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Chapitre 2 – Cadre conceptuel et théorique

2.1 Principaux concepts

2.1.3 Bénévolat

• Perspectives théoriques générales

Selon Robichaud (2003), le bénévolat est une action qui implique au moins deux acteurs agissant au sein d’un groupe et dont le lien social implique une division entre un aidant et un aidé, dans le cadre d’une intervention qui se fait sans contrepartie financière et sans que le geste soit contraint. Si le bénévolat est fréquemment défini comme un travail non rémunéré, plusieurs auteurs (Godbout, 2002, Gagnon et Sévigny, 2000) soulignent la nécessité d’élaborer une définition qui ne soit pas négative et qui reflète davantage le sens que les bénévoles donnent à leur action. Selon Godbout (2002), une définition du bénévolat doit s’inscrire dans d’autres postulats et catégories que celles liées au marché et à l’emploi, en fonction de valeurs qui lui sont propres et dans lesquelles le don est un élément central. Le bénévolat peut ainsi être considéré comme une forme de don. Celui-ci représente une façon particulière de faire circuler les choses et les services, un contre-modèle par rapport au modèle marchand, dans la mesure où le donateur se prive librement du droit de recevoir quelque chose en retour de ce qu’il donne, tout en libérant également le receveur de l’obligation de rendre (Bourdon et al., 1999, cités par Godbout, 2002). Le bénévolat est plus spécifiquement un don de temps, qui s’inscrit dans la catégorie du don aux étrangers (Godbout, 2002). Il se distingue de l’aide apportée au sein des liens primaires puisqu’il se fait dans le cadre d’une relation déliée, dans laquelle les bénévoles apportent leur aide à des personnes en fonction de leur situation plutôt qu’en fonction de liens personnels (Gagnon et

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Sévigny, 2000; Godbout, 2000b), en vertu d’un sentiment de responsabilité sociale (Gaudet et Reed, 2004).

Les auteurs consultés permettent de dégager trois dimensions importantes pour comprendre le concept de bénévolat, soit la liberté d’engagement, l’importance du lien social et les significations et motivations liées à l’action bénévole. D’abord, la liberté est une valeur essentielle dans l’engagement bénévole. Pour les bénévoles actuels, c’est même celle-ci qui donne sa signification au geste, dans la mesure où la valeur du geste réside dans le fait que rien n’oblige le bénévole à le poser. La liberté est ainsi considérée aujourd’hui comme étant essentielle au don véritable (Godbout, 2000b). Le bénévolat est un choix qui est donc fait librement, sans que le service que rend le bénévole puisse être considéré comme une obligation de la part du receveur. Son geste est gratuit, non seulement au sens où le bénévole n’est pas rémunéré, mais également dans un sens plus large, en fonction du caractère non contraint de l’action (Gagnon et Sévigny, 2000). Le bénévolat n’échappe bien sûr pas forcément à toute norme ou pression sociale, mais relève néanmoins d’une logique d’autodétermination de soi. Ensuite, le bénévolat s’inscrit dans une logique de réseau qui donne autant d’importance aux liens créés dans le contexte de l’action qu’aux services rendus (Robichaud, 2003). Les liens sociaux sont donc au centre de l’action bénévole, d’où l’importance que l’on doit accorder à la perspective relationnelle dans l’analyse de celle-ci (Godbout, 2002). Gagnon et Sévigny (2000) soulignent aussi l’importance des liens interpersonnels créés dans ce cadre, qui sont basés à la fois sur l’expression de soi, de ses valeurs et de son identité et sur la reconnaissance de l’autre. Le choix de leur engagement est en effet une façon pour les bénévoles de donner une importance, une valeur, à une population ou une situation donnée. Il est important de bien comprendre les liens qui se créent dans le contexte des pratiques bénévoles puisque la nature et les caractéristiques de ces liens contribuent à donner son sens au geste (Godbout, 2000a).

