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Chapitre IV : Etude de l’étape initiale du frittage de microspheres de UO 2

III. Suivi in situ du frittage de microsphères d’oxyde d’uranium (IV) sous pO

III. 2. a Détermination des énergies d’activation

Les constantes de vitesse déterminées pour chacune des conditions de température et d’atmosphère de travail (Tableau 11) ont par la suite été reportées dans un diagramme d’Arrhenius (ln(k) = f(1/T)). Cette représentation peut permettre, si les données suivent une loi affine, de déterminer l’énergie d’activation associée au mécanisme limitant de l’étape initiale du frittage, pour chacune des atmosphères considérées (Figure 70).

Figure 70 : Diagrammes d’Arrhenius obtenus dans les différentes conditions d’atmosphères étudiées. pO2 = 25 Pa (rouge);

10-1 Pa (bleu), et 10-10 Pa (noir). Les formes pleines représentent les expériences réalisées avec le four FEI et les formes vides

représentent les expériences réalisées avec le four FurnaSEM.

Une des questions importantes sous-tendues lors de cette étude est de savoir si les résultats des expériences pourraient être dépendants du matériel utilisé ? En effet, les fours fournis par la société FEI doivent être modifiés pour permettre un contrôle précis de la température de l’échantillon [19]. Pour conforter les résultats obtenus, un second four (FurnaSEM 1000, développé avec la société NewTEC et de technologie totalement différente du four « FEI ») a été utilisé. Une même expérience a ainsi été réalisée avec les deux types de fours, dans les mêmes conditions (pO2 = 25 Pa, T=930°C) tandis

qu’une série d’expériences a été réalisée pour partie avec le four « FEI », et pour partie avec le four FurnaSEM 1000 (pO2 = 10-10 Pa). Sur la Figure 70, les deux ensembles de résultats sont présentés : ceux

obtenus avec le four « FEI » sont représentés par les formes pleines tandis que ceux obtenus lors d’expériences menées avec le four FurnaSEM sont représentés par les formes creuses. Pour chacun des deux types d’expériences, les données obtenues en utilisant les deux fours sont cohérentes entre elles. Il n’y a donc pas de biais expérimental lié à l’utilisation d’un dispositif spécifique et la mesure de température de l’échantillon peut être considérée comme étant suffisamment précise pour exploiter les résultats.

Pour chacune des atmosphères étudiées, l’ensemble des constantes cinétiques suit une loi affine lorsqu’elles sont représentées dans un diagramme d’Arrhenius. Ce premier résultat vient contredire ceux reportés par Lahiri et al. qui proposent un changement de mécanisme de diffusion autour de 1050°C lors du frittage du dioxyde d’uranium stœchiométrique [20]. D’après les données

obtenues dans notre étude, le mécanisme de diffusion de l’uranium prédominant au cours de la première étape de frittage demeure inchangé sur l’intervalle de température considéré (typiquement 900-1200°C), et ce quelle que soit la valeur du rapport O/M. L’expression de la loi d’Arrhenius (2) permet dès lors de déterminer l’énergie d’activation pour chacune des conditions expérimentales étudiées, selon :

Où k est la constante de vitesse, A0 un facteur pré-exponentiel, Ea l’énergie d’activation (j.mol- 1), R la constante des gaz parfait (8,314 J.K-1.mol-1) et T la température (K). Les résultats obtenus sont

reportés dans le Tableau 12.

Tableau 12 : Energies d'activation déterminées pour la première étape du frittage des oxydes UO2+x.

Atmosphère pO2 (Pa) Structure Energie d’activation (kJ/mol)

120 Pa Air 25 α - U3O8 260 ± 40

100 Pa N2 / 1000 ppm O2 10-1 UO2,21 370 ± 50

150 Pa N2 / 5% H2 / 0,2% ppm H2O 10-10 UO2,01 210 ± 25

De nombreux auteurs ont par le passé déterminé des valeurs d’énergies d’activation relatives à la première étape du dioxyde d’uranium(IV). Ces expériences ont systématiquement été réalisées sur des matériaux massifs (pastilles) en utilisant diverses méthodes basées sur l’analyse dilatométrique. On peut notamment citer la méthode de Dorn et la méthode de vitesse de chauffe constante (Constant Heating Rate) qui sont de loin les plus utilisées. Les travaux premiers travaux, réalisés au cours des années 1960, montrent néanmoins une grande disparité dans leurs résultats, avec des valeurs pouvant varier de 80 [21] à 460 kJ.mol-1 [22]. Par la suite, une meilleure maîtrise de la

stœchiométrie des échantillons a permis de dégager des tendances communes. En effet, la première étape du frittage du dioxyde d’uranium stœchiométrique présente une énergie d’activation généralement voisine de 390-400 kJ.mol-1 [23] tandis que celle-ci diminue lorsque l’oxyde devient sur-

stoechiométrique, avec des valeurs de l’ordre de 220 kJ.mol-1 pour 0,002 < x < 0,1 [24, 25]. Des

incertitudes persistent néanmoins sur la détermination exacte du rapport O/M au sein des échantillons. Par ailleurs, les domaines de température étudiés apparaissent relativement étendus, ce qui peut conduire à prendre en compte en partie les phénomènes de croissance granulaire. Ainscough et al. [26] montrent ainsi qu’une énergie d’activation proche des valeurs précédemment citées (EA =

