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Chapitre 6 : Discussion

6.1 Discussion sur la contribution scientifique des résultats empiriques

6.1.1 Besoins des mères en période postnatale

La section suivante présente, dans un premier temps, les besoins motivant le recours aux relevailles suivi d’une discussion portant sur tous les besoins en période postnatale y compris ceux motivant le recours aux relevailles. Finalement, elle présente une comparaison entre les résultats de notre échantillon (mères sans particularité) et ceux d’autres études où cette distinction n’était pas nécessairement faite.

Besoins motivant le recours aux relevailles

Les résultats nous démontrent que les mères parlent de trois grandes catégories de besoins présents lors de la période postnatale. Il s’agit des besoins physiologiques, des besoins psychosociaux et des besoins instrumentaux.

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Au niveau des besoins physiologiques, le besoin de repos et de répit est celui qui ressort le plus souvent du discours des mères. Ceci n’est pas surprenant puisqu’il s’agit d’une période de transition importante pour les mères (Deave et al., 2008). Elles doivent non seulement se remettre de la fatigue de la fin de grossesse et de l’accouchement, mais également négocier avec des réveils nocturnes fréquents afin de satisfaire au besoin d’alimentation du nouveau- né. Les résultats présentés indiquent que se reposer est le besoin physiologique le plus important mentionné par la mère et c’est la raison pour laquelle une catégorie a été créée spécifiquement pour ce besoin. Plusieurs auteurs ont rapporté que le besoin de repos et de sommeil était parmi les besoins les plus présents chez la nouvelle mère pour plusieurs raisons (Barnes et al., 2008; O'Reilly, 2004). Certaines participantes ont mentionné que la récupération était plus difficile avec un nouveau-né, notamment à cause des réveils nocturnes fréquents. La perturbation du cycle normal de sommeil de la mère a été mentionnée comme étant une raison rendant la récupération physique plus difficile suite à la naissance d’un enfant (Hunter et al., 2009). Il y a d’autres besoins physiologiques qui sont mentionnés par les mères, mais ils le sont dans une moindre mesure. Il s’agit des autres besoins de base, c’est-à-dire se nourrir, se laver et faire de l’exercice. En fait, les mères ont indiqué avoir besoin de quelqu’un pour s’occuper de leur bébé pendant qu’elles vont vaquer à certaines occupations. Les mères ont besoin d’une personne de confiance qui s’occupe de leur bébé afin qu’elles prennent un moment pour aller manger ou prendre un bain sans se presser.

Les résultats présentés indiquent qu’au niveau des besoins psychosociaux, le répit est celui qui est mentionné le plus souvent. Il s’agit souvent pour la mère d’avoir un temps pour soi. Très souvent, couplé à ce besoin de répit est le besoin de sortir de la maison, aller faire quelque chose d’autre que de s’occuper du bébé. Le besoin de socialiser arrive en second en termes de fréquence de mention chez les mères interrogées, après le besoin de répit. Les mères mentionnent se sentir isolées, seules à la maison avec leur bébé. Ceci n’est pas surprenant puisque l’isolement est souligné par les mères lors de la période postnatale (Hogg & Worth, 2009). Le soutien social est souvent présent dans les jours suivant le retour à la maison, mais s’effrite par la suite (Herbert, 1993). Les mères de notre échantillon apprécient les visites de l’assistante périnatale puisque cela leur permet de socialiser et de briser l’isolement.

83 Les besoins instrumentaux

Les résultats présentés indiquent qu’au niveau des besoins instrumentaux, l’aide pour la logistique familiale et les tâches domestiques sont ceux nommés le plus fréquemment. Plusieurs études sont arrivées à la conclusion que l’aide pour la logistique familiale et les tâches domestiques étaient les principaux besoins au niveau instrumental (Doucet et al., 2012; Negron et al., 2013). Il est intéressant de noter que plus de la moitié des mères primipares (60 %) et plus du tiers des multipares (39 %) disaient avoir besoin d’aide en général lorsqu’elles ont contacté l’organisme offrant des relevailles. Elles savaient qu’elles avaient besoin d’aide, mais n’étaient pas toujours capables de nommer spécifiquement le type d’aide dont elles avaient besoin. C’est un point intéressant à noter, puisqu’il peut être difficile pour les personnes entourant les mères (son réseau social) de lui offrir de l’aide si cette demande est vague. Lorsqu’il y a présence d’enfants plus âgés, les mères vont profiter du fait que l’assistante périnatale s’occupe du bébé pour passer du temps avec les plus vieux, soit en faisant une activité dans la maison ou en sortant à l’extérieur. D’autres études ont également trouvé ce besoin chez les mères de plus d’un enfant (MacPherson et al., 2010; Negron et al., 2013). Un autre besoin répertorié dans la littérature et qui a été mentionné par nos participantes est le besoin d’aide pour s’occuper du nouveau-né afin de se reposer ou de passer du temps avec un autre enfant (Cronin, 2003; Doucet et al., 2012; O'Reilly, 2004).

