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Chapitre 2 Revue de la documentation scientifique

2.2 Biohydrogénation

L’alimentation des bovins laitiers est diversifiée dans le but de tenir compte de l’âge de l’animal, de sa taille, de son stade physiologique, de sa production et du coût des ingrédients de la ration. La multitude d’aliments tels les fourrages, les céréales, les protéagineux, les oléagineux, les sous-produits de l’industrie alimentaire ou les huiles et graisses servis aux bovins laitiers créent une diversité en lipides et en AG dans leur alimentation. Il est possible de retrouver des TAG comme forme principale de lipide dans les céréales, les oléagineux, les huiles de sources végétales ou marine et les sous-produits, tandis que les PL et les glycolipides (GL) sont présents dans les plantes fourragères. Contrairement aux AG absorbés par les animaux monogastriques, ceux absorbés par les ruminants ne sont pas identiques à ceux ingérés. La raison derrière ce phénomène est la BH, un processus biochimique effectué par les micro-organismes du rumen qui débute par une lipolyse des lipides suivie d’une hydrogénation des doubles liaisons. Cela explique la

faible concentration en AG ω-3 dans la viande et le lait des ruminants, même si certains

aliments qu’ils ingèrent, comme les fourrages (Boufaïed et al., 2003) ou la graine de lin (Woods et Fearon, 2009), peuvent contenir des concentrations appréciables de ces AG (50 et 54 g d’AG ω-3/100 g d’AG totaux, respectivement).

Le rôle de la BH n’est pas encore bien défini. L’une des hypothèses est que le processus a pour objectif de produire des AG absents de l’alimentation des animaux pour l’incorporation dans la membrane de certaines bactéries (Hazlewood et al., 1979). Une autre hypothèse est que le microbiote du rumen utilise la BH pour contrôler la présence d’hydrogène dans l’environnement du rumen (Lennarz, 1966). L’hypothèse qui semble cependant la plus probable est que la BH soit utilisée pour détoxifier le rumen puisque les

AGPI semblent inhiber la croissance de certaines bactéries (Nieman, 1954). Les paragraphes suivants porteront sur ce processus qui est l’obstacle le plus important pour l’absorption et la sécrétion dans le lait des AG ω-3.

2.2.1 Lipolyse

Une fois les TAG, les PL et les GL ingérés par le ruminant, la première étape dans le processus de la BH est la lipolyse ou la désestérification des lipides. Bien que les plantes possèdent des lipases qui ont la capacité d’effectuer la désestérification (Van Ranst et al., 2009), Dawson et al. (1977) ont démontré, avec des fourrages stérilisés par autoclave, que les enzymes provenant des micro-organismes du rumen étaient prédominants dans ce processus. Les micro-organismes responsables de la majorité de l’hydrolyse des lipides sont des bactéries parmi lesquelles anaerovibrio lipolytica serait la plus active (Hobson et Mann, 1961). La famille des butyrivibrio spp posséderait, quant à elle, le matériel génétique pour hydrolyser les PL et les GL (Harfoot et Hazlewood, 1997). En ce qui concerne l’activité lipolytique des protozoaires, il a été possible d’observer une activité galactosidique (Wright, 1961), mais sans activité lipolytique (Bailey et Howard, 1963). La majorité des facteurs influençant la lipolyse sont basés sur des expériences in vitro.

Il a été permis de constater, lors de ces expériences, que l’augmentation de la concentration en azote (N) dans le milieu ruminal intensifiait l’activité lipolytique (Gerson et al., 1983) et que le taux de lipolyse était réduit lorsque la fibre était remplacée par de l’amidon (Gerson et al., 1985). De plus, une augmentation du temps d’incubation accroît la lipolyse (Beam et al., 2000) tandis qu’une baisse de pH la réduit (Latham et al., 1972). Finalement, une augmentation de la température de fusion des lipides à hydrolyser réduit l’activité lipolytique in vitro (Beam et al., 2000). La Figure 2-2 résume les différents facteurs qui influencent le taux de lipolyse, le taux d’isomérisation et le taux de BH.

