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Le bénévolat : un parcours d’engagement

Chapitre 4 – Résultats de l’étude

4.3 Le bénévolat : un parcours d’engagement

Cette section de ce chapitre permettra de répondre au deuxième objectif de recherche en explorant le parcours d’engagement bénévole des participantes. Sera d’abord présenté un résumé de leurs parcours pré-migratoires à cet égard, en faisant ensuite une comparaison avec leurs pratiques de bénévolat post-migratoires ainsi que l’évolution qu’ont vécue certaines d’entre elles à cet égard depuis leur arrivée au Québec. Ceci permettra donc de voir comment les pratiques de bénévolat réalisées par les participantes en contexte d’immigration s’inscrivent dans leur parcours de vie et plus spécifiquement dans leur parcours d’engagement.

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4.3.1 Parcours de bénévolat pré-migratoire : un engagement de longue date

Les participantes ont été interrogées sur leur parcours d’implication sociale avant leur immigration au Québec. Il s’avère que la grande majorité d’entre elles avaient fait du bénévolat ou eu des implications similaires avant leur immigration au Québec. Plusieurs avaient des engagements bénévoles de longue date, souvent depuis leur jeunesse ou le début de l’âge adulte. Par exemple, Noëlle dit : « depuis que je suis à l’université et que je suis partie de chez mes parents, je pense qu’il n’y a pas une année où je n’ai pas eu déjà un engagement associatif qui a pu être très divers, mais qui me prenait beaucoup de temps. ». Camille, quant à elle raconte : « Qu’est-ce que j’ai fait comme activités de bénévolat?... J’en ai fait beaucoup, beaucoup. (…) En fait, tout ce qui était de l’aide à la personne, là, moi ça me plaisait, alors j’y allais! ». On peut donc remarquer que, pour la plupart des participantes, le choix de faire du bénévolat après leur arrivée au Québec s’inscrivait dans la continuité de leur parcours pré-migratoire, faisait écho aux choix faits auparavant dans leur vie. Le bénévolat s’inscrivait donc dans une reconstruction de leur vie dans le cadre de la nouvelle étape de leur parcours que constitue leur vie en contexte post-migratoire.

Aminata a quant à elle eu des engagements comparables, mais qui n’étaient pas forcément dans le cadre de bénévolats formels. Elle mentionne que, dans son pays d’origine, la société n’était pas organisée de cette façon, mais plutôt avec des réseaux d’entraide familiale et communautaire et c’est dans ce type de contexte que s’incarnait son engagement, qu’elle considère rétrospectivement comme du bénévolat.

Avant de venir au Québec et au Canada? Oui, j’ai fait du bénévolat… Le bénévolat, là, chez nous, on le fait tous les jours sans même s’en rendre compte. On le fait tous les jours. Parce que chez moi en Afrique (…), quand un enfant naît… Quand il est dans le ventre, il appartient juste à sa mère, mais quand il naît, toute la communauté, tout le monde va apporter son grain de sel pour éduquer cet enfant. Tu imagines? Tu as ta nièce, tu as ta tante qui vient d’accoucher. On te dit « Va l’aider. ». C’est du bénévolat, tu seras pas rémunérée, il a rien rien. Mais tu vas l’aider peut-être à laver son bébé ou bien peut-être faire son ménage, faire sa cuisine. On fait du bénévolat tout le temps. On le nomme pas, mais on le fait. Ça fait partie de nos mœurs.

Par contre, dans les cas de Mei et Caroline, c’est leur situation d’immigrante qui les a amenées à faire du bénévolat pour la première fois. Mei dit que le bénévolat existait peu et n’était pas valorisé dans son pays d’origine et que c’est quelque chose qu’elle a découvert au

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moment de sa première migration aux États-Unis où elle a eu le désir et l’occasion de commencer à faire du bénévolat, ce qu’elle a ensuite fait lors de ses différentes migrations. Elle avait donc déjà fait du bénévolat avant son établissement au Québec, mais seulement en contexte migratoire et non à l’époque où elle vivait encore dans son pays d’origine. Quant à Caroline, elle n’avait pas d’historique de bénévolat avant sa deuxième immigration au Québec.

