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Conscients des limites des modèles qui prennent en compte seulement un domaine (cours d'eau ou aquifère), plusieurs chercheurs ont proposé des solutions pour modéliser les échanges couplés entre eau de surface et eau souterraine (voir la revue de Loague et Vanderkwaak, 2004). Ces modèles peuvent, par exemple, simuler des crues et, lorsqu'ils sont couplés avec un modèle de transport, permettre de suivre la dynamique de polluants dans l'aquifère et le cours d'eau. Le modèle CAWAQS (CAtchment WAter Quality Simulator, Flipo, 2005), par exemple, simule la qualité de l'eau des différents compartiments d'un bassin versant : sols, aquifères, cours d'eau. Il a été construit à partir des modèles STICS, NEWSAM et ProSe. Le module hydrologique du modèle CAWAQS couple un modèle hydraulique 1D en rivière (Even et al., 1998) avec un modèle d'écoulements pseudo 3D en aquifères multi- couches (NEWSAM, Levassor et Ledoux, 1996). Le modèle STICS (Brisson et al., 1998) fournit les concentrations en nitrate à la base de la zone racinaire.

De nombreuses interrogations subsistent sur les conditions de couplage entre les modèles souterrains et les modèles de surface (e.g. Discacciati et al., 2002 ; Anderson, 2003 ; Hussein et Schwartz, 2003) mais deux approches principales se démarquent pour la méthode de résolution numérique. On distingue ainsi la méthode de couplage indirect où deux modèles sont résolus séparément de manière séquentielle mais liés par des conditions aux limites particulières (on parle dans ce cas de couplage externe). Au contraire, les méthodes de couplage direct ("fully coupled approach", Vanderkwaak, 1999 ; Vanderkwaak et Loague, 2001) sont basées sur la réunion en une seule matrice des équations de chaque domaine et sur leur résolution simultanée à chaque pas de temps. Dans la suite de ce mémoire, nous parlerons

BIII.3.1. Exemples de modèles couplés indirectement

Plusieurs modèles de ce type ont été proposés dans la littérature depuis les deux dernières décennies (voir les revues de Loague et al., 2006 et Kollet et Maxwell, 2006). En 1996, Swain et Wexler ont par exemple créé le modèle MODBRNCH en couplant le code souterrain MODFLOW avec le modèle hydraulique BRANCH (Schaffranek, 1987) qui utilise les équations de Saint Venant pour simuler les écoulements dans le cours d'eau. En 2002, Discacciati et al. ont utilisé un modèle couplant les équations de Navier-Stokes en 2D intégrée pour l'eau de surface, et l'équation de Darcy pour l'écoulement souterrain. Le modèle FSTREAM développé par Hussein et Schwartz (2003) est un des premiers modèles couplés permettant de simuler le transport de solutés en plus de l'hydraulique. FSTREAM est le résultat du couplage du modèle souterrain FTWORK (Faust et al., 1993) avec une équation d'écoulement 1D pour les cours d'eau et l'équation d'advection/dispersion pour le transport. Une des conclusions de ces travaux est que la prise en compte des échanges depuis l'aquifère jusqu'au cours d'eau peut modifier considérablement les prédictions sur la dynamique des solutés dissous.

Ces modèles couplés peuvent être résolus de façon itérative, ce qui implique la résolution des écoulements de surface et souterrains sur des pas de temps communs. La résolution peut également être non itérative : les écoulements dans le cours d'eau et l'aquifère sont résolus séparément et à chaque pas de temps, l'équilibre des masses ("mass balance") est maintenu en mettant à jour les conditions de flux d'eau et de masse entre les deux domaines. Cette méthode est très intéressante car elle permet d'utiliser des pas de temps différents pour les deux domaines (Vionnet et Rodriguez, 1998 ; Fairbanks et al., 2001). Ainsi, les pas de temps choisis pour l'aquifère sont généralement bien plus grands que ceux du cours d'eau (Hussein et Schwartz, 2003). On peut donc adapter la méthode de résolution à chaque équation et par ailleurs minimiser les erreurs de couplage par des pas de temps bien choisis. En contrepartie, un effort d'optimisation du couplage est nécessaire pour limiter les erreurs, en particulier dans les systèmes très interactifs (Hussein et Schwartz, 2003 ; Langevin et al., 2005) et les temps de calculs peuvent être longs. Pour répondre à ces deux derniers points, Vanderkwaak (1999) puis Vanderkwaak et Loague (2001) proposèrent une approche couplée directement pour les écoulements de surface et les écoulements souterrains.

