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AII.3.1. Les différentes formes de l'azote dans l'environnement

L’azote est présent sous forme organique dans les sols et les êtres vivants. En effet, l’azote, avec le carbone, l'oxygène, l'hydrogène et le phosphore, est un des éléments les plus importants composant la matière vivante. C’est un élément vital des protéines et des acides nucléiques qui constitue par exemple environ 10% de la masse de poids sec des bactéries (Duff et Triska, 2000). Les bactéries, les champignons, les algues et les plantes assimilent l’azote sous forme de nitrate (NO3-) ou d’ammonium (NH4+). Dans l'environnement, on

trouve également de l'azote minéral (gazeux et dissous) dont les principales formes sont regroupées dans le Tableau 1.1.

Tableau 1.1. Principales formes de l’azote inorganique présentes dans l'environnement.

La majeure partie de l’azote dans les milieux aquatiques est liée à la matière organique et n’est pas "biodisponible". Son assimilation passe donc par la minéralisation jusqu'à la forme NH4+qui peut être consommée directement ou transformée en NO3-par les bactéries. Dans les

organique (particulaire et/ou dissoute) et provient en grande partie de l'eau souterraine circulant sous la forêt qui transporte de la matière organique issue des végétaux terrestres (Wondzell et Swanson, 1996b). Dans les cours d'eau de plaine, les sources d'azote sont généralement plus nombreuses et diversifiées (apports depuis les affluents, effluents domestiques ou industriels, agriculture...) et une bonne partie de l'azote provenant du bassin versant est transformée en azote organique dissous et en nitrates (Duff et Triska, 2000).

AII.3.2. Le cycle de l’azote

Le passage entre les différentes formes de l’azote (minérales et organiques) a été décrit sous forme de cycle (Figure 1.12) qui comprend cinq voies métaboliques principales faisant intervenir de nombreux organismes animaux et végétaux ainsi que des micro-organismes (Heathwaite, 1993).

- L’assimilation du nitrate : transformation de l’ammonium en azote organique par l’intervention d’organismes autotrophes comme les plantes.

- La minéralisation ou ammonification : l'azote organique peut être transformé en NH4+ par

l’intervention d’organismes hétérotrophes (champignons, actinomycètes, bactéries...). Le NH4+ est la forme la plus réduite de l'azote minéral, il est réoxydable par des réactions de

nitrification en NO2- et NO3-. Sous ces trois formes minérales, mais surtout NH4+ et NO3 -

, l'azote peut être assimilé par des micro-organismes et des végétaux. L'assimilation microbienne implique surtout la forme ammoniacale, les végétaux supérieurs préférant les nitrates.

- La nitrification : assure l’oxydation de l’ammonium, généralement jusqu’au stade nitrate. Les bactéries qui effectuent ces transformations sont autotrophes (elles sont capables de synthétiser leur biomasse à partir de matière minérale) et chémolitotrophes (leur énergie métabolique n’est produite qu’à partir de réactions faisant intervenir des substances minérales).

Figure 1.12. Schéma du cycle biologique de l’azote (extrait de Bothe et al., 2007).

- La dénitrification : en conditions anoxiques (pas d'oxygène dissous), ou parfois suboxiques (concentration en oxygène dissous < 0.2 mg.L-1), les nitrates sont utilisés par certaines bactéries des sédiments comme accepteur final d’électrons dans leur chaîne respiratoire. Ces bactéries "respirent" le nitrate à la place de l’oxygène. Ce processus est très important car il peut permettre la dépollution naturelle des eaux nitratées. Il a donc fait l'objet de nombreuses études (e.g. Triska et al., 1989 et 1993b ; Duff et Triska, 1990). La dénitrification implique différentes communautés microbiennes qui réalisent plusieurs réactions chimiques successives. Les produits finaux de la réaction sont les formes gazeuses de l’azote, N2et N2O.