4.3.2 Bénévolats pré et post-migratoires : entre continuité et nouvelles avenues

Le tableau suivant permet d’avoir une meilleure idée des types de parcours de bénévolat des participantes avant et après leur immigration au Québec et de voir en quoi leurs choix de bénévolat sont en lien ou en rupture avec leur parcours d’engagement antérieur. Il faut par ailleurs noter que certains des bénévolats antérieurs peuvent avoir été faits dans un contexte migratoire antérieur à leur établissement au Québec.

Participantes Bénévolats antérieurs Bénévolats au Québec

Aminata Implication informelle : aide apporté à des membres de la famille et de la communauté

Mentorat immigrants, services en lien avec ses compétences

professionnelles, visites à des personnes âgées, aide pour activités sociales

Bianca Coop agricole, organisation

d’activités culturelles Bénévolat dans des organismes promotion de l’environnement et de la consommation responsable Mary Implication familiale auprès des

démunis dans sa jeunesse,

organisme d’aide à des personnes en situation de pauvreté,

implication dans comité de consultation sociale

Implication sociale non bénévole : services professionnels aux réfugiés

Implication dans son église, bénévolat de services aux

personnes démunies en lien avec ses compétences professionnelles

Camille Ateliers culturels, soutien scolaire, aide à des personnes démunies, implications ponctuelles selon occasions

Activités culturelles, aide pour étudiants étrangers et bénévolat pour événements ponctuels

Leila Accompagnement et services aux

personnes âgées, bénévolat dans une organisation religieuse

Accompagnement auprès de jeunes mères, bénévolat dans une institution religieuse, implication à l’école de ses enfants

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Mei Soutien aux parents d’enfants

malades, organisme amassant des fonds pour enfants réfugiés

Bénévolat auprès d’enfants en milieu de garde

Angélique Centre de jeunes (dans plusieurs endroits), activités sociales Implication informelle : aide à pairs en difficulté

Implication sociale liée à son activité professionnelle

Bénévolat dans le cadre de son église

Nora Accompagnement auprès de

malades en milieu hospitalier Implication informelle : aide à des membres de la famille et de la communauté

Bénévolat dans des organismes liés à l’environnement (en lien avec son domaine d’études) Bénévolat ponctuel pour un organisme de charité

Caroline Pas de bénévolat antérieur Organisme d’aide à des personnes handicapées ou avec une

déficience Noëlle Soutien scolaire, représentante

étudiante, chantiers

internationaux, bénévolat culturel, administration d’une association

Coop de services (services et administration), bénévolats ponctuels dans le cadre de voyages, Implication sociale non bénévole : stage dans un

organisme

On peut remarquer dans ce tableau que, pour la majorité des participantes, il y a un certain lien entre les bénévolats qu’elles ont fait antérieurement à leur arrivée au Québec et le type de bénévolat choisi ici. Dans le cas de Mei, par exemple, tous les bénévolats qu’elle a faits avaient un lien avec les enfants, tandis que Mary s’est toujours impliquée auprès de gens en situation de pauvreté et de vulnérabilité. Leila, quant à elle, a fait du bénévolat pour des organisations liées à sa communauté religieuse à la fois en contexte pré et post-migratoire. Dans certains cas, pourtant, on remarque que le contexte post-migratoire a fait apparaître un type de bénévolat différent de ceux faits auparavant, comme dans le cas de Camille qui s’implique maintenant auprès d’étudiants étrangers après avoir elle-même vécu cette situation. On peut par ailleurs remarquer que les types de bénévolat choisis par les participantes sont très diversifiés. Il est donc difficile de faire des recoupements à ce niveau. Trois d’entre elles font du bénévolat dans le cadre de leur église ou institution religieuse, tandis que trois participantes font un bénévolat en lien avec leurs compétences professionnelles, mettant celles-ci au service de personnes qui en ont besoin. Sinon, plusieurs

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participantes font un bénévolat qui vise une aide ou des services à des personnes qui en ont besoin, bien que les populations auprès desquelles cette aide est donnée soient diverses.