260 kJ.mol-1) peut être obtenue lors de l’étude du grossissement de grains dans UO2,00 entre 1300 et

1500°C. La valeur de l’énergie d’activation ne devient en effet significativement différente, et donc aisément discriminable, que pour des températures beaucoup plus élevées : elle atteint à titre d’exemple près de 500 kJ.mol-1 dans l’étude menée par Singh entre 1800 et 2100°C [27].

Ces écarts entre les valeurs observées et l’existence de plusieurs biais expérimentaux potentiels ont ainsi conduit plusieurs auteurs à revisiter la première étape du frittage de UO2+x, avec

pour objectif d’en préciser les mécanismes et les valeurs d’énergie d’activation associées. Knorr et al. [28] ont ainsi proposé une revue critique de la littérature, tandis que Dehaudt et al. [29] ont déterminé l’énergie d’activation du frittage en utilisant différentes méthodes. De plus, ils ont exploré une gamme de sur-stœchiométries élevées (typiquement x > 0,15) pour laquelle peu de données étaient auparavant disponibles. Les différents résultats obtenus ont permis aux auteurs d’expliquer que pour le frittage de UO2+x, les deux premières étapes du frittage sont concomitantes. Les données obtenues

lors de ces deux études sont reportées sur la Figure 71 ci-dessous, et comparées à celles déterminées lors de cette étude pour les deux compositions UO2,01 et UO2,21 (correspondant respectivement à pO2

Figure 71 : Evolution de l'énergie d'activation de la réaction de frittage de UO2+x en fonction de l'écart à la stœchiométrie x

où (□) Dehaudt et al. [29]; (○) Knorr et al. [28]; ( ) Résultat obtenu pour le frittage de UO2 avec le mélange gazeux humidifié

(pO2 = 10-10 Pa) et ( ) résultat obtenu pour le frittage de UO2,21 avec N2 + 1000 ppm O2 (pO2 = 10-1 Pa).

Les données obtenues au cours de cette étude apparaissent en très bon accord avec les données sélectionnées dans la littérature. Ainsi, une très faible sur-stœchiométrie conduit à une énergie d’activation minimale, proche de 200 kJ.mol-1. Par ailleurs, même si aucune valeur numérique

n’a pu être déterminée au cours de cette étude, les résultats obtenus sous atmosphère réductrice et/ou anoxique tendent à montrer que l’énergie d’activation associée à un oxyde légèrement sous- stœchiométrique est probablement très élevée, et significativement supérieure à celle reportée pour UO2,00. Dans le cas d’oxydes fortement sur-stœchiométriques, la valeur obtenue pour UO2,21 (370

kJ.mol-1) apparaît comme intermédiaire de celles reportées par Dehaudt et al. pour UO

2,17 et UO2,23.

Elle contredit en revanche l’existence d’un effet de seuil entre ces compositions, potentiellement dû au passage d’une structure de type UO2+x à U4O9-y, et à la modification subséquente des coefficients de

diffusion de l’uranium. Enfin, les valeurs obtenues au cours de ce travail peuvent être considérées comme étant des références. En effet, la technique expérimentale utilisée permet d’associer sans ambiguïté l’énergie d’activation obtenue à la formation des ponts, ce paramètre étant le seul pris en compte dans les mesures géométriques réalisées à partir des images MEBE-HT. De plus, la stœchiométrie de l’oxyde a été fixée via le contrôle de l’atmosphère de calcination sur des particules de faible taille, ce qui semble en mesure de prévenir tout effet de gradient. A titre de comparaison, Dehaudt et al. avaient contrôlé la stœchiométrie de leurs échantillons via des mélanges UO2-U3O8 dont

l’homogénéité à l’échelle microscopique peut être questionnée. Enfin, il est à noter que la valeur d’énergie d’activation obtenue pour α-U3O8 semble être à ce jour inédite. Elle apparait proche de celles

reportées des valeurs de O/M faiblement supérieures à 2, et demeure donc assez largement inférieure à celles de UO2,00 et U4O9. Elle confirme donc que cet oxyde peut être utilisé comme adjuvant de

frittage, lors de la fabrication des pastilles de combustible, en particulier lors de la réutilisation de la chamotte.