Finalement, pour bien comprendre les pratiques de bénévolat, il importe de prendre en considération non seulement les questions organisationnelles, mais également les significations que les bénévoles donnent à leur geste et les raisons qui le motivent. Selon Gagnon et Sévigny (2000), on risque de mal comprendre l’engagement bénévole si on le considère simplement comme un don purement désintéressé. Si le bénévolat ne demande pas

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de réciprocité directe, il s’inscrit néanmoins dans une perspective de réciprocité généralisée qui va au-delà de la relation entre le bénévole et la personne aidée et concerne plutôt la société en général (Gaudet et Reed, 2004). Au-delà des liens interpersonnels entre les individus, les personnes engagées dans le bénévolat donnent généralement une grande importance à la question de la solidarité, à la construction et la préservation du lien communautaire (Gagnon et Sévigny, 2000; Godbout, 2000b). Selon Godbout (2000a), le don s’inscrit ainsi dans une dynamique de circulation correspondant à une séquence de dons selon un cycle « Donner, recevoir, rendre » (p. 39). Une motivation importante pour les bénévoles est qu’ils considèrent comme un devoir de rendre parce qu’ils ont beaucoup reçu, cette obligation pouvant être ressentie envers un groupe ou un organisme en particulier, envers la société ou même envers la vie en général (Gaudet et Reed, 2004; Godbout, 2000a). La notion de plaisir est également importante comme moteur d’action et les bénévoles ont tendance à affirmer recevoir plus qu’ils ne donnent de la part des personnes qu’ils aident (Godbout, 2000a). Le bénévolat est une activité qui favorise l’expression des valeurs et des champs d'intérêt des personnes qui s’y engagent (Gagnon et Sévigny, 2000). Il peut permettre également d’atteindre certains objectifs personnels, par exemple le développement ou l’utilisation de compétences (Robichaud, 2003).

• Le bénévolat dans le contexte québécois

Il importe en terminant de bien situer le bénévolat dans le contexte social québécois. En effet, la notion de bénévolat peut différer de ce qu’elle a pu représenter à d’autres époques et peut également être différente, voire être totalement absente, dans d’autres pays. Les participantes de la recherche pourraient donc n’avoir pas eu de contact avec la réalité bénévole dans leur pays d’origine, tout au moins dans la forme institutionnalisée sous laquelle elle existe présentement au Québec. En fait, l’institutionnalisation du bénévolat au Québec n’est pas nouvelle, si l’on pense par exemple au bénévolat dans les hôpitaux avant la Révolution tranquille. Cependant, celui-ci était organisé par les communautés religieuses, paroisses ou mouvements catholiques laïcs alors en charge d’une bonne partie des services de santé et de services sociaux et relevait d’une logique de charité, d’aide aux pauvres et aux malades (Gagnon et Sévigny, 2000; Martin, 2002; Mercier, 2008). À partir des années 1960, le réseau public de santé et de services sociaux se développe largement et l’ensemble de ces services

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relève maintenant de l’État québécois. Dans ce contexte, le bénévolat reste une réalité présente, mais qui se fait plus discrète, perdant en partie de son importance sociale puisqu’une bonne partie des services rendus auparavant par des bénévoles le sont maintenant par des professionnels. On voit par ailleurs à cette époque le développement de pratiques citoyennes d’action sociale qui représentent une forme de bénévolat engagé visant l’amélioration de différents problèmes sociaux (Martin, 2002). Toutefois, la crise de l’État- providence, à partir des années 1980, provoque une nouvelle transformation du monde bénévole (Mercier, 2008). Le bénévolat actuel relève en effet largement d’une nouvelle logique, en lien avec le développement de politiques gouvernementales partenariales avec le milieu communautaire, particulièrement à partir des années 1990. Dans le cadre de ces politiques, l’État délègue une partie des services offerts à la population à des organismes communautaires et une partie de ces services peuvent alors être donnés par des bénévoles (Gagnon et Sévigny, 2000; Favreau, 2012; Robichaud, 2003). Cette évolution des politiques sociales amène donc des changements importants dans la réalité bénévole. Le rôle des bénévoles est revalorisé et une nouvelle reconnaissance est donnée au milieu communautaire en tant que porteur d’innovations sociales (Martin, 2002; Mercier, 2008). Il y a toutefois un revers à la médaille et ces rapports entre gouvernement et organismes communautaires provoquent plusieurs malaises dans le monde bénévole. Ces rapports relèvent souvent plus de la sous-traitance que du partenariat et une pression importante est mise sur les organismes, ce qui peut les obliger à changer leurs pratiques, parfois même en désaccord avec leur mission. Soumis à des exigences de performance, ceux-ci peuvent être amenés vers une professionnalisation qui risque dans certains cas de transformer le bénévolat d’un geste libre et gratuit à un travail non rémunéré, allant ainsi à l’encontre de son esprit (Gagnon et Sévigny, 2000; Favreau, 2012; Robichaud, 2003).