Le protoxyde d'azote N2O, un gaz à effet de serre marqué, peut s'échapper sous forme gazeuse

par l'atmosphère du sol ou du sous-sol. Ainsi, si la dénitrification n’est pas totale, elle peut participer à l'augmentation des gaz à effet de serre. Le taux de dénitrification est déterminé par quatre principaux facteurs : la quantité d'oxygène, la concentration de NO3-, la richesse et la biodégradabilité de la matière organique assimilable par les bactéries. Les taux de dénitrification les plus élevés s'observent lorsque les trois conditions suivantes sont réunies : peu d'oxygène, beaucoup de NO3-et beaucoup de carbone biodisponible. En l'absence de l'un ou l'autre de ces facteurs, le taux de dénitrification peut devenir négligeable. De plus, la dénitrification étant réalisée par de nombreuses espèces de bactéries ayant des exigences

physico-chimiques différentes, les valeurs optimales pour les paramètres influençant la dénitrification peuvent varier en fonction de l’espèce bactérienne concernée. Les taux de dénitrification sont donc très variables selon les domaines étudiés (voir par exemple Fustec et Frochot, 1996). Comme cette réaction ne se produit qu'à des taux d'oxygène très bas, c'est dans les sols gorgés d'eau qu'elle est généralement la plus intense. Nous reparlerons en détail de la dénitrification dans les Chapitres 4 et 5 de ce mémoire.

- La fixation de N2: seules les plantes légumineuses sont capables de fixer l’azote gazeux de

l’air par l’intermédiaire de bactéries qui vivent en symbiose avec elles, les rhizobiums. Le produit final de la réaction est alors l’ammonium. La fixation peut aussi se produire de façon chimique, par réaction de N2 avec l’oxygène, mais c’est un processus thermodynamiquement

très défavorable qui nécessite des conditions exceptionnelles (un orage par exemple).

AII.3.3. Dynamique de l’azote à travers la zone hyporhéique

La majorité des études portant sur le fonctionnement biogéochimique de la zone hyporhéique ont porté sur la dynamique de l'azote et plus particulièrement des nitrates (Duff et Triska, 2000). Les récents travaux dans ce domaine ont montré que les processus affectant la dynamique des nitrates dans la zone hyporhéique peuvent varier très largement selon les sites étudiés (Storey et al., 2004). Malgré le nombre important d'études décrivant les transformations des nitrates dans la zone hyporhéique (revues de Duff et Triska, 2000 ; Birgand et al., 2007), il est encore très difficile de déterminer les conditions qui font que cette zone agit comme un puits ou une source d'azote (Dent et al., 2000).

En 1996, Jones et Holmes ont proposé un modèle conceptuel de fonctionnement (Figure 1.13) : pour eux, la zone hyporhéique des cours d'eau riches en azote serait un puits de nitrate consommés par dénitrification, tandis que dans les cours d'eau limités en azote, les processus de nitrification seraient dominants et entraîneraient une augmentation des nitrates dans le cours d'eau. Plusieurs travaux dans des cours d'eau limités en azote (e.g. Wondzell et Swanson, 1996b) et les rares travaux menés dans les cours d'eau riches en nitrates (e.g. Hill et

Figure 1.13. Transformation de l'azote dans la zone hyporhéique A) d'un écosytème limité en azote

(Sycamore creek, AZ, USA), la nitrification est le processus dominant dans le cycle de l'azote et B) d'un écosytème riche en azote (la Garonne, France), la dénitrification est plus importante que la nitrification et entraîne une réduction de la concentration en nitrate dans la zone hyporhéique (extrait de Jones et Holmes, 1996).

Toutefois, il existe une infinité de possibilités entre ces deux cas "extrêmes". L'importance relative de chacun de ces processus est déterminée par l'intensité des échanges avec l'eau de surface, la qualité des eaux de surface et souterraine (notamment les concentrations en nitrates, ammonium et carbone organique dissous) qui se mélangent au niveau de la zone hyporhéique, les populations bactériennes, la température et les teneurs en oxygène (Duff et Triska, 2000 ; Iribar et al., 2008).

