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BIOCONTROLE DES RAVAGEURS EN GAZONS AVEC LES NEMATODES AUXILIAIRES LES PRINCIPALES CIBLES

D’après les bilans phytosanitaires des gazons issus de la biosurveillance du territoire des années 2010 et 2012 (Dours, 2011), les tipules avec 86% d’occurrence et les vers de terre

avec 79% d’occurrence, sont les nuisibles les plus fréquemment rencontrés. Ils sont suivis

des vers blancs (33% d’occurrence) et des noctuelles (31% d’occurrence) mais plus

spécifiquement dans le sud-est français. Parmi les vers blancs c’est le hanneton commun

(Melolontha melolontha) qui est le plus présent notamment dans les régions boisées (ex : Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine, Normandie, Rhône-Alpes).

D’après ces mêmes données en moyenne ce sont 0.8 interventions/golf qui sont réalisées en 2010 contre les tipules, 0.26 contre les noctuelles et aucune sur les vers blancs.

Tipules

Deux espèces de tipules sont présentes en France : Tipula paludosa Meigen et Tipula

oleracea Linneaus. La difficulté de lutte réside dans le fait que leurs cycles biologiques sont différents et se chevauchent à l’automne. En effet, la première appelée tipule des prairies

n’a qu’une génération par an (Piron, 2006). Les adultes émergent à partir de juillet et août avec un pic observé en septembre. Les adultes pondent aussitôt et ce sont les larves qui

font les dégâts sur racines de gazon à l’automne, mais aussi au printemps suivant avec des larves de 4ème stade plus grosses et plus voraces. Il faut cependant noter que les dégâts critiques sont ceux occasionnés par les oiseaux ou les petits mammifères qui en prospectant finissent par endommager le terrain. Concernant la tipule des jardins ou tipule potagère

Tipula oleracea L., bien que l’espèce soit méridionale, elle est de plus en plus présente sur tout le territoire, moins connue des gestionnaires de gazons, et pourtant plus nuisible. En effet, cette tipule a 2 générations par an avec une 1ère émergence des adultes en avril et la 2nde en octobre. Les larves poursuivent leur développement durant la période hivernale ce qui en fait des nuisibles potentiels sur toute cette période, ainsi qu’en été.

Hannetons

Depuis les années 2000, des dégâts de plus en plus fréquents de ‘vers blancs’ sont

observés en gazons, en pépinières et sur certaines zones de prairies entourées de bois.

Plusieurs espèces sont présentes : le hanneton commun (Melolontha melolontha L.), le

hanneton des jardins (Phylloperta horticola L.), et dans une moindre mesure le hanneton de la St Jean (Amphimallon solstitiale L.) et Anoxia villosa F plutôt localisé en sol sablonneux.

européen (Amphimallon majale R.) et parfois le hanneton d’été (Rhizotrogus aestivus O.)

(DGAL-SDQPV, 2013). Ces hannetons ont en commun d’avoir une biologie assez

semblable. On distingue 3 phases : une phase de vie souterraine qui dure environ 1

semaine, une phase d’activité épigée (une semaine), et une période de ponte (une semaine) (Piron, 2006). Les larves occasionnent des dégâts en général de juillet à septembre en consommant les radicelles et les racines. Selon les espèces de hannetons, le cycle peut

s’étaler sur 1 année (ex: A. majale, P. horticola), 2 années (ex : A. solstitiale) ou 3 années (ex : Melolontha melolontha,R. aestivus). Dans le cas où il se déroule sur plusieurs années,

les larves remontent chaque printemps en superficie du sol pour pouvoir s’alimenter et

changer de stade. L’hivernation elle se fait en profondeur en générale de mi-octobre à mars. Il est donc primordial de savoir identifier les espèces de hannetons présentes afin

d’optimiser les interventions phytosanitaires en fonction de la biologie, notamment dans le cas d’application de nématodes entomopathogènes.

