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Autres enzymes biocatalysant la réaction d’acylation

I. Etude bibliographique

3. Les enzymes catalysant les réactions d’acylation

3.3. Autres enzymes biocatalysant la réaction d’acylation

Alors que les réactions d’acylation catalysées par des lipases imposent une mise en œuvre en milieu organique pauvre en eau, certaines enzymes telles que les acylases, estérases, acyl-transférases, et protéases présentent la capacité à catalyser des réactions de synthèse d’esters et d’amides en milieux aqueux et/ou biphasiques de sorte que le problème de solubilisation de substrats polaires en milieu organique est contourné.

3.3.1. Les acylases

Les acylases sont des enzymes ayant une action sur la liaison carbone – azote essentiellement et ont pour classification internationale EC 3.5.1. Elles ont vu leur utilisation s’accroître en raison de leur capacité à synthétiser des dérivés acylés de biomolécules et pour leurs propriétés d’énantio-sélectivité et de régio-sélectivité.

a) Enantio-sélectivité

Les acylases constituent un groupe d’enzymes très souvent utilisées pour la résolution de mélanges racémiques par acylation énantio-sélective. L’acylase la plus utilisée jusqu’à ce jour est la pénicilline acylase d’Escherichia coli. Elle est dotée d’une capacité à catalyser la N-acylation des aminonitriles avec une énantio-sélectivité en faveur du composé S exclusive comme l’illustre la figure I.8. Ce procédé de synthèse, mis en œuvre en milieu aqueux à pH acide, permet donc la résolution énantio-sélective de composés d’intérêt thérapeutique (précurseurs d’antibiotiques) dont la récupération est d’ailleurs facilitée par la nature du milieu, et s’effectue par précipitation (Chilov et al., 2003).

Figure I.8. N-acylation énantio-sélective de l’α-phénylglycinonitrile par l’acide phénylacétique en milieu aqueux catalysée par la pénicilline acylase d’après Chilov et al., (2003).

L’immobilisation de ce biocatalyseur sur support a permis d’améliorer encore ses capacités synthétiques en milieu aqueux (Estruch et al., 2008). D’autres procédés de synthèse en milieu aqueux utilisant la pénicilline acylase d’Alcaligenes faecalis ont permis l’acylation énantio-sélective d’amines de façon très significative (Roche et al., 1999 ; van Langen et al., 2000). Aussi, il a été montré que l’Acylase I commerciale d’Aspergillus catalyse l’acétylation énantio-sélective du (S)-1-acétoxy-1-phényléthanol à hauteur de 97 % (Virsu et al., 2001). Remarquons qu’il est possible au cours d’un procédé enzymatique, d’orienter l’activité des acylases en fonction du pH soit vers la synthèse, soit vers l’hydrolyse tout en conservant leur sélectivité. Cette particularité est mise à profit pour affiner la résolution énantio-sélective de composés (Guranda et al., 2001 ; Liljeblad et al., 2001 ; Guranda et al., 2004). L’aspect surprenant de ces enzymes est qu’elles sont capables de catalyser la racémisation de composés par acylation aussi bien en milieux aqueux qu’en milieu organique. Ainsi une étude a mis en évidence l’aptitude de ces enzymes à catalyser l’acylation énantio-sélective exclusive d’esters β-aminés dans le toluène (figure I.9.) avec un rendement significatif (Roche et al.,

Figure I.9. Cinétique de résolution énantio-sélective d’esters β-aminés en solvant organique par la pénicilline G acylase d’après Roche et al., (1999).

D’après les travaux recensés dans la littérature, l’énantio-sélectivité des acylases, est plus importante que celle des lipases au sens strict (Liljeblad et al., 1999). Au vu de leur efficacité en milieux aqueux et en milieu organique, quelques études ont eu pour objectif la mise en œuvre de procédés enzymatiques catalysés par des acylases dans des systèmes biphasiques. Ce genre de milieu réactionnel augmenterait significativement l’énantio-sélectivité de la N-acylation (Van Langen et al., 2000).

b) Acylation régio-sélective d’acides aminés

Les acylases sont aussi dotées d’un caractère régio-sélectif aussi bien en hydrolyse qu’en synthèse. Cette propriété paraît très intéressante pour la mise en œuvre de procédés d’acylation d’acides aminés et de peptides. De récentes études ont montré qu’en jouant sur le ratio molaire accepteur / donneur d’acyle, il est possible d’acyler régio-sélectivement la fonction amine en position ε de la lysine en utilisant une acylase issue de Streptomyces mobaraensis en tampon phosphate (Koreishi et al., 2005a ; Koreishi et al., 2005b). A titre indicatif, ces études ont montré que cette enzyme présentait aussi une spécificité de substrat en faveur des acides gras à moyenne et longue chaîne. Cette enzyme s’est aussi avérée efficace d’un point de vue rendement et régio-sélectivité pour la production de dérivés mono acylés de dipeptides en milieux aqueux (Koreishi et al., 2006).

