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Autophagie et rôle suppresseur de tumeur

I). Cette classification immunohistochimique est actuellement utilisée en pratique clinique

3. Autophagie et cancers

3.1 Autophagie et rôle suppresseur de tumeur

3.1.1 Le rôle suppresseur de tumeur des protéines ATG

L’autophagie a été initialement décrite comme étant un mécanisme suppresseur de tumeur. En effet, des études ont montré une perte monoallélique du gène BECLIN1 dans 40 à 75 % des cancers de la prostate, des ovaires ou du sein (Saito et al, 1993; Gao et al, 1995). De plus, des études cliniques ont montré qu’une expression aberrante de BECLIN1 (augmentée ou diminuée) dans les tissus tumoraux est associée à un faible pronostic et à un phénotype tumoral agressif (Koukourakis et al, 2010; Giatromanolaki et al, 2011) et que des souris présentant une délétion monoallélique de BECLIN1 développent des tumeurs spontanées plus fréquentes, telles que des tumeurs du foie ou du sein (Qu et al, 2003; Yue et al, 2003). De plus, des délétions d’un ou plusieurs allèles de BECLIN1 sont fréquemment observées dans des lignées de cancer du sein (Aita et al, 1999). Lorsque BECLIN1 est surexprimée dans la lignée de cancer du sein MCF-7 (luminal A), ceci favorise l’autophagie tout en réduisant le potentiel tumorigénique de cette lignée in vivo (Liang et al, 1999).

Alors qu’une délétion complète de BECLIN1 est létale lors du développement embryonnaire, des souris présentant une délétion d’autres gènes ATG, telles qu’ATG5 ou

ATG7, survivent jusqu’à 1 à 2 jours après la naissance, mais succombent de déficiences

métaboliques ultérieurement (Kuma et al, 2004; Komatsu et al, 2005). Cette différence de phénotype semble donc indiquer que BECLIN1 pourrait avoir d’autres fonctions en dehors de l’autophagie et que son rôle suppresseur de tumeur ne serait pas uniquement dû à ses fonctions dans l’activation du complexe PI3KC3 et la biogénèse des autophagosomes. Des études plus récentes montrent que l’autophagie aurait plutôt un rôle suppresseur de tumeurs spontanées. En effet, des modèles de souris présentant une délétion monoallélique d’ATG5 et des souris présentant une délétion d’ATG7 ciblée dans le foie, montrent l’apparition spontanée de tumeurs bégnines dans le foie, non invasives et ne formant pas de métastases (Takamura et

al, 2011; Inami et al, 2011). Chez l’homme, moins de 10 % des tumeurs bégnines du foie

deviennent malignes et le rôle exact de l’autophagie dans ce processus est encore inconnu (pour une revue, voir Shanbhogue et al, 2011). Cependant, ces lésions bégnines sont totalement déficientes pour l’autophagie, supportant ainsi l’hypothèse selon laquelle l’autophagie serait nécessaire pour permettre la progression tumorale.

3.1.2 Mécanismes anti-tumoraux de l’autophagie

Comme décrit dans le paragraphe précédent, il a été montré que différentes protéines jouant un rôle dans l’autophagie peuvent avoir un rôle suppresseur de tumeurs. Les principaux mécanismes liés à cette fonction seront décrits dans les paragraphes suivants.

3.1.2.1 Maintien de l’intégrité du génome et prévention des stress

Les tumeurs subissent différents stress métaboliques induits par l’hypoxie et le manque de nutriments, qui sont couplés à une demande en énergie croissante, due au phénotype de prolifération important des cellules cancéreuses. Ces stress augmentent donc la possibilité de dommages au sein de la cellule cancéreuse. L’apoptose agit comme première ligne de défense pour éliminer les cellules endommagées. Cependant, lorsque le mécanisme apoptotique est défaillant ou inactivé, ce qui est régulièrement le cas lors de la tumorigenèse, les cellules utilisent l’autophagie pour produire un taux suffisant d’ATP et maintenir l’intégrité cellulaire. En effet, des cellules épithéliales mammaires immortalisées qui présentent une perte monoallélique de BECLIN1 sont significativement moins résistantes à la mort cellulaire induite par un stress métabolique (Karantza-Wadsworth et al, 2007). De manière paradoxale, les cellules BECLIN1+/+ pouvant utiliser l’autophagie lors de stress pour survivre, sont moins