Noctuelles

Concernant les noctuelles terricoles ou ‘vers gris’, ce sont principalement celles du genre

Agrotis qui posent problème, notamment Agrotis segetum et Agrotis ipsilon (Piron, 2006). Elles réalisent une à deux générations par an. Les adultes apparaissent de fin mars à mai

selon l’espèce et la région et pondent près du sol. Les larves se développent sur les mois de juin à juillet provoquant ainsi des dégâts directs et indirects sur gazons. Elles se cachent le jour sur les 2 premiers centimètres du sol ou bien dans les trous d’aération et consomment

la nuit les feuilles et tiges des graminées. EFFICACITE DES SOLUTIONS DE BIOCONTROLE

L’efficacité des nématodes entomopathogènes de la famille des Steinernematidae et Heterorabditidae contre ces ravageurs n’est plus à démontrer. Depuis les années 80, de

nombreux essais ont été réalisés apportant la preuve qu’il s’agit bien là de solutions à part

entière (Georgis et al., 2006). Tipules

Ce sont les nématodes Steinernema carpocapsae qui donnent la meilleure efficacité sur les stades larvaires L1 de tipules dans des conditions de températures supérieures à 15°C.

Oestergaard en Allemagne a ainsi démontré qu’on pouvait atteindre jusqu’à 82% de mortalité sur des stades L1- L2 (Oestergaard et al., 2006). Dans le cas de températures inférieures à 12°C, Steinernema feltiaepeut être utilisé mais l’efficacité reste quoiqu’il en soit plus faible qu’avec celle obtenue par S. carpocapsae. Sur stade larvaire L4, les deux espèces de nématodes ne permettent pas de dépasser les 30% de mortalité. Le moment de

l’intervention est donc primordial en fonction de la biologie du ravageur. Il pourra se réaliser sur le mois de Mai pour T. oleracea et à l’automne de mi-septembre à mi-octobre pour T. paludosa et T. oleracea.

Hannetons

Concernant les hannetons, Smits en 1999 en Hollande, montre une efficacité de

Heterorhabditis bacteriophora supérieure à 90% lorsqu’il est appliqué sur les stades L2 (20 juillet) ou L3 (10 août). De la même façon Sulistyanto et Ehlers en 1996 montrent une efficacité de 83% sur P. horticola, en présence d’Aphodius contaminatus.L’application a été

réalisée en juin, avant que P. horticola n’atteigne son 1er stade larvaire. C’est le

chevauchement des cycles qui a permis aux nématodes de se multiplier dans leurs hôtes

respectives et de persister ainsi dans le sol. Concernant Amphimallon solstitiale, les

nématodes de la famille des Heterorhabditidae sont les plus performants mais le parasitisme

n’excède pas 60%. Ce sont les stades L3 et nymphes les plus sensibles (Tomalak, 2004). Concernant Melolontha melolontha les essais ne présentent pas une aussi bonne efficacité

que sur P. horticola. Néanmoins des essais menés en Hollande par DLV Adviesgroep nv ont montré qu’en appliquant le nématode Heterorhabditis bacteriophora sur les jeunes stades larvaires L1/L2 de Melolontha melolontha plusieurs années de suite, une nette réduction des populations est observée. Ces applications doivent être effectuées en août ou septembre

avant que les jeunes larves s’enfoncent dans le sol. Ces applications sont notamment

nécessaires lorsque des adultes ont été observés au printemps ou en début d’été. Vis-à-vis de Rhizotrogus aestivus et Amphimallon majalis, H. bacteriophora n’a pas donné une

efficacité suffisante, seul S. glaseri a donné satisfaction mais ce nématode n’est

actuellement pas commercialisé, ni mentionné sur le territoire français. Noctuelles

Les « vers gris » sont très sensibles à un grand nombre d’espèces et de souches de nématodes entomopathogènes (Morris et Converse, 1991). En 1994, Buhler et Gibb suivent

un essai au champ avec deux nématodes Steinernema carpocapsae et Steinernema glaseri

sur Agrotis ipsilon. Un jour après l’application des nématodes, la mortalité des chenilles

terricoles provoquée par S. carpocapsae est supérieure à 90 % et est significativement

supérieure à S. glaseri dont la mortalité atteint environ 70 %. S. carpocapsae est donc le nématode auxiliaire le plus adapté à ce type de ravageur. Au vu du cycle des deux chenilles terricoles principales, les applications se feront essentiellement de mai à juillet sur jeunes stades.

