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B/ Deux entités physiopathologiques et deux tableaux cliniques

Les diarrhées aiguës infectieuses peuvent relever d’une invasion de la muqueuse intestinale, de la production de toxines ou d’une adhérence du germe à la bordure en brosse.

On distingue ainsi deux types de diarrhée infectieuse, auxquels répondent deux tableaux cli-niques différents (cf. tableau I).

1. Diarrhées par lésions de la muqueuse iléo-colique (invasion et/ou produc-tion d’une cytotoxine)

Elles sont liées à la pénétration des micro-organismes dans les cellules de l’épithélium intes-tinal superficiel ou profond ou à la production d’une cytotoxine.

Les germes responsables, dits « entéro-invasifs » colonisent électivement l’iléon distal et le côlon. Histologiquement, il existe des ulcérations accompagnées d’une intense réaction inflammatoire au niveau de la muqueuse.

Cette invasion est souvent responsable d’un syndrome dysentérique, qui associe

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tions anormales glairo-sanglantes, faux besoins, épreintes (contractions douloureuses du côlon terminal) et ténesme (contracture douloureuse du sphincter anal précédant ou suivant chaque évacuation anormale).

L’évolution spontanée est favorable dans la majorité des cas.

des complications sévères peuvent survenir : – Colectasie, perforation, hémorragie.

– Choc septique.

Les principaux agents infectieux responsables de diarrhée par lésions muqueuse iléo-coliques sont indiqués dans le tableau II.

2. Production d’une entérotoxine ou adhésion entérocytaire

Cette diarrhée est liée à la production d’une entérotoxine qui stimule l’adénylcyclase mem-branaire et provoque une sécrétion d’eau et d’électrolytes (principalement au niveau de l’épi-thélium de l’intestin grêle), sans entraîner de lésion de la muqueuse.

Sous nos climats, les causes les plus fréquentes sont représentées par les infections virales et les toxi-infections alimentaires.

Mécanisme et présentation clinique des diarrhées aiguës sécrétoires et invasives Diarrhée sécrétoire Diarrhée invasive

Mécanisme Entérotoxine, adhésion Invasion, cytotoxine

Site de l’infection Grêle proximal Iléon/côlon

Durée d’incubation Quelques heures Quelques jours Aspect des selles Aqueux, abondant Glairo-sanglant

Risque de déshydratation Important Modéré

Douleurs abdominales Modérées, périombilicales Intenses, épreintes, ténesme Manifestations systémiques Rares Fréquentes

Principaux agents responsables des diarrhées aiguës infectieuses

Bactéries Parasite Virus

Diarrhée invasive Salmonella Entamœba histolytica Cytomégalovirus (invasion, cytotoxine) Shigella

Yersinia Campylobacter ECEI*

ECEH** (O 157 : H7) Clostridium difficile***

Klebsiella oxytoca***

Diarrhée sécrétoire Vibrio cholerae Giardia Rotavirus

(entérotoxine, ECET✦ Cryptosporidium Adénovirus

adhésion) Staphylococcus aureus Isospora belli (SIDA) Norwalk Clostridium perfringens

* ECEI : Escherichia coli entéro-invasif

** ECEH : Escherichia coli entéro-hémorragique

*** Colites postantibiothérapie

ECET : Escherichia coli entéro-toxinogène Tableau I

Tableau II

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La diarrhée est de type hydroélectrolytique, cholériforme : émissions hydriques abon-dantes souvent accompagnées de vomissements.

L’évolution spontanée est le plus souvent favorable. Le risque principal est celui d’une déshydratation.

C/ Diagnostic

(voir tableaux III et IV) 1. Clinique

Circonstances de survenue :

Les données anamnestiques suivantes sont en faveur de l’origine infectieuse de la diarrhée : contexte épidémique, vie en collectivité, prise récente d’antibiotique, voyage récent (zone tropicale, Europe de l’Est), homosexualité masculine, immunodépression (sida, chimiothé-rapie).

L’interrogatoire recherche la prise de médicaments.

Les caractères de la diarrhée :

Fréquence des évacuations, consistance (molle ou liquide), volume, présence de pus et/ou de sang.

Existence d’un syndrome dysentérique ou rectal associé.

Signes associés :

Vomissements, douleurs abdominales et signes systémiques (fièvre, signes extradigestifs).

