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LES BESOINS D’UNE OFFRE DE FORMATION

ET D’UN DISCOURS

POLITIQUE

« Les usines vont surtout aller là où elles peuvent disposer de gens qui ont la compétence et peuvent assurer leur travail durablement », prévoit Mathieu Cura. Aux territoires donc de créer les conditions idoines. « L’offre de formation est un véritable levier », admet Julien Lahaie, selon qui « le territoire doit faire émerger chaque année ingénieurs et techniciens diplômés spécialisés pour attirer les industriels voulus ». Ce qui suppose une anticipation des besoins. Ainsi, dans la région lyonnaise, des industriels siègent par exemple dans le conseil d’administration de l’Insa ou de l’Ensam à Cluny… Malheureusement, l’éducation nationale fait plus généralement preuve d’une certaine inertie. « Le secteur public éprouve encore des difficultés à cerner, prévoir les besoins des entreprises et évoluer en conséquences », déplore Anaïs Voy - Gillis. Jesus Gonzales - Feliu évoque les écoles d’entreprises, les campus privés… mais insiste aussi sur « le devoir des pouvoirs publics de mettre en place des établissements performants. L’Afpa, les Greta… doivent toujours plus former d’ouvriers et de techniciens. Le mixte est nécessaire ».

Cependant, les manquements en termes de formation ne sont pas les principaux écueils pour Jean - Louis Meynet, fondateur de Hank et Directeur général d’Archamps Technopole : « considérez l’Allemagne ou l’Italie ; les collectivités et les branches y sont très actives. En France, nous avons tout simplement abandonné l’industrie et il est dur de combler le retard. Une culture industrielle encouragerait le marketing territorial et la mise en place de BTS, Bac Pro… ». Gilles Novarina perçoit aussi les dysfonctionnements de formation comme une conséquence. « Le problème est avant tout culturel et provient d’un abandon de l’industrie dans nos esprits depuis 30 ans, au profit d’une hypothétique société de services ». Un véritable discours doit donc être initié. « Ce n’est pas tant une question d’argent que de vision de la part de l’Etat et des collectivités », approuve Anaïs Voy - Gillis. Le sujet de l’industrie était même un temps devenu tabou selon Julien Lahaie. « A Lyon, Raymond Barre, Michel Noir et Gérard Collomb ont malgré tout fait preuve de volontarisme politique et ont continué d’accueillir des usines Seveso. Sur l’aire urbaine, 17% des emplois restent industriels et nous nous efforçons de conserver le mixte formation adaptée, conception/R&D ( Sanofi, Safran, Boehringer Ingelheim… ) et réseaux de sous-traitants, sans oublier les infrastructures ». Thibault Nugue, urbaniste responsable du laboratoire des pratiques émergentes chez Patriarche, illustre ce besoin d’incarnation avec la Vallée de la Chimie. « Rhône - Poulenc était emblématique. Même si l’acteur souffrait d’une image dégradée à cause de la pollution, tout le monde savait ce qui était produit à cet endroit. Puis le démantèlement a plongé le site dans un relatif anonymat. Qui sait aujourd’hui qu’en ce lieu plus de 2 000 personnes travaillent sur l’industrie du futur ? ». Pour Romain Albert et Baptiste Baurens, cette bataille de l’image auprès des étudiants, des consommateurs, des jeunes talents, passe par l’éthique et l’environnement qui vont redorer le blason de l’industrie d’aujourd’hui. « Le réenchantement se forge dès le plus jeune âge, avec des opérations au collège pour montrer aux élèves ce que l’industrie peut apporter », évoque Hugo Nivoix.

TABLE RONDE #1

LE MYTHE DE

L’ENTREPRISE OUVERTE

Les fournisseurs - partenaires qui peuvent modifier leur solution chez leurs commanditaires et qui font même partie de l’ « entreprise élargie », relèvent encore de l’exception. Pour l’heure, l’intégration est encore très faible dans de grandes filières comme l’aéronautique ou l’automobile. Le chemin est encore long avant que les donneurs d’ordre deviennent des espaces ouverts. Bien souvent, la maturité n’est pas encore de mise des deux côtés. Les grands comptes adoptent une vision financière en essayant avant tout de faire supporter le coût du stock à leurs fournisseurs quand chez ceux-ci, le commercial est roi et s’engage sur des délais que son entreprise a du mal à tenir. Selon Jesus Gonzales-Feliu, maître de conférence-chercheur spécialiste de la logistique à l’Ecole des mines de Saint - Etienne, « les entreprises dans l’automobile et plus largement la mécanique disposent généralement de 2-3 partenaires principaux avec qui elles établissent des liens durables, puis d’une myriade de petits acteurs auxquels elles font ponctuellement appel en période de surchauffe ». Certes, les mentalités évoluent et les interactions se multiplient. Le co - manufacturing se développe par exemple, comme Daimler et BMW qui peuvent produire sur un même site. « Mais ce genre de mesure relève d’une rationalisation de production, plus que d’une logique de partenariat », nuance Anaïs Voy - Gillis. Pourtant, « l’accélération des cycles de production et la complexification des processus obligent les acteurs à assurer toujours plus de fonctions et donc à initier plus d’externalisation mais aussi de collaborations », rappellent Romain Albert et Baptiste Baurens de ForCity. « Des PME-PMI se tournent vers l’extérieur pour le suivi de gestion des stocks, les logiciels, l’aide à la production et les services afférents à la machine… mais aussi parfois pour leur R&D ou leur fonction commerciale », constate Jesus Gonzales - Feliu.