En conclusion, les nématodes auxiliaires s’ils sont appliqués sur le bon stade et donc au bon

moment, apportent une efficacité supérieure à 80 % selon la cible. De plus, pour les ravageurs qui ont des cycles s’étalant sur plusieurs années, l’emploi des nématodes sur plusieurs années est important pour bien évaluer leur efficacité.

LA GESTION SANITAIRE ACTUELLE DES GAZONS

A ce jour, aucun insecticide n’est homologué en France vis-à-vis des ravageurs du sol sur gazons de graminées. La principale difficulté dans la gestion sanitaire est que bien souvent

les gestionnaires attendent d’avoir vu les dégâts pour intervenir alors que l’on se situe à des

stades avancés de la biologie du ravageur. Lors de l’utilisation des nématodes

entomopathogènes il est donc primordial de connaitre les espèces de ravageurs auxquelles on est confrontées ainsi que leur biologie pour pouvoir intervenir au bon moment.

LIMPORTANCE DES CONDITIONS DAPPLICATION

Outre la date d’application qui conditionne l’efficacité des nématodes en fonction du stade

biologique des ravageurs ( Peters et Vlug, 2005), d’autres facteurs rentrent en compte : Structure et texture du sol :

Une unité de recherche américaine (Cornell university) a travaillé sur l’influence de la

structure du sol (densité volumétrique et porosité) et sa texture (terreau sableux, terreau, terreau limoneux) (Portillo-Aguillar et al., 1999). Pour ce faire des larves de Galleria mellonella ont été positionnées à différentes distance et dans différents type de sol pour

évaluer la capacité de déplacement de 3 espèces de nématodes dans le sol : H.

bacteriophora, S. carpocapsae, S. glaseri ; leur capacité à parasiter et se reproduire, et leur persistance dans le sol. Les résultats sont que plus la densité volumétrique est élevée moins le parasitisme est bon. En effet, on considère que le mouvement des nématodes est rendu optimal si la porosité correspond au diamètre des nématodes. Néanmoins, la structure du

sol n’influence pas beaucoup le déplacement de S. carpocapsae qui a tendance à se mouvoir plutôt en surface que dans le profil de sol et à attendre sa proie. Ainsi, les mouvements sont facilités et le parasitisme augmente dans une texture plus sableuse. En revanche dans un sol de densité volumétrique importante (ex : sol argilo-limoneux), la

persistance est meilleure car les nématodes restant localisés dans un même endroit. La compaction joue donc un rôle important aussi.

Dans ces conditions, il est donc primordial d’appliquer les nématodes tôt en saison avant

que la compaction en soit trop importante ou bien que les nématodes soient apportés au

plus prêt de leurs cibles dans le sol pour s’affranchir au maximum de ces contraintes.

Conditions d’humidité du sol :

Dans ces travaux sur l’impact de l’humidité du sol sur la virulence des nématodes, Grant en

2003 montre le taux d’humidité de sol nécessaire à une bonne virulence des nématodes et

leur capacité à la restaurer en réhydratant le sol. L’humidité du sol est primordiale pour la

survie des nématodes et un film d’eau permet leur déplacement. Par comparaison, avec une

humidité de sol de 14%, on observe un parasitisme de 100% jusqu’à la 4ème semaine

d’inoculation des larves de G. mellonella ; alors qu’à une humidité de sol de 5%, elle est seulement de 40% sur la 2ème semaine, puis décline rapidement. Par ailleurs, c’est à des humidités de sol élevées que l’on observe le plus un impact dépréciatif de la température de sol sur la virulence des nématodes. Ainsi, à 30°C et une humidité de sol de 15% le

parasitisme en 5 semaines chute de 80% alors qu’il ne chute que de 20% à 20°C.

Au vu de ces résultats, il apparait donc nécessaire de prévoir une application des nématodes sur sol humide mais surtout de maintenir cette humidité dans les semaines qui

suivent l’application.

