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Chapitre I : Etat de l’art

IV. Étude expérimentale de la première étape du frittage

IV. 1. b Etude expérimentale du frittage par MEBE

Les premières études expérimentales du stade initial du frittage ont été réalisées ex situ, c’est- à-dire que l’échantillon a été traité thermiquement dans un four puis observé à l’aide d’un MEB conventionnel. Ces travaux ont permis d’observer la formations des ponts entre des grains à la surface d’un compact [74, 75]. Hermann et al. [76] ont ainsi réalisé des expériences ex situ sur des billes monocristallines de cuivre déposées sur une surface de cuivre. Après 2 à 2000 heures de traitement à 1060°C la formation de ponts entre les billes, mais aussi entre les billes et le support, a été observée.

Ces auteurs ont montré qu’il existe une orientation préférentielle des sphères par rapport au support permettant de minimiser l’énergie interfaciale [76, 77].

D’autres auteurs, tels que Slamovich et al. (étude du frittage de la zircone) [78] ou Diewal et Fledmann [79] (étude du frittage du bismuth), ont utilisé des dépôts de grains sphériques sur un support métallique pour l’étude du stade initial du frittage. Il est en effet important que le support utilisé n’évolue pas ou peu à la température de l’expérience, mais assure aussi l’obtention de différents arrangements de grains (isolés et/ou en contact). Pour cela il ne doit pas y avoir d’interactions fortes entre le support et l’échantillon pour permettre la mobilité des objets. Il est aussi nécessaire que le support ne présente qu’une réactivité très faible, voire nulle, vis-à-vis de l’échantillon au cours du frittage. Diewald et Feldmann ont ainsi réalisé leur dépôt de bismuth sur des supports en aluminium [79] (Figure 17).

Figure 17 : Image MEB montrant la dispersion de particules sphériques de bismuth d’environ 300 nm de diamètre à la surface d’un support en aluminium [76].

Un tel dispositif expérimental a ainsi permis à Lange [80] d’étudier l’impact de l’état de cristallisation de billes de zircone sur leur densification. Pour cela il a étudié deux systèmes différents. Le premier, constitué de grains monocristallins, correspond aux systèmes utilisés par Raut et al. dans leur simulation numérique du premier stade du frittage de nanoparticules d’alumine [81]. Ce modèle à deux grains a aussi été utilisé plus récemment par Léchelle et al. pour modéliser le frittage de céramiques nucléaires [82]. Le second est, à l’inverse, constitué de grains polycristallins, et apparaît plus représentatif des grains généralement utilisés lors de la fabrication de matériaux céramiques [80]. Une des différences significatives entre ces deux systèmes est la présence d’une multitude de « joints de grains », interface entre chaque cristallite, pour l’échantillon polycristallin. Cette multitude d’interfaces va entrainer des modifications des mécanismes mis en jeu lors du frittage.

Figure 18 : Observation MEB de l’évolution de microsphères d'oxyde de zirconium monocristallines (A-C-E) et polycristallines (B-D-F) lors d’un traitement thermique à 1400°C : (A,B) après 30 minutes, (C,D) 3 heures, (E,F) 12 heures [58]. Ces

expériences sont menées ex situ.

La Figure 18 présente l’évolution des deux systèmes au cours d’un traitement thermique à 1400°C. Leur comparaison montre une évolution plus rapide pour les grains polycristallins. En effet, le pont entre les grains monocristallins atteint un équilibre après 5 heures à 1400°C, tandis qu’il continue de croitre de manière significative pour les grains polycristallins [78]. Les deux systèmes présentent deux types d’interfaces différentes, entre les deux grains, mais aussi entre les cristallites de chacun des grains, de par leur différence structurale. Cette différence va donc entrainer des modifications sur les mécanismes mis en jeu ainsi que sur leur énergie d’activation. L’état d’équilibre n’est ainsi pas atteint au même moment pour les deux systèmes. Cette observation est en accord avec les observations faites par Nkou Bouala [73] sur le frittage de microsphères d’oxyde de cérium ou de thorium mono- et polycristallines. Cette étude montre en effet que les deux systèmes vont évoluer d’une façon similaire mais que celui constitué de deux grains monocristallins présente un taux d’avancement du frittage plus faible pour une même durée de traitement thermique isotherme (Figure 19). Il existe ainsi une différence significative entre les deux types d’interfaces : l’interface entre deux composés monocristallins est simple, et peut donc être assimilée à un joint de grains idéal. Dans le cas d’un composé polycristallin, il existe en revanche de multiples interfaces entre les cristallites constituant chacune des particules mais aussi le pont formé entre elles. Cette multitude d’interfaces va généralement accélérer le frittage en facilitant la diffusion atomique.