4.3.3 Évolution de la perception du bénévolat en contexte d’immigration

Pour certaines participantes, leur perception du bénévolat ou la façon dont elles vivent celui- ci peuvent avoir changé au cours de leur vécu comme immigrante. Ce changement peut être dû par exemple aux différences entre la vision du bénévolat dans leur pays d’origine et celle qu’elles ont trouvée au Québec. La question des perceptions culturelles face au bénévolat est ainsi abordée à la fois par Angélique et Aminata. Toutes deux originaires d’Afrique, elles soulignent que le bénévolat formel et organisé tel qu’il est conçu ici n’existe pas tel quel dans leur pays d’origine, la société étant organisée autrement, notamment dans un esprit d’entraide familiale et communautaire. Angélique, qui avait pourtant eu certaines implications s’apparentant au bénévolat formel tel qu’on l’entend ici mentionne : « Au (pays d’origine), la société n’est pas organisée dans le sens « faire du bénévolat » en tant que tel comme ici. On s’implique dans les activités. ». Aminata, quant à elle, mentionne que c’est après son arrivée ici qu’elle a découvert la notion même de bénévolat :

On ne met pas de nom là-dessus chez nous en Afrique parce que c’est dans le sang. Personne ne va t’obliger, c’est une obligation morale. (…) On est toujours appelé à donner de l’aide. On t’oblige pas à la faire, mais tu le fais de toi-même. Donc, le bénévolat, on l’a en nous. C’est rendu ici, on a mis le nom dessus. J’ai dit, mais aller aider des personnes qui sont dans le besoin, il y a un nom pour ça? On dit oui, ça s’appelle du bénévolat parce que ce n’est pas rémunéré. J’ai dit ah ok. Moi, je le faisais chez moi depuis longtemps, je ne savais pas!

La différence dans les perceptions culturelles du bénévolat est également un élément mentionné par Mei qui affirme que dans son pays d’origine, le bénévolat est peu présent et peu valorisé puisqu’il s’agit d’une activité non rémunérée : « Dans mon pays (…) c’est pas beaucoup de personnes pour bénévoles. C’est bénévole, il n’y a pas de l’argent, il n’y a pas quelque chose, c’est : « pourquoi beaucoup de temps perdu, pourquoi tu fais ça? ». (…) C’est penser comme ça. ». Elle-même voyait donc auparavant le bénévolat comme quelque chose de négatif, comme un travail non rémunéré pour des gens qui ne peuvent pas avoir un vrai travail ou comme du temps perdu. Il ne lui serait donc pas venu à l’idée de faire du bénévolat avant de se retrouver en situation d’immigration et d’avoir des contacts positifs avec cette réalité. Son expérience comme immigrante, d’abord aux États-Unis puis ensuite au Canada,

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a modifié la perception qu’elle avait du bénévolat. En étant en contact avec des bénévoles, puis en en faisant elle-même, elle le voit donc maintenant comme une activité positive pour elle : « Avant, je pense que la personne c’est très mal, elle ne peut pas prendre le travail, elle ne peut pas prendre le vivre, pourquoi toujours gratuit. C’est vraiment très fou. Mais ensuite, j’ai changé mon… (…) C’est pas nécessaire, mais pour moi c’est bon, oui. ». Même si la réalité du bénévolat était présente dans son pays d’origine et qu’elle-même en faisait, Bianca remarque quand même elle aussi une différence dans la valorisation sociale du bénévolat au Québec, par rapport à son expérience antérieure : « Et au (pays d’origine), on entend souvent dire, mais pourquoi tu ferais ça si tu n’es pas payée? Ou qu’est-ce que tu fais, au lieu de faire du bénévolat, tu pourrais chercher de l’emploi pour vrai. Comme si c’était un gaspillage de temps. ». Dans son cas, il s’agit donc moins d’un changement dans sa perception personnelle du bénévolat, mais plus le fait de vivre une plus grande valorisation sociale de ses activités bénévoles au Québec.

4.4 Le bénévolat en contexte migratoire : des motivations morales et