3.3.2. Les carboxyl-estérases

Les estérases (EC 3.1.1.1.) sont des enzymes capables, elles aussi, de catalyser des réactions d’acylation et particulièrement la synthèse de la liaison ester. Différents facteurs sont susceptibles d’influencer son activité. Par exemple, dans le cas de l’acétylcholine estérase, la condensation des acides gras avec différents substrats nucléophiles, semble

carboxylique et du pH (Hestrin, 1950). Récemment, une étude a mis en évidence la faisabilité de la trans-acylation à partir d’esters activés en milieux aqueux, catalysée par une acétyl-estérase partiellement purifiée issue de Ttrichoderma reseei. Cette enzyme présente une sélectivité (tableau I.2.) d’acylation envers des substrats polyfonctionnels et une large spécificité de substrat (Kremnicky et al., 2004).

Tableau I.2. Exemples d’acétylation de mono- et d’oligosaccharides catalysés par l'acyl-estérase de T. reseei. Efficacité et nombre de produits différents synthétisés par substrat d’après Kremnicky et al., (2004).

Un autre exemple est l’acylation de la catéchine par différents donneurs d’acyle, biocatalysée par la carboxyl-estérase d’Aspergillus niger. Cette réaction a été mise en œuvre avec succès en solvant organique et conduit à une O-acylation régio-sélective (Chebil et al.,

2006). L’acylation enzymatique d’un alcool aminé par l’acétate de vinyle biocatalysée par l’estérase de Mucor miehei révèle l’aptitude de ces enzymes à catalyser la N et/ou la O-acylation. La chimio-sélectivité de ces enzymes serait dépendante de la nature du substrat et plus particulièrement de ses groupes nucléophiles (Djeghaba et al., 1991 ; Furutani et al.,

1997 ; Hacking et al., 2000).

3.3.3. Les protéases

Ces enzymes ont une action directe sur les liaisons peptidiques et présentent une classification internationale EC 3.4. Les protéases présentent une bonne stabilité thermique et peuvent être utilisées pour catalyser la réaction d’acylation en milieu organique (Bordusa 2002).

a) Régio- et chimio-sélectivité

Les protéases présentent des propriétés de régio et/ou de chimio-sélectivité intéressantes. Une étude a consisté à réaliser une trans-estérification du glucose avec

différents donneurs d’acyle, dans différents solvants organiques, biocatalysée par la protéase alcaline de Bacillus subtilis. Un taux de conversion significatif du substrat et une bonne régio-sélectivité ont été obtenus dans la pyridine après optimisation de l’homogénéité du milieu par ultrason (Xiao et al., 2005). Dans une autre étude, des esters d’acides aminés et de sucres ont été synthétisés en utilisant une protéase commerciale (Optimase®) de Bacillus lichenisformis

dans la pyridine. Seules les fonctions hydroxyles primaires ont été acylées (Park et al., 1999). Pour le couplage d’un acide aminé et d’un alcool aminé, l’équipe de Chinsky et al., (1989) a fait réagir la fonction acide d’un peptide ou d’un acide aminé sur le 6-amino-1-hexanol, dans le 2-méthyl-2-butanol en présence de la protéase de Bacillus subtilis de type VIII (Subtilisine Carlsberg®). Les rendements étaient significatifs et la réaction était exclusivement en faveur de la formation d’une liaison amide.

b) Les limites à leur utilisation

En revanche, d’autres études réalisées par la suite concernant la N-acylation en milieu organique et tamponné, catalysée par différentes protéases, n’ont pas du tout été satisfaisantes. On peut citer par exemple l’acylation de la N-méthyl glucamine (Maugard 1996). Selon Matos et al., (1987), les protéases sont trop spécifiques des liaisons peptidiques et sont peu réactives dans un solvant organique polaire tel que le 2-méthyl-2-butanol, ce qui serait susceptible d’induire l’hydrolyse de la liaison d’intérêt formée. De plus, elles sont peu spécifiques des acides gras. C’est pourquoi, les recherches de bioconversion se sont de plus en plus orientées vers l’utilisation d’hydrolases plus courantes comme les lipases.