Le rôle déterminant de l'oxygène a été souligné par plusieurs auteurs (Baker et al., 2000) : dans les zones hyporhéiques où l'eau est bien oxygénée, la nitrification prévaut sur la dénitrification et inversement quand l'eau interstitielle est anoxique. Cependant, plusieurs études rapportent d'importants taux de dénitrification dans des zones de sédiments saturés qui semblent bien oxygénés (Holmes et al., 1996 ; Sanchez-Pérez et al., 2003b ; Iribar et al., 2008) et les processus de nitrification et de dénitrification coexistent bien souvent dans la zone hyporhéique. Cela s'expliquerait par la formation de "poches" anoxiques autour des biofilms fixés à la surface des sédiments qui pourraient dénitrifier l'azote dissous dans l'eau interstitielle malgré des conditions ambiantes apparemment non anoxiques (Baker et al., 2000). Il est malheureusement impossible de trouver des modèles généraux concernant la dynamique de l'oxygène dissous dans la zone hyporhéique car c'est une fonction complexe de

Distance le long de l'écoulement (m)

plusieurs facteurs dont la conductivité hydraulique des sédiments, les temps de résidence de l'eau, la disponibilité de matière organique et le métabolisme des biofilms. Toutefois, l'hydraulique joue probablement un rôle très important (Jones et Holmes, 1996 ; Tockner et

al., 2000) et pourrait notamment expliquer le fait que les taux de dénitrification décroissent

généralement dans les zones moins connectées au cours d'eau (Kellogg et al., 2005).

AII.3.4. Le carbone : source d'énergie pour la zone hyporhéique

L'essentiel de la matière organique s'infiltre dans la zone hyporhéique sous forme de Carbone Organique Dissous (COD). Les études réalisées sur les échanges de COD entre l'eau de surface et la zone hyporhéique ont montré que le COD apporté par le cours d'eau est une source d'énergie indispensable pour le métabolisme de la zone hyporhéique (Jones et al., 1995 ; Sobczak et al., 2003). La quantité et la qualité du COD dans la zone hyporhéique ont un effet déterminant sur les biofilms fixés à la surface des sédiments et régulent par conséquent les processus biogéochimiques dans la zone (Schindler et Krabbenhoft, 1998). La zone hyporhéique peut donc agir comme un puits (Findlay et al., 1993) ou comme une source de COD pour le cours d'eau (Kaplan et Newbold, 2000). Plusieurs études soulignent également le fait que le Carbone Organique Particulaire (COP), stocké dans la zone hyporhéique pendant les crues, apporté depuis le milieu terrestre ou provenant d'organismes morts, peut représenter une source de carbone non négligeable pour les processus hétérotrophiques de la zone hyporhéique (e.g. Sobczak et al., 1998 ; Brugger et al., 2001 ; Peyrard et al., soumise, voir Chapitre 4).

Les processus liés au COD dans la zone hyporhéique sont donc complexes et résultent de nombreuses interactions entre les processus biogéochimiques et hydrologiques (Kaplan et Newbold, 2000). Des travaux menés dans des bancs de galets situés dans des méandres de la Garonne, complétés par des études effectuées sur un cours d'eau du nord-ouest des Etats-Unis, ont permis d'établir un modèle conceptuel du fonctionnement d'un banc de galets vis-à-vis des flux de COD (Vervier et al., 1992). Il consiste à séparer le cycle hydrologique en trois périodes correspondant aux basses eaux, aux faibles montées de débits et aux périodes de forts débits (Figure 1.14). Lors de la première période, le banc de galets est considéré comme

superficielles ou de la sous-unité située en amont, et de la transformation d'une partie du COP en COD (Vervier et al., 1993 ; Bernard et al., 1994).

Figure 1.14. Modèle conceptuel de la dynamique du COD dans un banc de galets. A) En période de

basses eaux, il n'y a pas de gradient, les concentrations en COD sont déterminées par des sous-unités ayant leurs propres caractéristiques. B) En période de hautes eaux, les concentrations en COD suivent une fonction logarithmique de la distance parcourue dans le banc de galets. C) Pendant les forts débits, des processus de dilution se mettent en place.

Lors de légères augmentation de débit, cette organisation serait détruite par les écoulements qui établissent des connections hydrauliques entre l'amont et l'aval du banc. Dans ce cas, les concentrations en COD seraient modifiées suivant une fonction logarithmique de la distance parcourue dans le banc de galets. Pendant la troisième période, des processus de dilution se mettent en place (Bernard et al., 1994). Dans ce cas, la perméabilité est très élevée puisque le degré de colmatage est diminué (Vervier et al., 1992).