tumorigènes que les cellules BECLIN +/-. Ceci est principalement dû au fait que dans les

cellules déficientes en autophagie, le stress métabolique induit de manière significative plus de cassures de l’ADN, une amplification génique ainsi que l’accumulation de mitochondries endommagées, comparé aux cellules sauvages (wild-type, WT). De plus, SQSTM1/P62 forme un lien très étroit entre autophagie et tumorigenèse (Mathew et al, 2009). En effet, l’accumulation de mitochondries endommagées ainsi que d’agrégats protéiques dans les cellules déficientes en autophagie provoque une augmentation des ROS conduisant à une augmentation des dommages à l’ADN mais également une accumulation de SQSTM1/P62. Cette accumulation de SQSTM1/P62 lors d’un stress métabolique provoque la synthèse de ROS, induisant alors un rétrocontrôle positif. L’autophagie a donc un rôle suppresseur de tumeur en maintenant un taux de ROS intracellulaire peu élevé. Pour finir, une étude a montré qu’une perte de BECLIN1 est associée de manière significative à l’amplification d’HER2 dans une petite cohorte de patientes atteintes de cancer du sein. Les auteurs ont également associé la perte de BECLIN1 avec des mutations d’autres gènes suppresseurs de tumeurs, comme P53 et PTEN, ceci corroborant l’hypothèse selon laquelle une perte de BECLIN1 et de l’autophagie facilite les dommages à l’ADN et l’instabilité génomique chez les patientes atteintes de cancer du sein HER2+ (Negri et al, 2010). Une étude récente a confirmé ces données dans une cohorte atteignant plus de 3000 patientes et a montré qu’une faible expression de BECLIN1 est retrouvée généralement chez les patientes de type HER2+ mais également chez les patientes TN et que cette baisse d’expression est associée à des mutations de P53 (Tang et al, 2015).

3.1.2.2 Induction de la sénescence par l’oncogène

La sénescence induite par l’oncogène (oncogene-induced senescence, OIS) est un mécanisme permettant un arrêt permanent du cycle cellulaire, en réponse notamment au stress métabolique généré lors de la transformation oncogénique. Lors de la tumorigenèse, ce processus est inhibé par des gènes suppresseurs de tumeur pour permettre la transformation et la prolifération cellulaire. L’autophagie est induite pendant l’OIS, et l’inhibition de ce processus par une extinction des gènes ATG5 ou ATG7 permet d’éviter la sénescence (Young

et al, 2009). En effet, l’autophagie permet le recyclage de constituants cellulaires et favorise

ainsi l’OIS en produisant les acides aminés nécessaires à la synthèse des protéines de sécrétion. Il semble donc qu’un taux basal d’autophagie permet d’inhiber la prolifération des cellules pendant l’OIS pour ainsi éviter la progression tumorale.

3.1.2.3 Inhibition de la nécrose pour les cellules résistantes à l’apoptose

La mort cellulaire par nécrose induit l’infiltration de cellules immunitaires, telles que les macrophages, et la production de cytokines pro-inflammatoires qui facilitent la croissance tumorale (pour une revue, voir Vakkila & Lotze, 2004). En effet, les cellules inflammatoires infiltrent la tumeur en réponse aux signaux nécrotiques émis. L’inflammation chronique tumorale associée à une hypoxie sévère au cœur de la tumeur et à un stress métabolique favorise généralement l’immunité pro-tumorale ( pour une revue, voir DeNardo et al, 2008). En effet, l’infiltration de cellules inflammatoires pro-tumorales, comme les macrophages, est associée à un faible pronostic, soulignant l’importance de comprendre les mécanismes biologiques qu’utilisent les cellules tumorales pour favoriser une réponse immunitaire leur permettant de proliférer (Bingle et al, 2002). L’autophagie peut donc limiter la nécrose de cellules cancéreuses résistantes à l’apoptose, pendant le stress métabolique et inhiber la croissance tumorale en prévenant l’infiltration de leucocytes au niveau du site tumoral initial (Degenhardt et al, 2006).