En condition in vivo, il a été rapporté qu’entre 85 et 93 % des lipides sont hydrolysés dans le rumen d’une vache en lactation qui consomme une ration composée d’ensilage avec un rapport fourrages/concentrés de 60:40 (Halmemies-Beauchet-Filleau et al., 2013). Cette forte lipolyse dans le rumen entraine la présence de 80 % d’AG sous forme

Figure 2-2 Schéma présentant le processus de transformation des lipides ingérés par le ruminant ainsi que les facteurs influençant la lipolyse et la biohydrogénation, adaptée de Doreau et al. (2011), avec la permission de CSIRO Publishing.

2.2.2 Voie métabolique de la biohydrogénation

Lorsque les AGPI sont libérés des TAG, des GL ou des PL, la BH peut avoir lieu. Les taux BH de l’AO, de l’AL et de l’AAL sont respectivement de 58-87 %, 70-95 % et 85-100 % (Doreau et Ferlay, 1994; Glasser et al., 2008b; Shingfield et al., 2010). L’efficacité de BH est influencée par la composition et la concentration en lipides dans la ration ainsi que le taux de passage, la composition de la population microbienne et le pH du contenu ruminal (Shingfield et Wallace, 2014). Ces effets sont détaillés à la Figure 2-2.

Étant donné que les travaux décrits dans ce document mettent l’emphase sur le métabolisme de l’AAL, la voie métabolique de BH de cet AG sera la seule présentée pour cette portion de la revue de littérature. L’hydrogénation de l’AAL se fait par étapes impliquant plusieurs sentiers différents (Figure 2-3). Des recherches ont toutefois permis de

déterminer une séquence d’intermédiaires prédominants, soit l’isomérisation du 18:3 c9c12c15 en 18:3 c9t11c15 (voie centrale de la Figure 2-3). Par la suite, le 18:3 c9t11c15 est hydrogéné séquentiellement en 18:2 t11c15, en 18:1 t11 et finalement en 18:0 (Harfoot et Hazlewood, 1997; Wilde et Dawson, 1966). La BH est effectuée par deux groupes de bactéries (Kemp et Lander, 1984) : le groupe (A) hydrogène le 18:3 c9c12c15 jusqu’à la production de 18:1 t11 et le second groupe (B) est impliqué dans l’hydrogénation du 18:1 t11 en 18:0. Ce dernier groupe est également responsable d’une voie alternative impliquant l’hydrogénation du 18:2 t11c15 en 18:1 c15 ou en 18:1 t15 (Harfoot et Hazlewood, 1997).

Pour que la BH des AG ait lieu, l’extrémité carboxylique de l’AG à hydrogéner doit être libre, ce qui implique qu’il serait possible de réduire la BH des AGPI en limitant l’accessibilité du groupement carboxylé. Ainsi, lorsque les AGPI sont sous forme d’amides (Jenkins, 1995), d’esters (Fotouhi et Jenkins, 1992) ou de sels de calcium (Jenkins et Palmquist, 1982), il est impossible pour les bactéries d’effectuer la BH. De plus, il a été observé que lorsque les lipides offerts sont sous forme d’AGL au lieu d’être sous forme de TAG, la concentration de l’intermédiaire de BH 18:1 t11 était supérieure (Noble et al., 2007). L’interruption du processus de BH a aussi été observée lors d’une absence de particule alimentaire nécessaire à l’adsorption et à la dispersion des AG ainsi qu’à l’établissement d’un lien avec le complexe enzymatique. Le processus de BH s’arrête alors également à l’intermédiaire 18:1 t11(Wilde et Dawson, 1966). Finalement, Lee et al. (2005) ont montré que les huiles provenant de produits marins et contenant une concentration élevée en AEP et en ADH inhibent elles aussi la dernière étape de la BH, ce qui a pour effet de provoquer l’accumulation de 18:1 t11.

Figure 2-3 Voie métabolique de la biohydrogénation de l’acide α-linolénique (AAL), adaptée de Shingfield et Wallace (2014) avec la permission de The Royal Society of Chemistry

2.3 Digestion et métabolisme des lipides

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