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3 2 Base du comportement

Si la communication est indispensable au fonctionnement de toute société animale, la diversité de ses formes, sa complexité dialectique en traduisent le niveau d’évolution avancé. L’étroite adaptation du comportement d’une espèce aux particularités du milieu qui l’abrite en est le résultat ; ainsi, dans le milieu plutôt ouvert de la montagne, la communication visuelle l’emporte sur celle des sons, bien plus performante en milieu forestier et largement utilisée par les espèces habituelles de ce milieu, telles que le cerf ou le chevreuil.

L’isard est parmi les ongulés de montagne, un de ceux qui a su le mieux adapter son comportement aux exigences du difficile milieu montagnard, mais il faut beaucoup d’attention pour en percevoir les manifestations qui sont le plus souvent discrètes. Pourtant, un naturaliste averti observant une harde d’isards, ne tardera pas à reconnaître de nombreuses interactions individuelles traduisant une intense et permanente activité relationnelle.

II. 3. 2. 1. La communication interindividuelle Les signaux sont sonores, olfactifs et surtout visuels. II. 3. 2. 1. 1. Les signes sonores

Le chuintement, sorte de sifflement soutenu produit bouche fermée par le passage de l’air brusquement expiré au travers des naseaux, est souvent utilisé comme signal d’alarme au sein d’une harde, bien que des individus solitaires puissent également chuinter lorsqu’ils sont surpris par un intrus. Emis à l’arrêt, il précède immédiatement la fuite des animaux et peut être répété plusieurs fois au cours de celle-ci (14).

Le bêlement est rare. Il rappelle celui de la chèvre domestique. Il est surtout émis par les chevreaux qui s’étant momentanément égarés, tentent par ce moyen de retrouver leur mère. De même, les femelles qui recherchent leurs petits, bêlent fréquemment. On ignore si les animaux se reconnaissent à la voix, ou s’ils bêlent simplement pour attirer l’attention de celui qu’ils recherchent. On peut aussi parfois entendre quelques bêlements rauques et brefs destinés sans doute à éviter la dispersion des individus à l’occasion d’une panique soudaine, quand la harde se lance dans une fuite éperdue. Le bêlement peut aussi être émis par un mâle fuyard sur le point d’être rejoint par un rival menaçant au bout d’une folle poursuite : il est alors signe de la peur de ce mâle.

II. 3. 2. 1. 2. Les odeurs

Peu perceptible par l’homme car ce dernier a perdu depuis longtemps le vrai usage de l’odorat, l’univers odorant où évolue l’isard est un monde d’une grande sensibilité. L’odeur possède l’énorme avantage sur le son, qui s’évanouit sitôt qu’il est produit, de pouvoir être déposée et de remplir ainsi durablement sa fonction de communication.

Quelle que soit la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent, les isards frottent leurs glandes rétrocornales sur des végétaux. C’est le moyen par lequel ils déposent une marque odorante perceptible par les congénères. Il est souvent provoqué par des situations de conflit social. Les mâles en rut le pratiquent plus fréquemment et plus vigoureusement que les autres.

De même, le contrôle olfactif de l’urine permet aux mâles de déterminer l’état d’œstrus des femelles. Les mâles possèdent un organe (organe vomérien) qu’ils utilisent à cette fin en retroussant leur lèvre supérieure.

Le mâle, pour affirmer sa dominance, asperge ses flancs d’urine, qui imprègne l’épaisse fourrure. Ce rite permet sans doute la dispersion d’hormones qui renseignent les autres membres du groupe sur l’état de maturation sexuelle de l’animal.

II. 3. 2. 1. 3. Les signes visuels

Ce sont les plus utilisés. Ils consistent en de nombreuses attitudes ritualisées au travers desquelles les isards peuvent manifester leur humeur ou leur rang hiérarchique. Les mâles sont dotés d’un répertoire comportemental suffisamment diversifié pour qu’ils puissent affirmer leur dominance sans avoir à combattre. Ainsi, l’agressivité des mâles en rut s’exprime surtout par la menace, l’intimidation et la charge, et rarement par le combat.

Les postures de corps constituent une forme de communication élaborée avec des expressions corporelles codifiées. Ce répertoire d’attitudes diversifiées est aussi éloquent pour l’isard que le sont pour nous, le sourire amical ou le rictus menaçant sur un visage humain. La posture y joue un rôle tout autant que le volume corporel. La manière de présenter ses cornes au partenaire revêt aussi une importante signification.