3.3.4. Les acyl-transférases

Elles sont issues d’organismes Procaryotes et Eucaryotes. Leur classification internationale est EC 2.3.1. Cependant, certaines études concernant les réactions d’acylation catalysées par des acyl-transférases désignent plutôt ces enzymes comme des lipases à activité acyl-transférase en milieux aqueux et conserve une nomenclature de type EC 3.1.1.3. pour les désigner. Leur principal intérêt est leur capacité à catalyser l’acylation en milieux aqueux.

a) Généralités

Ces enzymes constituent une grande classe de biocatalyseurs, divisée en plusieurs familles telles que la famille des WS/DGAT (wax esters synthase/acyl coenzyme A : diacyl

sont capables de catalyser l’acylation de substrats à partir d’acyle coenzyme A (Vetting et al.,

2005 ; Stoveken et al., 2008). D’autres sont capables de catalyser l’acylation à partir d’acides gras libres et d’esters d’acide gras. Les acyl-transférases d’origine bactérienne ne semblent pas présenter une sélectivité de substrat bien marquée mais plutôt un spectre de substrats très large (figure I.10.) pouvant contenir aussi bien des alcools linéaires à deux carbones que des alcools à 18 carbones voire même cyclisés (Stoveken et al., 2008).

Figure I.10. Exemples de substrats pouvant être acylés par la famille d'enzymes WS/DGAT d’après Stoveken et al., (2008).

L’observation de nombreuses séquences peptidiques constitutives de ces enzymes laissent supposer que le site actif serait constitué du motif suivant HHXXXDG très rarement modifié (Stoveken et al., 2008). Les résidus histidines joueraient le rôle de base et déprotoneraient la fonction hydroxyle ou amine du substrat. Celle-ci exercerait alors une attaque nucléophile sur l’atome de carbone du donneur d’acyle (acide gras libre, ester ou acyle coenzyme A), ce qui conduirait à l’établissement d’une liaison amide ou ester.

b) Exemples de réactions d’acylation sélective catalysées par les acyl-transférases

Citons l’exemple de l’acyl-transférase de Candida parapsilosis utilisée dans différents travaux pour catalyser la synthèse d’esters ou d’amides en milieux aqueux biphasiques (Lecointe et al., 1996 ; Vaysse et al., 1997 ; Vaysse et al., 2002). Cette enzyme est capable de synthétiser chimio-sélectivement des liaisons amides en tampon phosphate en présence d’un acide gras sous forme d’émulsion stabilisée et d’un substrat bifonctionnel en large excès : l’hydroxylamine, et est sensible aux conditions de pH et de température (Vaysse et al., 1997).

L’activité synthétique de cette enzyme peut être favorisée non pas en modifiant la nature du milieu réactionnel mais en jouant sur la nature du donneur d’acyle (figure I.11.). En effet, l’utilisation d’un ester d’acide gras va favoriser l’activité aminolyse ou alcoolyse de l’enzyme au contraire d’un acide gras libre qui induit une activité hydrolytique majoritaire (Fournand et al., 1998). Cette spécificité a été mise en évidence dans des travaux concernant aussi bien la N-acylation d’alcool aminé que la O-acylation de méthanol (Briand et al., 1995 ; Fournand et al., 1998).

Figure I.11. Schéma de réactions possibles pour la biosynthèse d’acide d’hydroxamique d’après Vaysse et al.,

(1997).

Les esters d’acides gras les plus adéquats pour la mise en œuvre de réaction d’acylation catalysée par cette enzyme sont les esters dont la chaîne acyle est constituée de 14 à 18 carbones avec une insaturation et un groupe alkyle de 1 à 4 carbones (Briand et al., 1995). D’autres acyl-transférases sont connues pour leur aptitude à catalyser l’acylation et plus particulièrement la N-palmitoylation sélective de peptides ainsi que l’octoylation de grosses protéines en position Nα terminale (Bijlmakers, 2007 ; Gutierrez et al., 2008). Ce type d’enzyme permet donc de mettre en œuvre des réactions d’acylation biocatalysées en milieux aqueux et donc de s’affranchir de l’utilisation de solvants organiques.