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L’autorité des conventions internationales de droit maritime renforcée par leur intégration dans le droit communautaire

Section II : La coexistence des normes internationales avec les normes de droit interne 184 La force contraignante des traités impose de faire prévaloir leurs dispositions sur le

TITRE 2 L’autorité des conventions internationales de droit maritime renforcée par leur intégration dans le droit communautaire

199. L’Union européenne est l’une des premières puissances commerciales au monde

et la plupart de ses exportations se faisant à l’extérieur de l’Union européenne, elle a une place fondamentale dans l’adoption de règles régulant le transport maritime. Elle est devenue

un acteur majeur dans l’élaboration de la réglementation maritime et il ne peut être fait l'économie au sein de cette étude, de l'examen de la législation issue des institutions européennes. La diversité des domaines dans lesquels elle est susceptible d’intervenir permet de comprendre l’ampleur de son influence. Ce vaste champ d’intervention a posé la question de l’existence d’une politique maritime intégrée de l’Union européenne qui aurait pour but de favoriser l’établissement de principes directeurs communs afin de sortir des approches sectorielles et éclatées mettant en danger

l’application d’une réglementation cohérente.207

200. L’Union européenne est attentive aux problématiques relatives au contentieux

maritime. Les différentes catastrophes maritimes ont eu un large écho au sein de la communauté

européenne et l’Union européenne a entendu réagir au niveau régional pour renforcer les normes applicables afin de pallier aux divergences d’application des réglementations nationales des États membres. Il s’agit d’imposer un cadre juridique uniforme sur le territoire européen. Conscientes que de nombreux instruments juridiques ont été adoptés au niveau international, les institutions européennes ont conscience des potentielles interactions avec le droit international existant et veillent à assurer l’adoption de règles conformes avec le droit international.

201. Les rapports entre le droit de l'Union européenne et le droit international n'ont

toutefois pas été clairement définis. Le droit primaire de l’Union européenne ne prévoit pas les

relations que le droit européen doit entretenir avec le droit international et les réponses ont dû être recherchées par la jurisprudence. Bien que toutes les clarifications souhaitées n’aient pas encore été apportées, la tendance qui se dessine mène à une coopération entre les différents systèmes juridiques. C'est à vrai dire la seule alternative politiquement et juridiquement acceptable en l'état actuel du droit.

207 CHAUMETTE Patrick, L’Union européenne et la mer – Vers une politique maritime de l’Union européenne ?, DMF

202. La politique maritime de l'Union européenne est mise en place par le droit dérivé qui est constitué par les actes pris par les institutions européennes. Le droit dérivé se

distingue du droit primaire qui constitue le fondement de l’ordre juridique de l’Union européenne. Celui-ci est composé principalement des traités définissant les compétences de l’Union européenne et ses relations avec les États membres. Il fixe le cadre juridique et définit les normes juridiques au service de l’Union européenne pour la mise en œuvre de sa politique.

De son côté, le droit dérivé est composé des actes législatifs de l’article 288 du TFUE et des actes conventionnels. Le droit subsidiaire fait quant à lui référence à la jurisprudence de la Cour de justice, le droit international et les principes généraux du droit. Le droit international est donc une des sources du droit de l’Union européenne qui s’en inspire et s’y réfère pour combler les lacunes du droit primaire et du droit dérivé. De plus, avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’Union européenne a acquis la personnalité juridique qui lui permet de conclure des traités dans les domaines relevant de sa compétence. Cette personnalité juridique est distincte de celle des États membres et s'exerce pour la réalisation des objectifs dans le strict cadre des compétences prévues par les traités.