L’examen physique est complet. Il recherche en particulier des signes de gravité : état d’hydratation, température, état hémodynamique. La palpation de l’abdomen ainsi que les touchers pelviens sont indispensables ;

Le regroupement de ces signes permet d’orienter vers le mécanisme invasif ou sécrétoire de la diarrhée (tableau I).

2. Examens complémentaires

Les techniques disponibles ne permettent de découvrir qu’une fois sur deux l’origine de la diarrhée. Elles ne sont le plus souvent pas utilisées du fait de leur coût.

Une diarrhée aiguë présumée infectieuse,d’intensité modérée, non sanglante et non dysenté-rique, évoluant depuis moins de 3 jours, ne nécessite aucun examen complémentaire (ni aucune antibiothérapie).

a) Examen des selles

L’examen direct met parfois en évidence :

*Des bactéries mobiles, des protozoaires flagellés, ou des amibes.

*La présence de leucocytes fécaux, qui témoigne d’une invasion de la muqueuse.

La coproculture :

*C’est un examen peu rentable lorsqu’elle est effectuée de façon non sélective dans des diarrhées infectieuses (taux de positivité inférieur à 5 %).

*Les indications sont :

Un syndrome dysentérique.

Une diarrhée sévère persistant au-delà de quelques jours.

*Elle se fait à partir de prélèvements frais ou conservés moins de 12 heures à 4 °C.

*Recherches systématiques : Salmonella, Shigella, Campylobacter.

*Demandes spécifiques (en fonction du contexte clinique) :

Yersinia enterocolitica.

Clostridium difficile et sa toxine.

Klebsiella oxytoca (surtout sur les biopsies rectales ou coliques).

Escherichia coli O 157 : H7.

Escherichia coli entéro-hémorragique en cas de diarrhée sanglante.

*L’isolement de certains germes n’a aucune valeur :

E. coli (sauf dans des circonstances précises et confirmé par un sérotypage ou par

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la mise en évidence de toxines).

Staphylococcus aureus.

Candida albicans.

Examen parasitologique des selles :

*Il comprend un examen direct au microscope et un examen après concentration.

L’examen doit être effectué sur une selle fraîche, au mieux émise au laboratoire. Pour être fiable, il doit être répété trois fois à quelques jours d’intervalle (ce qui est difficile à réa-liser).

*Les parasites le plus souvent rencontrés en France chez les sujets immunocompétents sont :

Gardia lamblia.

Entamæba histolytica.

*Chaque parasite nécessite pour sa mise en évidence une technique qui lui est propre, les éléments d’orientation (anamnèse) sont essentiels pour le laboratoire.

*En pratique, l’examen parasitologique des selles est surtout utile en cas de suspicion d’amibiase ou au cours du sida.

b) Endoscopie

Il s’agit, en première intention, d’une rectoscopie.

Une iléo-coloscopie sera réalisée en deuxième intention si la rectoscopie est négative.

Les indications sont :

*Un syndrome dysentérique avec émissions sanglantes.

*Une diarrhée sévère et/ou associée à des manifestations systémiques.

*Une diarrhée persistante au-delà de 15 jours.

*Une suspicion de colite pseudo-membraneuse.

Elle permet :

*La réalisation de prélèvements bactério-logiques, viraux ou parasitaires (suivant le contexte).

*D’éliminer une cause non infectieuse de diarrhée : tumeur recto-colique, colite inflam-matoire (MICI), colite ischémique.

*De rechercher des signes de gravité.

L’examen anatomopathologique des biopsies permet parfois de distinguer une diarrhée aiguë infectieuse d’une première poussée de colite inflammatoire (MICI),

Les fragments biopsiques sont mis en culture et peuvent permettre d’identifier un germe.

c) Sérologies

Les sérologies bactériennes, virales et parasitaires sont d’un intérêt très limité, car elles ne permettent qu’un diagnostic tardif et donc généralement rétrospectif.

d) Indications

–Une coproculture et un examen parasito-logique des selles (à répéter si négatif) seront prescrits en présence d’une fièvre > 39 °C, de rectorragies, d’une déshydratation sévè-re, d’un terrain particulier ou si l’évolution se poursuit plus de 5 jours.

En cas d’évolution prolongée des symptômes, une exploration endoscopique (rectoscopie et/ou iléo-coloscopie) avec biopsies sera réalisée.