Les facteurs abiotiques pouvant influer sur la densité de nématodes :

Une étude menée en Ohio (USA) en 2006 sur 19 golfs, a montré l’influence de la gestion

différenciée de 3 zones du golf (green, fairways, rough) sur l’occurrence naturelle de

nématodes entomomopathogènes (Alumai, 2006). Ces 3 zones se distinguent pas les caractéristiques suivantes : 1) Green : insecticides fréquents, apports de fertilisants fréquents, irrigation régulière, tonte entre 2,5 et 5 mm, 2) Fairways : insecticides et apport de fertilisants moins fréquents, tonte entre 8 et 20 mm, 3) Rough : pas de fertilisation ni irrigation, tonte entre 1.3 et 10 cm.

Des nématodes entomopathogènes de 3 espèces : S. carpocapsae, H. bacteriophora et S.

glaseri, ont été retrouvés sur 42.9% des fairways de golfs échantillonnés et 57.1% des rough contre 0% des greens. Or, le taux moyen de matière organique était plus élevé sur les fairways et rough que sur les greens. De plus, le pH moyen, taux moyen de calcium et phosphore étaient plus élevés sur les greens que les fairways et rough. Aucune corrélation

n’a pu être mise en lumière entre l’âge du terrain de golf et la présence de nématodes. Il semble que finalement la présence des nématodes soit plus particulièrement liée à un sol

riche en sable, phosphore et potassium et un pH faible, de même qu’un taux de magnésium, calcium et une présence de limon faible. La structure du sol et ses caractéristiques physico-chimiques sont des paramètres importants dans la présence naturelle de nématodes

auxiliaires. Plusieurs auteurs rapportent aussi l’effet négatif des fertilisants (Shapiro et al., 1996 ; Bednarek et Gaugler, 1997) qui réduisent le potentiel infectieux et la virulence des nématodes.

Tous ces éléments sont donc à prendre en considération pour une utilisation optimisée des nématodes. Il est donc déconseillé de mélanger les nématodes à une application de fertilisants et de procéder à une gestion raisonnée global des greens afin d’en optimiser l’efficacité. De plus, devant l’absence de persistance des nématodes dans de telles

conditions, il est primordial de bien cibler les stades du ravageur pour intervenir, ainsi que de répéter les applications chaque année.

LES METHODES DAPPLICATION

Si l’humidité du sol est importante, des études ont montré qu’il était important d’irriguer avant les applications de nématodes (Suggars Downing, 1994). Ainsi, dans un essai conduit en

Ohio (USA) avec application de H. bacteriophora contre G. mellonella ; les parcelles

irriguées avant et après traitement ont donné d’excellents résultats avec 80 à 99% de

parasitisme. L’irrigation consistait à un arrosage de 14.6mm 12h avant, et 22.05mm

immédiatement après ou 18h après. Aucune différence significative n’est à relever selon la période d’irrigation post-traitement, et celle-ci peut être retardée d’au moins 18h. Cet essai révèle aussi que l’augmentation du volume de bouillie lors du traitement entre 0.16l/m² et

0.32 l/m² n’a pas d’effet sur l’efficacité des nématodes.

Concernant le matériel d’application, peu d’étude ont été réalisée et mise en relation avec la

performance des nématodes vis-à-vis des ravageurs. Néanmoins, une étude a été réalisée

comparant l’application de nématodes entomopathogènes à un traceur chimique

(Brusselman et al., 2010). Une rampe de pulvérisation avec 5 buses de marques différentes (teejet) a été utilisée à une pression de 4 bars. L’observation du modèle de distribution

volumétrique montre que la distribution est très différente d’une buse à l’autre pour les nématodes alors qu’elle est assez homogène pour le traceur chimique. De la même façon les diamètres de goutte sont très variables pour une même buse sur des distances différentes. La distribution entre les nématodes et le traceur chimique est significativement

différente avec un ‘halo’ de pulvérisation plus étroit. L’ajout de nématodes entraine un

spectre de gouttelettes plus étroit. On suppose que les gouttes contenant des nématodes sont plus lourdes ce qui pourrait expliquer le spectre plus étroit. Ainsi l’application ne semble

pas être aussi homogène que pour un produit de synthèse, ce qui peut constituer un facteur

limitant dans la performance des nématodes. L’application idéale serait par conséquent

l’utilisation directe d’injecteurs dans le sol. Le golf de la Grande Motte, par ses pratiques en

est un témoignage.

BIOCONTROLE DES MALADIES DU GAZON