Ainsi, on peut citer comme posture d’intimidation (14) :

- l’ébrouement de rut : le mâle se tient sur ses pattes ployées, tête en avant, poil hérissé, et fait osciller son dos latéralement en s’aspergeant les flancs d’urine.

- l’approche tête basse, crinière hérissée : c’est le fait d’un mâle dominant vers un intrus.

- position d’intimidation latérale : tête haute, dos voûté, pattes raides, poils hérissés ; il s’agit d’une posture de présentation du plus fort volume corporel. On la remarque entre mâles, parfois pendant 2 à 3 minutes, et elle précède souvent la fuite du plus faible. Les femelles l’utilisent aussi face à un mâle qui tente de les approcher.

- la moue : souvent associée à une posture de menace, la moue consiste à retrousser les lèvres. - menace par les cornes

- piétinement - saut de menace

- poursuites et charges : elles sont nombreuses pendant le rut et font suite aux attitudes précédemment citées. Elles peuvent être longues (mâle poursuivant un autre mâle) ou courtes (mâle poursuivant une femelle ou femelle repoussant un mâle).

Il existe aussi des postures de soumission : l’animal de rang inférieur, se présente au contact d’un animal dominant, corps abaissé, tête avancée à l’horizontale, et urine.

II. 3. 2. 2. Ontogenèse

L’isard est un « follower » (suiveur), au sens de Walther (62). Le tout jeune chevreau suit sa mère dans ses déplacements au lieu de rester seul, caché dans un coin, comme c’est le cas pour la plupart des cervidés.

Dans les premiers jours de sa vie (de 1 à 5 jours), la mère est l’élément de base de son environnement. C’est la phase d’imprégnation de la dyade mère-cabri. Le chevreau reste toujours à très faible distance de sa mère (moins d’un mètre) et semble ne pas la quitter des yeux (10).

A l’âge d’une semaine, la dyade mère-cabri réintègre la harde. Il y a une légère augmentation de la distance mère-chevreau. Le chevreau commence à se toiletter et s’ouvre sur le monde extérieur (observation seulement). On observe les premiers jeux (courses et sauts sur les mères). Puis, peu à peu, le cabri se rapproche de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps, des autres jeunes de son âge et commence à jouer avec eux (10).

A l’âge de 15 jours, le cabri prend son premier repas herbacé, mais il ne broutera réellement et régulièrement qu’à deux mois.

Vers 3 semaines-un mois, l’émancipation se poursuit. Les chevreaux se rassemblent plus fréquemment dans des groupes assez fluctuants. Il arrive de voir une femelle entourée de plusieurs cabris, dont généralement le sien, ce qui fait penser aux garderies d’enfants décrites chez le chamois. Alors que dans le premier mois, la mère était à l’initiative des tétées, dans le second mois, c’est le cabri qui en prend de plus en plus l’initiative. La femelle n’acceptera bientôt que celles précédées d’un passage au poitrail (56).

Au delà de 3 mois, le cabri est de plus en plus indépendant et le lien parental l’unissant à sa mère perd de son intensité. A cette période, les jeux, bien que rares, sont intenses ; locomoteurs au départ, ils deviennent davantage sociaux ensuite. Les interactions avec les autres adultes de la harde augmentent mais sont essentiellement de type agoniste (4).

A environ 4 mois, le jeune est sevré et au-delà de cette période, les premiers comportements ritualisés se développent comme l’intimidation latérale, des coups de tête, des jeux de « montes », des poussées, des comportements de marquage, des éléments de comportement agonistique et d’accouplement que l’on retrouve dans les séquences comportementales des boucs en rut.

A la fin de l’été, il semblerait que le jeune se détache de ses compagnons et revienne plus souvent à quelques mètres de sa mère qu’il suivra lors de l’éclatement des hardes, au moment du rut.

Au printemps, la mère repousse à nouveau son petit pour une nouvelle mise-bas.

Durant leur seconde année de vie, les mâles éterlous vont s’associer entre eux ou avec les mâles légèrement plus âgés (2 à 3 ans), tandis que les femelles intègrent les chevrées.