Partie 1. Analyse des handicaps au développement des échanges
1.2 La barrière des réglementations : sur le plan douanier
Les services des douanes sont structurés de manière identique dans les territoires
français du Pacifique : la compétence est partagée entre une Direction générale des
douanes et droits indirects (Service du ministère de l’Economie et des Finances) et
une Direction régionale. D’un côté les missions de nature régalienne sont effectuées
pour le compte de l’Etat, de l’autre les missions fiscales et économiques sont
effectuées pour le compte du territoire. Dans ce contexte, la douane française a
53
Pour une vision plus générale des enjeux de la fiscalité dans les PTOM se référer au
rapport public thématique sur l’autonomie fiscale en outre-mer (2013).
54
Un rapport technique des leviers de la réforme de la fiscalité directe de
Nouvelle-Calédonie a été effectué par Jean Pierre Lieb en 2012 à la demande du Gouvernement.
55
Une analyse de l’impact d’un renforcement de l’intégration régionale a été réalisée en
2007 à la demande de la Commission Européenne par Jean-Michel Salmon. La nécessité de
mener une réforme fiscale puis faire évoluer le régime d’association apparaissent comme les
réformes à mener en priorité.
toujours fait part de la nécessité d’un renforcement de la coopération avec
l’ensemble des partenaires commerciaux dans le Pacifique insulaire.
La création de l’Oceanian Customs Organisation (O.C.O) en 1998 apparait comme la
première étape pour renforcer les échanges, lutter contre la fraude et harmoniser les
procédures douanières. Dans ce sens, l’O.C.O participe aux projets internationaux
en partenariat avec les principales organisations internationales telles que
l’Organisation mondiale des douanes (OMD), l’OMC et l’UE. Soulignons que la
majorité des acteurs du Pacifique insulaire sont représentés (24 Etats et territoires) ;
les trois PTOM français sont membres. Cependant, l’hétérogénéité des normes et
procédures est un frein à l’échange d’informations. Certains membres comme la
Nouvelle-Zélande ou l’Australie utilisent les standards internationaux, d’autres
micro-Etats ne maîtrisent pas encore le Système harmonisé (SH) de classification
internationale. Dans ce contexte, la 16ème conférence annuelle de l’O.C.O s’est tout
de même tenue avec comme thème « sharing information for better cooperation » à
Suva (Fidji) en avril 2014. Néanmoins les débats se sont focalisés sur les réformes
structurelles à mener pour améliorer le fonctionnement de l’O.C.O.
Avec pour objectif d’adopter les standards internationaux, la Polynésie française a
adopté par délibération n° 88-136 AT du 13 octobre 1988 le système harmonisé de
désignation et de codification des marchandises dit “tarif S.H.” En parallèle, les
produits sont déclinés en deux autres segmentations économiques, la Nomenclature
économique de synthèse (NES) et la Classification des produits français (CPF).
Egalement, la Nouvelle-Calédonie a adhéré au système harmonisé en 1988 et utilise
depuis cette nomenclature de référence.
D’autre part, rappelons que le poids de la fiscalité douanière est considérable pour
les recettes des territoires français du Pacifique. En 2010, les recettes douanières se
sont élevées à 45,2 milliards de F.CFP, ce qui représente le tiers des revenus
fiscaux et 25% des recettes de fonctionnement du budget de la Nouvelle-Calédonie.
Notons que la TGI compte pour 39% des recettes. En Polynésie, le ralentissement
de la conjoncture a induit une diminution des recettes fiscales indirectes de 5% en
raison de la chute des recettes provenant des taxes à l’importation (-7%), qui
représente en cumul 23% des recettes totales56 (IEOM, 2010). Malgré la réforme de
1994, les recettes fiscales de la Polynésie française sont principalement constituées
56
Pour une mise en perspective plus générale de la fiscalité indirecte en Polynésie française
se référer au rapport annuel 2010 de l’Institut d’émission d’outre-mer.
d’impôts indirects et sont surtout dépendantes de recettes obtenues par les taxes à
l’importation.
Plus généralement, la fiscalité douanière contribue pour les territoires français à la
promotion et la protection des productions locales. Dans ce sens, plusieurs secteurs
bénéficient de régimes fiscaux sur mesure57.