La densification des liens sur un territoire devient vitale et pourtant elle ne va pas de soi pour des entreprises généralement méfiantes vis-à-vis de leurs voisins. Par exemple, les matières ne s’échangent pas aussi facilement que ce qui est décrit dans les boucles d’économie circulaire.

Les acteurs ne sont jamais d’accord sur les coûts, surtout si l’un d’eux se développe plus que l’autre. Dès qu’il y a mutualisation, la séparation devient difficile. Le partage de salariés et de compétences passe encore moins bien ; la crainte de vols industriels reste vivace. « Bien souvent les ouvriers de la maintenance se connaissent, s’entraident et peuvent même s’échanger du matériel en dépannage. Mais les dirigeants n’osent pas initier de vrais liens », analysent Anaïs Voy - Gillis et Mathieu Cura. La mutualisation n’est pas réellement entrée dans les mœurs. « Avec toutes les technologies dont nous disposons aujourd’hui, nous pourrions mettre en place des communautés de projet sur les territoires. Mais le chemin est encore long », énonce Julien Lahaie, directeur de la Mission Vallée de la Chimie à la délégation du développement économique de la Métropole de Lyon.

LES BESOINS D’UNE

OFFRE DE FORMATION

ET D’UN DISCOURS

POLITIQUE

« Les usines vont surtout aller là où elles peuvent disposer de gens qui ont la compétence et peuvent assurer leur travail durablement », prévoit Mathieu Cura. Aux territoires donc de créer les conditions idoines. « L’offre de formation est un véritable levier », admet Julien Lahaie, selon qui « le territoire doit faire émerger chaque année ingénieurs et techniciens diplômés spécialisés pour attirer les industriels voulus ». Ce qui suppose une anticipation des besoins. Ainsi, dans la région lyonnaise, des industriels siègent par exemple dans le conseil d’administration de l’Insa ou de l’Ensam à Cluny… Malheureusement, l’éducation nationale fait plus généralement preuve d’une certaine inertie. « Le secteur public éprouve encore des difficultés à cerner, prévoir les besoins des entreprises et évoluer en conséquences », déplore Anaïs Voy - Gillis. Jesus Gonzales - Feliu évoque les écoles d’entreprises, les campus privés… mais insiste aussi sur « le devoir des pouvoirs publics de mettre en place des établissements performants. L’Afpa, les Greta… doivent toujours plus former d’ouvriers et de techniciens. Le mixte est nécessaire ».

Cependant, les manquements en termes de formation ne sont pas les principaux écueils pour Jean - Louis Meynet, fondateur de Hank et Directeur général d’Archamps Technopole : « considérez l’Allemagne ou l’Italie ; les collectivités et les branches y sont très actives. En France, nous avons tout simplement abandonné l’industrie et il est dur de combler le retard. Une culture industrielle encouragerait le marketing territorial et la mise en place de BTS, Bac Pro… ». Gilles Novarina perçoit aussi les dysfonctionnements de formation comme une conséquence. « Le problème est avant tout culturel et provient d’un abandon de l’industrie dans nos esprits depuis 30 ans, au profit d’une hypothétique société de services ». Un véritable discours doit donc être initié. « Ce n’est pas tant une question d’argent que de vision de la part de l’Etat et des collectivités », approuve Anaïs Voy - Gillis. Le sujet de l’industrie était même un temps devenu tabou selon Julien Lahaie. « A Lyon, Raymond Barre, Michel Noir et Gérard Collomb ont malgré tout fait preuve de volontarisme politique et ont continué d’accueillir des usines Seveso. Sur l’aire urbaine, 17% des emplois restent industriels et nous nous efforçons de conserver le mixte formation adaptée, conception/R&D ( Sanofi, Safran, Boehringer Ingelheim… ) et réseaux de sous-traitants, sans oublier les infrastructures ». Thibault Nugue, urbaniste responsable du laboratoire des pratiques émergentes chez Patriarche, illustre ce besoin d’incarnation avec la Vallée de la Chimie. « Rhône - Poulenc était emblématique. Même si l’acteur souffrait d’une image dégradée à cause de la pollution, tout le monde savait ce qui était produit à cet endroit. Puis le démantèlement a plongé le site dans un relatif anonymat. Qui sait aujourd’hui qu’en ce lieu plus de 2 000 personnes travaillent sur l’industrie du futur ? ». Pour Romain Albert et Baptiste Baurens, cette bataille de l’image auprès des étudiants, des consommateurs, des jeunes talents, passe par l’éthique et l’environnement qui vont redorer le blason de l’industrie d’aujourd’hui. « Le réenchantement se forge dès le plus jeune âge, avec des opérations au collège pour montrer aux élèves ce que l’industrie peut apporter », évoque Hugo Nivoix.

TABLE RONDE #1

POLITIQUE FONCIÈRE