En parallèle, on observe également une plus forte densification (rapprochement des centres des grains) dans le cas des objets polycristallins [79, 80]. Cette différence de comportement est expliquée par le fait que le frittage entre deux particules en contact s’arrête lorsque l’énergie libre du système est minimisée, ce paramètre prenant en compte à la fois la diminution de surface et la croissance du pont. Les grains polycristallins n’atteignent cet état métastable qu’une fois la croissance du pont entre les grains achevée. Dans ces études, il a été mis en avant que dans le cas de composés

polycristallins, en plus de l’étape de croissance du pont il est aussi possible d’observer un mécanisme de croissance des cristallites.

Suite au développement des platines chauffantes, des observations directes du frittage ont été réalisées in situ à partir des années 1970 [83, 84]. Dans une étude récente [73] sur les dioxydes de cérium et de thorium CeO2 [85] et ThO2 [86], des essais ont été ainsi réalisés sur des échantillons mono-

et polycristallins afin de comparer l’évolution de l’avancement du frittage. Les résultats expérimentaux ont en outre été mis en parallèle de ceux déterminés par modélisation par l’intermédiaire du modèle SALAMMBO [87, 88]. Les expériences ainsi réalisées sur des microsphères d’oxyde de cérium à 1100°C ont permis aux auteurs de mettre en avant que dans les trois cas considérés (échantillons mono- et polycristallin et modélisation), les courbes obtenues présentent une allure générale similaire. Cependant, la plus grande corrélation avec la modélisation est obtenue lors des expériences menées avec des grains monocristallins, comme le montre la Figure 19 ci-dessous. L’hypothèse de grains monocristallins servant de base aux modèles actuels génère donc un biais non négligeable sur les résultats obtenus.

Figure 19 : Comparaison entre les résultats issus de la modélisation et les données expérimentales obtenues lors du frittage de deux microsphères de CeO2 à 1100°C : (∎) grains polycristallins, (∎) grains monocristallins et (∎) données fournies par le

modèle SALAMMBO [73].

Cette différence est expliquée par des modifications de mécanismes. En effet, l’obtention d’une énergie d’activation plus faible pour les grains polycristallins semble être due à la présence de nombreuses cristallites dans chacune des microsphères. La différence ainsi obtenue est expliquée par la contribution d’un second mécanisme de réarrangement mécanique des cristallites aussi appelé « Oriented Attachement ». Cependant, le faible écart observé entre les énergies d’activation pour un système polycristallin et un système monocristallin dans cette étude a permis de montrer que ce mécanisme n’était pas le mécanisme prépondérant et que la diffusion de la matière reste prédominante. Le mécanisme de l’étape initiale du frittage est donc décrit comme étant dans un premier temps un mécanisme de réarrangement des plans cristallins (OA) puis de la diffusion de matière. Au cours de cette thèse [73], des premières expériences ont aussi été réalisées avec des

microsphères d’oxyde d’uranium (UO2), ce qui a permis de démontrer la faisabilité du suivi in situ par

MEBE-HT du premier stade du frittage de UO2.

L’utilisation de la microscopie électronique à balayage permet donc de caractériser le comportement général des objets, à travers l’observation des variations de diamètre, de la formation et de la croissance du pont, et du rapprochement des centres des grains. Cependant, elle ne permet pas d’accéder aux mécanismes de réarrangement des cristallites à l’intérieur des grains ni d’observer les mouvements de matière permettant la croissance du pont à l’échelle atomique. Pour accéder à ce niveau d’information, plusieurs auteurs ont eu recours à la Microscopie Électronique en Transmission à haute résolution.

IV. 2.

Microscopie Electronique en Transmission