203. La politique maritime européenne s’est développée conformément aux

compétences attribuées à l’Union européenne telles que prévues par les traités. L’article 91 du

Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) est le fondement de l’intervention de l’Union européenne en matière des transports. Le domaine du transport est l’une des premières

politiques communes de l’Union européenne inscrite au titre VI du TFUE.208 Elle s’est

essentiellement réalisée autour d’un axe commercial en supprimant les frontières et en favorisant le développement d’un marché unique. De cette politique a découlé l’objectif d’une meilleure cohésion entre les différents modes de transport et logiquement la naissance d’une logique multi modale. En parallèle, un des domaines privilégiés de l’action de l’Union européenne est la gestion des espaces maritimes. La mission dont s’est investie l’Union européenne a donné lieu à une production significative de normes visant à la protection de l’environnement englobant la protection des espèces animales, la préservation du milieu marin ou les risques liés aux activités industrielles. Les activités économiques du monde maritime sont toutes concernées par l’intervention normative de l’Union européenne. La nature particulière du droit maritime mêlant des problématiques de droit de transport et de l’environnement rend la matière particulièrement perméable aux normes européennes.

204. Il résulte alors de l’intervention de l’Union européenne en matière maritime une complexification du schéma législatif. La production normative de l’Union est abondante et les

impacts dans les droits nationaux des États membres sont divers et variables. Il existe différentes réglementations susceptibles de s’appliquer au plan national, régional et international. L’imbrication des normes issues d’institutions différentes rend délicate la résolution d’un litige qui passe nécessairement par l'interrogation préalable de l’existence d’une norme supra nationale, imposant de se déplacer en dehors de son champ de compétences pour comprendre les réglementations

applicables.209 Cette superposition de normes offre des réponses variées pouvant mettre en péril la

cohérence des textes applicables tant au niveau européen qu'au niveau international.

205. Il est pourtant fondamental de parvenir à une cohérence dans l'articulation du

droit international avec le droit européen compte tenu du domaine d’action géographique limité de l’Union européenne. Cette dernière ne peut avoir l’ambition de réglementer l’ensemble

de la matière pour des simples raisons de champ d’application territoriale.

Des initiatives encourageantes ont été menées en vue d’une harmonisation des règles internationales et européennes. C’est notamment ce qui s’est passé dans le cadre du transport aérien où un rapprochement entre les règles applicables à la responsabilité du transporteur au niveau international et européen s’est opéré. Afin de répondre aux insuffisances de la réglementation existante, incarnée par la Convention de Varsovie de 1929, la convention de Montréal a été adoptée le 28 mai 1999 pour établir un cadre juridique uniforme de la responsabilité du transporteur aérien en cas de dommages causés aux passagers, aux bagages et aux marchandises lors de voyages internationaux. Soucieuse d’assurer un système uniforme, la communauté européenne a modifié le règlement (CE) n° 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages, par le

règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil du 13 mai 2002 afin d’intégrer

les règles prévues par la Convention de Montréal. Dans le cadre d’un dommage pour retard, la jurisprudence a d’ailleurs rappelé que cette convention était « complémentaire des diverses mesures

d’indemnisation et d’assistance des passagers » et qu’elle avait tout à fait vocation à

s’appliquer.210 Toutefois, les dispositions du régime international sont écartées si le règlement du 13

mai 2002 prévoit des règles plus favorables pour les passagers.211

C’est par ailleurs cette même démarche qui a aussi été engagée dans le domaine du transport aérien avec l’intégration des dispositions du protocole de 2002 amendant la Convention

209 BERGE Jean-Sylvestre Bergé, Interactions du droit international européen - Approche du phénomène en trois étapes

dans le contexte européen, Journal du droit international (Clunet) n° 3, Juillet 2009, chron. 4

210Cour de cassation (Civ. 1ère), 2 avril 2014, n° 13-16.038 211 Code des transports, p. 1419

d’Athènes de 1974 dans le règlement du 23 avril 2009.Ces initiatives doivent être saluées car elles évitent tous conflits de normes en instaurant des règles communes.

206. En termes de rapports juridiques, il est délicat de déterminer quel ordre

prévaut. Si le droit de l’Union européenne intègre les principes contenus dans les instruments

juridiques internationaux, il rejette toute supériorité d'un ordre international en affirmant son autonomie. Le droit européen refuse toute ingérence arbitraire du droit international mais demeure conscient que celui-ci, résultant de compromis entre États, est une source précieuse et utile à la construction de la réglementation maritime européenne.