En outre, ces régimes fiscaux privilégiés prennent différentes formes, au regard de
chaque produit, leur nature et leur taux. Il existe ainsi des taxes conjoncturelles sur
les importations concurrençant la production locale ainsi que des taxes de soutien
aux productions agricoles. Des procédures et des régimes douaniers favorisant le
développement des entreprises (admission temporaire avant réexportation), ainsi
que des mesures de contrôle du commerce extérieur (répartition entre les opérateurs
des quotas d’importation des produits avec mesures de restrictions quantitatives)58
.
Notons qu’en Nouvelle-Calédonie le Congrès adopte chaque année un Programme
annuel d’importation, ce listage référence l’ensemble des produits qu’il est possible
d’importer sur le territoire. Soit en utilisant des quotas, soit en imposant une
obligation d’origine (UE)59
.
57
En Nouvelle-Calédonie, les régimes fiscaux privilégiés sont définis par la délibération
modifiée n°69/CP du 10 octobre 1990 qui fixe les régimes fiscaux à l’importation,
l’exonération porte en général sur la TGI. Pour une étude des différents régimes douaniers
applicables en Polynésie française, se référer aux articles 117 à 136 du Code des Douanes,
ainsi qu’à l’arrêté n° 1006 CM du 16 juillet 1998.
58
Loi du pays n°2000-3 du 18 aout 2000 portant sur la réforme de la fiscalité douanière de la
Nouvelle-Calédonie, loi organique (n° 261, 1996-1997) relative à la fiscalité applicable en
Polynésie française, rapport n° 370, 1996-1997. Soulignons que la modernisation de la
fiscalité polynésienne inclue : la création d’une TVA, la suppression totale du Droit fiscal
d’entrée, le plafonnement des droits de douane à 15%, et la mise en place de la Contribution
sociale territoriale. Parallèlement les taux de la Taxe de développement local, destinée à
protéger la production locale sont augmentés.
59
Selon le programme annuel des importations pour l’année 2014, Arrêté 2014
n°2013-3625/gnc du 17 décembre 2013, sur 314 références, plus de 140 produits font l’objet d’une
En définitive, l’intégration économique régionale dans le Pacifique insulaire passe
par une harmonisation des pratiques douanières et un renforcement de la
coopération en matière de lutte contre la fraude. Néanmoins l’hétérogénéité des
structures fiscales freine l’échange d’informations. En outre, il convient de noter que
le pourcentage du revenu provenant des taxes douanières dans le budget annuel
varie de 2,5% pour l’Australie à plus de 70% pour le Vanuatu, Wallis et Futuna. Pour
les territoires français une réflexion plus large doit être effectuée sur la viabilité de la
structure économique mise en place, en ce sens le domaine douanier n’est qu’un
outil d’une réforme fiscale plus générale60. Enfin soulignons qu’une adoption totale
des principes fondateurs de l’O.C.O aboutira in fine à l’adoption des règles du
libre-échange de l’OMC pour finalement remettre en question de nombreuses barrières
douanières.
Encadré n°1 : le cadre théorique de la mesure des politiques commerciales
restrictives (Trade Restrictiveness Index).
Dans l’optique d’estimer l’impact d’une baisse de droits frontaliers sur la croissance
des importations locales et la réduction des tarifs étrangers sur les exportations
nationales, il est nécessaire de prendre en compte une pondération reflétant les
élasticités prix des importations. Dans ce contexte, le Trade Restrictiveness Index
évalue le droit de douane uniforme (incluant les biens qui subissent une distorsion),
qui est équivalent en termes de bien-être à la structure douanière en place.
En considérant une petite économie qui consomme en quantité d et produit en
quantité x un bien homogène, dont le prix mondial est p. Supposons que le
gouvernement local impose une taxe t à la consommation et une subvention s à la
production. Les prix intérieurs à la consommation et à la production sont
respectivement : q=(1+t) et p=(1+s). En admettant que les offres et les demandes
sont linéaires on obtient l’équation :
q=-ã.d+ä et p=á.x+â
interdiction d’importation (appellation « STOP »). En outre, plus de 170 produits sont soumis
à des restrictions SHUE (Suspendu Hors Union européenne) et QHU (Quota Union
européenne).
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