douce » et éviter les contacts physiques directs, de même que les souffrances physiques trop visibles. Les sports plus engageants physiquement sont bannis, en partie au prétexte qu’ils mettraient en danger leurs capacités reproductrices. Cette exclusion ou cette inégalité d’accès se traduit par une dévalorisation des sports « féminins » et même parfois des représentations à l’égard des femmes sportives. Le corps devient alors une « contre-valeur » de la féminité (Rauch, 2004).

appelle, telle que le bodybuilding : « le prestige de la victoire et la honte de la défaite ne reposent que sur eux-mêmes. Les solitaires veulent la première marche du podium et ne pas la partager. Pour les solitaires, le sport est un monde égoïste et non altruiste au sens durkheimien du terme, où seule la réussite individuelle importe » (Lajeunesse, 2008, p 29).

Plus précisément, les performances sportives permettent de donner accès à l’identité de sexe masculine et de mériter l’appartenance au groupe des hommes, avec tous les avantages associés. Ces derniers sont de deux natures : avoir plus de succès auprès des femmes qui ne sont que spectatrices,

donc se les approprier63 ; et dominer les autres hommes présentés comme plus

faibles, voire qui sont associés à la féminité. Or un des points centraux qui permet de lier les deux dimensions, dont nous avons déjà parlé, est la question

de l’hétérosexualité64. C’est en affichant cette préférence ou en supposant

qu’elle existe « forcément » que les hommes entrent en compétition pour attirer et s’approprier les femmes : la sexualisation des non-pairs par les hommes est un point crucial de la socialisation masculine, non seulement vis-à-vis de « l’extérieur », mais aussi de « l’intérieur ». Les performances du corps donnent ainsi accès à la domination inter comme intra catégorie de sexe.

C’est aussi pourquoi l’homosexualité masculine est symétriquement condamnée dans le sport car elle remet en cause les principes de la domination masculine. L’homosexualité menace le pouvoir des hommes sur les femmes en tant que groupe. Les hommes qui ne rentrent pas dans cette norme sont exclus et

associés au féminin « parce que ce sont des traîtres à la masculinité, des

déserteurs du groupe des hommes » (Lajeunesse, 2008, p 48). Certains homosexuels peuvent d’ailleurs élaborer des stratégies sportives – défensives et offensives – afin de pouvoir bénéficier des avantages et privilèges perçus de la masculinité hétérosexuelle.

Lajeunesse (2008, p 177) note par exemple que les sportifs homosexuels non déclarés tolèrent les moqueries et même les agressions à l’encontre d’autres

homosexuels déclarés ou définis comme tels – donc sont complices – « par

peur de mettre en péril l’identité de genre qu’ils tentent de bâtir et par le fait même une partie de leur capital social. La manifestation publique de toute solidarité avec des jeunes hommes homosexuels serait donc antinomique à leur démarche d’autant plus que certains sportifs s’efforceraient grandement de paraître le plus masculin possible et que le résultat de leurs efforts ne semble cependant pas toujours probant selon leurs critères de masculinité qui a beaucoup de points communs avec la masculinité hégémonique ». Paraître « masculin hétérosexuel » en en adoptant les « signaux » serait pour certains homosexuels une stratégie afin d’atteindre une position vécue favorable au sein de la hiérarchie intra-masculine.

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Elles ont de ce fait un rôle essentiel pour les hommes : en tant que public, elles valident les performances masculines par leurs approbations, participant ainsi au « classement » des hommes (Rauch, 2011).

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En conséquence, les sports modernes ont associé l’hypertrophie musculaire, voire les muscles, à la masculinité hétérosexuelle (Griffet & Roussel, 2004), même si la très grande majorité d’entre eux sont neutres biologiquement et

sexuellement (Hargreaves, 1994). De plus, malgré l’évolution historique de

l’utilisation du corps dans les jeux physiques et les sports où la force physique laisse la place ou coexiste avec la recherche de la maîtrise, de la grâce et de l’esthétique du corps, l’exclusion ou la domination des femmes et des

homosexuels perdure (Rauch, 2011). Le bodybuilding tend à exacerber cette

règle, comme nous l’expliquons dans le point suivant.

3.2.2 L’équation fondamentale : bodybuilding = masculinité = hétérosexualité

Si nous avons eu l’occasion d’en avoir un bref aperçu, nous détaillons dans quelle mesure le bodybuilding s’est aussi construit sur une identité mathématique associant masculinité et hétérosexualité, où le corps joue un rôle déterminant. C’est l’objet du premier point, qui est étayé par plusieurs exemples significatifs présentés dans un second point.