La doctrine observe que la mise en œuvre du droit européen est souvent inséparable du

phénomène d'internationalisation du droit.212 L’Union européenne accepte que certains traités, par

lesquels elle est liée, puissent prévaloir sur le droit dérivé. Les principes et décisions du droit international occupent une place particulière dans l’ordre juridique européen. Ils ne se verront dotés d’un caractère positif seulement si l’Union européenne a décidé de les intégrer.

Mais une difficulté supplémentaire apparaîtra lorsqu’il sera question de reconnaître un effet direct à ces traités internationaux liant l’Union européenne. Il revient à la jurisprudence d’établir ces critères et d’en définir les contours ce qui s’est révélé être une tâche ardue accompagnée d'un sentiment d’inachevé. Toute conclusion définitive serait hâtive.

207. Les interactions entre ces deux ordres juridiques sont inévitables mais l’Union

européenne n’est pas prête à se laisser concurrencer par un autre système juridique. Une des

méthodes utilisées pour contrôler les effets du droit international au sein du droit européen est l’insertion des clauses de déconnexion dans les conventions internationales. Les conflits entre l’ordre international et l’ordre européen ne pourront être résolus qu’au cas par cas en fonction de la norme considérée et de l’attitude de l’Union européenne dont l'objectif est d’asseoir son autonomie législative. L'Union s'efforce de mettre en place des dispositifs anticipant les conflits des deux ordres mais quand un tel conflit n'a pas été préalablement éludé, il reviendra au juge de se prononcer, ce qu'il fera toujours en rappelant l'interdépendance des deux systèmes, sans pour autant dégager de principe général. L'Union tente d'ouvrir le dialogue avec les institutions internationales. Il est en effet souhaitable que l’Union européenne collabore plus étroitement avec ses partenaires au sein de l’O.M.I (Organisation maritime internationale) afin contribuer à une culture commune de

sécurité maritime.213

212 BERGE Jean-Sylvestre Bergé, Interactions du droit international européen - Approche du phénomène en trois étapes

dans le contexte européen, Journal du droit international (Clunet) n° 3, Juillet 2009, chron. 4

L’Union européenne dispose d’un large arsenal législatif permettant de mettre en œuvre sa politique maritime. Bien que l’élaboration d’un cadre juridique touchant l’activité maritime prenne en considération le droit international, le défaut de clarté des relations entre les normes de droit européen et international, principalement dû à l’autonomie du pouvoir contraignant de l’Union européenne (Chapitre 1) pose la question du risque de conflit de la réglementation communautaire avec les conventions internationales de droit maritime (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Le pouvoir contraignant de l’Union Européenne dans l’adoption de conventions internationales de droit maritime

208. La politique maritime de l’Union européenne est mise en place grâce à son droit

dérivé. Les actes normatifs diffèrent du droit interne et leur portée est définie par l’article 288 du

TFUE214. Cet article prévoit que « Pour exercer les compétences de l'Union, les institutions

adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis. Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre. La directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. La décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est

obligatoire que pour ceux-ci. Les recommandations et les avis ne lient pas. »

209. Il est clairement établi que le règlement est un acte contraignant dont l’intégralité du

contenu doit être appliquée par tous les États membres. Les directives fixent des objectifs à tous les États membres qui auront le choix des moyens pour les atteindre. Les décisions ne contraignent que les États auxquels elles s’adressent (pays membre ou entreprise). Les recommandations n’imposent aucune obligation pour les destinataires. Les avis sont utilisés par les institutions pour exprimer leur point de vue sans imposer d’obligations à leurs destinataires.

Les normes de l'Union européenne sont dotées d'une force juridique contraignante caractérisée par des principes fondamentaux définis par la jurisprudence communautaire, qu’il est utile de rappeler (section I) avant de voir comment elles intègrent les normes conventionnelles de droit maritime (section II).