Les besoins en période postnatale sont plus nombreux que les besoins motivant le recours aux relevailles. En plus des besoins décrits précédemment et qui motivent le recours aux relevailles, les mères soulignent d’autres besoins présents en période postnatale. Le premier

besoin physiologique concerne le suivi postnatal pour la mère ou le nouveau-né. En effet,

au cours des premières semaines suivant l’accouchement, la mère et le bébé auront besoin d’un suivi médical, d’une part pour s’assurer du retour au stade pré gravide de l’appareil reproducteur pour la mère, et d’autre part afin de s’assurer du bon développement du nouveau-né. Un autre besoin mentionné par les mères concerne le soutien pour l’allaitement. Plusieurs mères devront aller chercher de l’aide pour les soutenir dans leur allaitement, que ce soit au niveau des professionnels de la santé (médecin, sage-femme, infirmière) ou de services communautaires d’aide pour l’allaitement. Les difficultés liées à l’allaitement sont présentes chez certaines mères et augmentent le stress de ces dernières (Börjesson et al.,

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2004; Razurel et al., 2011). Ainsi, pour répondre à certains besoins physiologiques, des intervenants plus spécialisés sont nécessaires. Au niveau des besoins psychosociaux, c’est surtout le besoin d’un suivi psychologique qui n’est pas un besoin motivant le recours aux relevailles. En effet, ce besoin nécessite le suivi d’un professionnel de la santé et c’est par une mobilisation efficace du soutien social que la mère pourra aller chercher de l’aide pour combler ce besoin. Les relevailles peuvent offrir un répit psychologique, un soutien ou une écoute de la mère. Par contre, puisque ce sont des intervenantes communautaires qui effectuent les relevailles, il ne peut s’agir d’un soutien psychologique professionnel. Au niveau des besoins instrumentaux, c’est le suivi professionnel des enfants qui n’est pas une raison de recours aux relevailles. Il peut s’agir du suivi de santé régulier du bébé ou encore du suivi d’un membre de la fratrie par un professionnel (médecin, travailleur social, etc.). Il est ainsi possible de constater que les besoins en période postnatale sont plus nombreux que ceux motivant le recours aux relevailles.

Un autre élément nécessite une discussion, il s’agit du fait que les participantes de cette étude étaient des mères sans particularité de santé, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de mères de jumeaux, d’enfant présentant un trouble du développement ou ayant elles-mêmes des particularités de santé. Il est intéressant de constater qu’en termes de besoins, ceux-ci ne semblent pas différents pour les mères de notre échantillon par rapport aux besoins des deux études élargies ou de ce qui est rapporté dans les écrits. Ce qui semble différent toutefois concerne l’intensité des besoins et non leurs caractéristiques. Dans les deux études élargies de Roch et al (2015; 2016 b), il y avait parmi les personnes interrogées des parents de jumeaux, des parents avec des problèmes de santé ou encore dont les enfants présentaient certains problèmes de santé. Les besoins alors identifiés n’étaient pas différents de ceux de la présente recherche (mères sans particularité). Cependant, l’intensité de certains besoins était, elle, plus élevée puisqu’afin d’y répondre les parents avaient non seulement recours aux relevailles mais également à des services offerts par les établissements de santé par le biais de leur CLSC. C’est entre autres le cas du besoin de se reposer/dormir et de soutien pour la logistique. Ainsi, ce n’est pas la nature, mais bien l’intensité des besoins qui est différente.

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Aux fins de cette étude, les pères ont été exclus puisque les objectifs de recherche ne portaient que sur les mères. Il s’agit d’un choix de l’auteure de cette recherche. Il n’y avait donc que des femmes. Cependant, dans les études élargies, bien que peu nombreux des pères avaient également participé aux entretiens. En fait, il n’y avait que 4 pères dans les études élargies. Lors des entretiens, les mères ont été questionnées sur les besoins des pères. Néanmoins, il s’agit de l’opinion des mères sur les besoins des pères. Il est possible qu’il y ait une interprétation dans ce que rapporte la mère sur les besoins des pères. Lorsque les besoins des pères sont analysés il y a peu ou pas de différences avec les besoins que les mères rapportent. Les principaux besoins mentionnés par les mères (se reposer-soutien pour la logistique-répit) étaient également mentionnés par les pères. D’une façon un peu plus spécifique, les pères, particulièrement ceux qui étaient à la maison lors des visites des relevailles, profitaient de ce moment pour faire leurs tâches. Ce besoin d’espace pour réaliser leurs tâches a également été retrouvé dans cette étude phénoménologique réalisée en Suède auprès de 10 pères portant sur leurs expériences dans la première année de vie de leur enfant (Premberg, Hellström, & Berg, 2008). Lorsqu’elles étaient questionnées, quelques mères ont indiqué que les visites des relevailles ne concernaient pas les pères puisque ces derniers étaient peu présents auprès d’elles et de leur nouveau-né. La faible implication d’une partie des pères a également été rapportée par cette étude (Montigny & Lacharité, 2004). Il est étonnant de constater que les besoins psychosociaux des pères ont été peu mentionnés, et ce, autant par les pères eux- mêmes que par les mères. Cependant, les écrits scientifiques rapportaient que la transition vers la parentalité présentait plusieurs défis pour les pères au niveau psychosocial (Genesoni & Tallandini, 2009). Il est possible que le fait que ce soit principalement les mères qui ont parlé des besoins des pères explique que celles-ci sous-estimaient les besoins psychosociaux de ces derniers.

En terminant cette section sur les besoins, il est possible d’affirmer que même si cette étude n’a pas apporté de nouvelles connaissances spécifiques sur les besoins, elle a permis de confirmer ce qui avait été démontré par le passé.

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