3.2.2.1 Le bodybuilding : le cœur et le corps de la masculinité hégémonique

Le corps bodybuildé se veut l’incarnation de toutes les caractéristiques

physiques et sociales attendues de la « masculinité hégémonique » et de la virilité. Le culte du corps permet de développer des muscles « gorgés »,

« saillants », « volumineux »65 qui symbolisent la force, la maîtrise de soi et la

domination, rappelant même pour certains un pénis en érection : “the road map

of veins is clearly visible, standing out from the flesh in a fashion alarmingly reminiscent of an erect penis” (Simpson, 1994, p 33). Surfant sur les craintes récurrentes d’une constante dévirilisation des hommes, la pratique masculine du bodybuilding apparaît comme la solution pour réaffirmer les caractéristiques de la masculinité et de la séparation hommes/femmes (Klein, 1993).

La forme prime clairement ici sur la fonction corporelles, car les individus intéressés veulent se sentir virils dans leur corps et masculins dans leur être, et

le miroir social du corps doit le leur confirmer. Ce jeu de mirroring (Klein, 1993)

semble difficilement évitable dans la construction de la masculinité. D’où le fait que comme le montre Lajeunesse (2008), les pratiquants de bodybuilding cherchent avant tout à développer certains muscles bien visibles et associés au masculin, à savoir les pectoraux, les biceps et les abdominaux. Ceci semble être une constance historique dans de nombreux autres sports (Rauch, 2011, p 300), mais le bodybuilding l’exacerbe.

65Cela peut même d’ailleurs prendre un caractère « repoussant », « monstrueux » : mais cela renvoie à l’homme « animal », donc dominant, et qui fait peur…donc craint et envié d’une certaine façon.

Ainsi pour Lajeunesse (2008), le discours social relatif aux effets positifs de la pratique sportive sur la santé n’est qu’un alibi souvent utilisé par les pratiquants pour cacher les motivations réelles de la pratique, à savoir apparaître et être plus masculin. Le plus important est de viriliser en apparence le corps, ce qui permet à son tour de renforcer positivement l’identité de sexe. Muscles et

masculinité semblent alors souvent associés : « l’augmentation du volume

musculaire et de la force est essentielle à la pratique sportive, mais elle est aussi souhaitée dans une logique unifiant performance, santé et esthétique corporelle. L’esthétique virile et son pouvoir de séduction sur les autres, les femmes surtout, sont primordiaux. La musculation est ici l’outil essentiel de cette transformation déontique. Les sportifs sont conscients de correspondre ou non aux canons de l’esthétique masculine » (Lajeunesse, 2008, pp 57 – 58). Les pratiques de la musculation et du bodybuilding repoussent les frontières qu’impose le corps en forçant la destinée de l’individu. Or le résultat physique obtenu grâce au bodybuilding est individuel et peut à ce titre être utilisé comme valorisation personnelle par l’individu : s’il possède tel corps, c’est grâce à ses propres efforts uniquement. Cette réussite est donc appropriée individuellement et légitimée socialement. Le corps bodybuildé sert alors de représentant, de faire-valoir, qui avantage celui qui l’habite. C’est en quelque sorte un « double » social (Le Breton, 2004) : le corps musclé devient pour l’individu qui le possède une sorte « d’alter égo », un « autre » que l’individu maîtrise. Le bodybuilding peut en effet, parce qu’il représente une transformation physique, mentale et sociale, être perçu comme permettant une « mue » permanente, où le corps sans cesse façonné devient « l’interlocuteur » privilégié de l’individu. Par ce biais, cet « autre » fictif représente en quelque sorte une alternative au manque de sociabilité et au déficit d’intégration sociale ressentis par l’individu, qui cherche à le combler par un rapport particulier au corps. Ce dernier devient en d’autres termes un « intermédiaire » entre son Soi et les autres, un médium par le biais duquel il pense plus facilement pouvoir entrer en contact et être valorisé (Le Breton, 2004).

C’est d’ailleurs pourquoi la pratique du bodybuilding est souvent recherchée par plusieurs types d’individus masculins, en plein doute existentiel et identitaire. Nous en donnons quelques illustrations ci-après.