BIII.3.2. Modèles couplés directement

Cette approche, baptisée "fully coupled solution" (Vanderkwaak, 1999) ou "simultaneous coupling procedure" (Gunduz et Aral, 2003) consiste à former et résoudre une seule matrice à partir des équations du cours d'eau et de l'aquifère. Fairbanks et al. (2001) ont démontré que cette méthode est très robuste numériquement, qu'elle permet d'éviter le passage par des méthodes d'optimisation itérative (nécessaires pour les couplages indirects), et qu'elle est généralement plus rapide que l'approche itérative (Panday et Huyakorn, 2004). Le modèle de Vanderkwaak (1999), baptisé InHM (Integrated Hydrology Model), a été développé et calibré sur un petit bassin versant de 0,1 km² pour étudier en particulier les mécanismes de ruissellement et d'infiltration suite aux événements pluvieux. Plusieurs modèles directement couplés de complexité variable ont été récemment proposés pour simuler les écoulements de surface et souterrains. La grande majorité d'entre eux couplent un modèle de surface 1D avec un modèle souterrain saturé 2D (Gunduz et Aral 2003 ; 2005) ou avec un modèle 3D à saturation variable (Vanderkwaak et Loague, 2001 ; Morita et Yen, 2002). Ces modèles ont été développés avant tout à l'échelle de bassin versant, dans le but de donner une idée générale du fonctionnement hydraulique du bassin et de dresser des bilans hydrologiques complets (Panday et Huyakorn, 2004 ; Gunduz et Aral, 2005). Bien que ces modèles couplés pourraient être très intéressants dans le cadre de l'étude de la zone hyporhéique, de telles applications sont encore très rares. En 2007, Cardenas et Wilson ont proposé de coupler directement les équations de Navier-Stokes en 2D et les équations de Darcy, à l'aide du logiciel COMSOL Multiphysics. Leur modèle permet de simuler les interactions hydrodynamiques entre la colonne d'eau (écoulement unidirectionnel et stationnaire) et le fond perméable du cours d'eau constitué de "dunes" triangulaires. Leur application se limite toutefois actuellement à un système théorique et à échelle très réduite, de l'ordre de quelques mètres.

BIII.3.3. Recherches futures

De par leur nature, les modèles couplés directement seraient de bons outils pour l'étude de la zone hyporhéique. En effet, ces derniers permettent d'assurer la continuité entre la masse d'eau de surface et la masse d'eau interstitielle connectées au niveau des limites du chenal. Les applications de modèles adaptés à l'étude des échanges entre cours d'eau et aquifère seraient

estimation de la recharge de l'aquifère par le cours d'eau et inversement ; 4/ estimation des flux d'eau et de matière échangés dans les deux sens entre cours d'eau et aquifère...

Cependant, les modèles couplés directement qui sont actuellement disponibles ne sont pas bien adaptés à cette problématique. Ils considèrent en effet des échelles trop larges et/ou des processus complexes qui ne sont probablement pas indispensables (ruissellement, transport en zone non saturée...) dans le cas de l'étude de la zone hyporhéique. De plus, les modèles directement couplés actuels sont essentiellement des modèles hydrauliques qui ne permettent donc pas de simuler la dynamique des solutés dans l'hydrosystème.