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Chapitre IV : Etude de l’étape initiale du frittage de microspheres de UO 2

III. Suivi in situ du frittage de microsphères d’oxyde d’uranium (IV) sous pO

III. 2. b Détermination du mécanisme de diffusion

Comme décrit dans le premier chapitre de ce manuscrit, il est possible de déterminer à l’aide des exposants m et n issus de la loi de croissance du pont, comme a pu le décrire Lange [30], le mécanisme de diffusion majoritairement mis en jeu lors du stade initial du frittage. Dans cet objectif, la loi de similitude de Herring peut être utilisée. Celle-ci décrit en effet deux systèmes formés de grains de tailles différentes, mais possédant le même stade d’avancement λ. Le temps nécessaire pour atteindre ce même degré d’avancement sera ainsi différent pour les deux systèmes (plus long pour les plus gros grains). Le rapport entre ces durées est alors donné par l’équation suivante [7] :

= (3)

Où r1 et r2 sont les rayons des microsphères, t1 et t2 sont les durées de traitement thermique

pour atteindre le même taux d’avancement du frittage et m est un exposant caractéristique du mécanisme de diffusion majoritaire au cours du premier stade du frittage.

Des expériences ont donc été entreprises de manière à observer in situ le frittage de microsphères d’oxydes UO2+x de tailles différentes. La Figure 72 présente ainsi à titre d’exemple les

données obtenues lors du frittage de particules de 700 nm et de 1400 nm, sous 120 Pa d’air (pO2 = 25

Pa) à T = 930°C. Deux valeurs d’avancement ont été sélectionnées puis le temps nécessaire à chacun des systèmes pour atteindre cette valeur a été déterminé.

Figure 72 : Comparaison de l'évolution de l'avancement du frittage pour un couple de microsphères de 700 nm (rouge) et un couple de 1400 nm (noir) lors d'un traitement à 930°C avec pO2 = 25 Pa.

Tableau 13 : Tableau récapitulatif des valeurs obtenues pour la détermination du mécanisme de diffusion majoritaire en fonction de l'atmosphère de traitement thermique.

x/r t1 (700 nm) t2 (1400 nm) m 1010°C – pO2 = 10-10 Pa 0,208 3,05 21,75 2,83 0,203 2,65 26,42 3,32 1050°C – pO2 = 10-1 Pa 0,3 5,93 50,48 3,09 0,285 4,48 36,53 3,03 930 °C – pO2 = 25 Pa 0,32 5,85 48,05 3,04 0,3 3,83 25,57 2,74

Dans le cas du traitement sous 120 Pa d’air (pO2 = 25 Pa), l’exposant m déterminé adopte une

valeur proche de 3 (Tableau 13). Dans ces conditions, le mécanisme majoritaire de diffusion est la diffusion en volume. Des expériences similaires ont aussi été réalisées sous les deux autres atmosphères utilisées pour l’étude du frittage. L’observation des différents résultats présentés dans le Tableau 13 permet de montrer que pour l’ensemble des conditions retenues pour cette étude, l’exposant m déterminé est proche de 3. Il est donc possible de dire que dans ces conditions de frittage le mécanisme de diffusion majoritaire n’est pas modifié par les conditions de traitement thermique et reste la diffusion en volume.

Ce mécanisme n’est pas celui généralement mis en avant pour décrire le frittage de UO2+x. En

effet, Bannister et al. [24] ont conclu dans leur étude (réalisée sur des échantillons massifs) que le frittage de UO2+x était contrôlé par la diffusion aux joints de grains. Cette différence peut être expliquée

par le fait que, dans le cadre de notre étude, tout est mis en œuvre pour étudier exclusivement l’étape initiale du frittage. Ce n’est pas forcément le cas lors d’études menées sur des pastilles où il est parfois difficile de discriminer les différents stades du frittage. Un telle différence n’avait toutefois pas été observée par Nkou bouala [11] lors de son étude du premier stade du frittage des oxydes de thorium et de cérium. Comme dans le cas d’échantillons massifs, elle avait en effet conclu que le mécanisme était majoritairement basé sur la diffusion aux joints de grains.

Néanmoins, il demeure important de noter que plusieurs mécanismes de diffusion opèrent toujours simultanément lors du frittage. Johnson et al. ont ainsi montré lors du frittage de deux particules sphériques d’argent que le mécanisme prépondérant était la diffusion en volume, mais que la diffusion aux joints de grains ne pouvait être négligée [31]. Il est donc probable qu’un mécanisme similaire soit observé dans le cadre de cette étude, avec cette fois la diffusion en volume comme processus majoritaire. En outre, dans l’hypothèse où les contributions des mécanismes de diffusion en volume et aux joints de grains seraient proches, il est probable que la modification de paramètres expérimentaux (température, atmosphère, mais également taille de grains) puisse entrainer une inversion de processus prépondérant. Dans ces conditions, il apparait indispensable de prendre en compte l’ensemble des processus diffusifs pouvant être à l’œuvre dans les modèles mathématiques élaborés pour simuler la première étape du frittage de UO2+x. En effet, ces derniers ne tiennent

généralement compte que des coefficients de diffusion en surface et aux joints de grains, et négligent la diffusion en volume [32].

Conclusion

Dans ce chapitre dédié à l’étude du premier stade du frittage des oxyde d’uranium, plusieurs résultats marquants ont été obtenus. Ils sont reportés ci-dessous et résumés dans le synoptique placé en fin de chapitre.

Les outils, matériaux et méthodes développés spécifiquement et mis en œuvre dans le cadre de cette étude ont permis d’enregistrer des séries d’images de qualité suffisante pour observer directement la formation et l’évolution du cou entre deux grains microsphériques d’oxyde d’uranium, dans la gamme de température 800-1100°C et sous différentes conditions de pression partielle d’oxygène bien contrôlées.

Pour un oxyde d’uranium sous-stœchiométrique, UO1,99, le premier stade du frittage peut être

observé dans la gamme de température 1250-1300°C. L’énergie d’activation associée n’a pas pu être déterminée précisément, mais elle est très élevée (probablement supérieure à 500 kJ/mol). Pour des températures inférieures ou égales à 1000°C, les réarrangements des cristallites au sein d’un grain et le début de la formation du pont ont pu être observés et décrits. Les mécanismes associés sont de la réorientation de cristallites (Oriented Attachment) suivi du grossissement des cristallites.

Pour les oxydes d’uranium sur-stœchiométriques, UO2+x, le mécanisme majoritaire de diffusion

qui pilote le premier stade du frittage est la diffusion en volume. Les valeurs d’énergies d’activation déterminées pour des sur-stœchiométries x de 0,01 et 0,21 sont respectivement égales à 210 ± 25 kJ/mol et 370 ± 50 kJ/mol. Elles sont en bon accord avec les données disponibles dans la littérature.

Pour la première fois, la valeur d’énergie d’activation associée au premier stade du frittage de U3O8 a été déterminée : elle est de 260 ± 40 kJ/mol. Le mécanisme prépondérant de diffusion qui pilote

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chapitRe V : etude du fRittage