3.2.2.2 Le bodybuilding, ciblé par certaines catégories fragiles

En premier lieu, nous citons le cas des jeunes adolescents, dans la mesure où la pratique du bodybuilding leur offre inconsciemment le sentiment de correspondre à la fois à leurs envies de libertés (pouvoir disposer à leur guise de leur corps) mais aussi à leurs besoins (se maîtriser, donner un sens à l’existence, apprendre à, et même vouloir « être un homme » avant les autres, pour plaire notamment), ce qui révèle une intériorisation forte des contraintes et des attentes sociales (la norme sociale du corps performant et parfait). Elle repose souvent sur une identification à une icône masculine incarnant la virilité parfaite (Klein, 1993). Pour les jeunes hommes, la force, la carrure, la puissance, la taille et le volume constituent des états physiques qui prennent

une véritable valeur individuelle, qu’ils souhaitent obtenir pour que ces caractéristiques soient utiles socialement. Elles sont d’autant plus importantes qu’elles permettent la construction d’une certaine virilité imaginaire.

Lepoutre (2004) le montre à travers le cas des jeunes en quête d’une certaine identité et d’intégration sociale qui valorisent ce genre d’attributs. La « force » et la « dureté » sont des caractéristiques recherchées, car elles rentrent dans la construction de la personnalité, ce qui permet en conséquence d’obtenir une position favorable à l’intérieur de la « bande ». Autrement dit, la nature des rapports sociaux au sein du groupe des jeunes hommes peut être influencée par les rapports de force découlant des caractéristiques physiques individuelles mises en avant par chacun, ce qui donne lieu à une certaine « hiérarchie de la virilité ». Or le bodybuilding place la « dureté » et le « volume » à un rang très élevé. Le vocabulaire utilisé par les hommes dans la pratique en est l’incarnation, puisqu’il fait sans cesse référence à un champ lexical très connoté en matière de genre : la taille, le combat, la douleur. Ce sport joue de ce fait un rôle très fonctionnel pour l’individu masculin.

Plus globalement même, la pratique du bodybuilding peut sembler pouvoir s’adresser aux catégories sociales ayant un sentiment d’infériorité, d’être dominées et de dévalorisation (Klein, 1993). Ces catégories, de par leur position subordonnée dans le système de production, pourraient alors vouloir « prendre une revanche » sur et par le corps, et chercher à dominer par leur apparence physique. Prendre une revanche sur le corps car cet « outil » central historiquement dans la construction identitaire, individuelle comme collective, des membres des classes populaires, a été dévalorisé ou contraint par les évolutions socio-économiques. Prendre aussi une revanche par le corps en montrant peut-être que si leur statut et leur position dans le système productif

ne relèvent pas forcément d’un choix, la reconquête assumée du corps par le

bodybuilding deviendrait là encore la solution pour démontrer une réussite qu’ils ne doivent qu’à eux-mêmes. Un sentiment de dévalorisation sociale chercherait à être effacé par un sentiment de valorisation physique.

Schwartz (2004) montre justement que « le recours à la défense physique est

inversement proportionnel aux moyens disponibles de défense sociale. Moins on est sûr de sa position et sa parole, plus on est porté à l’agression physique comme forme d’imposition de soi ». Ici, les résultats visibles et ostensibles du bodybuilding constitueraient dans ce cadre une alternative au manque de confiance et d’affirmation sociale liée à l’intériorisation d’un statut dévalorisé ne leur donnant que peu de légitimité sociale. Ces hommes sont marqués par la fragilité du travailleur, car la machine a désacralisé et dominé le travail ouvrier, et des femmes ont contrôlé parfois ces hommes sur le marché du travail, ce qui les dévalorise (Molinier, 2004).

Lajeunesse (2008) le note aussi lorsqu’il indique que tous les hommes de son étude souhaitant transformer leur corps rêvent de reconnaissance sociale. Or celle-ci semble directement liée dans leur esprit à leur capacité de modifier leur apparence, car elle faciliterait l’accession à une forme de prestige. En particulier, le corps bodybuildé est présenté comme permettant de satisfaire aux

deux conditions de la domination masculine citées supra : attirer et s’approprier

les femmes66 ; être plus fort que les autres hommes dans la compétition

intra-masculine. Cela signifie être en mesure de recouvrer un statut social valorisant dans le genre.

Dans le monde du bodybuilding, plusieurs « champions », servant de modèles pour les adeptes, confirment les développements précédents. Nous expliquons pourquoi dans le point suivant.

3.2.3 Les mâles du bodybuilding

Les « mâles » du bodybuilding se sont construits, ou l’ont été par les instances