• Aucun résultat trouvé

Chapitre 6. Projet

6.3. Descriptif détaillé des modalités de réalisation de ce projet à court terme 129

6.3.2 Auto-régulation et régulation sociale : quelles orientations en terme de fonctions et de

Les axes d’analyse des chapitres 3, 4 et 5 se sont centrés, au cours du temps, autour de la notion de régulation. Selon Leplat (Leplat 2006) la régulation est une des composantes majeures dans l’analyse de l’activité. Il en décrit l’utilisation dans différents secteurs en particulier pour l’analyse du travail et l’analyse des apprentissages instrumentés. Je pense utile de reprendre certains concepts pour les activités instrumentées en considérant que la structure et les interactions imposées par l’outil peuvent être assimilées à des régulations de contrôle qui agissent sur les comportements des utilisateurs, c’est-à-dire produisent des régulations autonomes. Dans l’ensemble des mes travaux, les régulations de contrôle ont exploité les informations produites au cours de l’activité ou organisé la production d’informations pour stimuler la construction des savoirs au niveau individuel et organisationnel. Ces régulations peuvent correspondre à la publication d’informations produites de manière intentionnelle (traces volontaires, traces intentionnelles…) ou non intentionnelle (traces enregistrées automatiquement, traces fortuites) au cours de l’activité. La compréhension des éléments documentaires qui construisent des démarches d’auto-régulation ou de d’auto-régulation autonome et qui produisent des effets de changement sur l’individu me semble être une question de recherche majeure dans le domaine des SIC et de l’informatique. En effet, de nombreux outils d’information et de communication utilisent

l’awareness et la réflexivité pour construire des formes d’interaction de type régulation

sociale ou auto-régulation. De nombreux outils numériques de « quantified-self » sont conçus, comme des assistants personnels au changement, pour aider l’utilisateur à amorcer un changement de comportement ; comme mieux gérer son entrainement sportif (voir Figure 35), son stress (voir Figure 36), sa consommation électrique (Licoppe et al. 2013), etc. Ces outils sont destinés à favoriser des processus d’auto-régulation.

   

Figure 35 : Digifit, application de régulation des

pratiques de course à pied (http://digifit.com/) régulation du stress et de la fréquence cardiaque Figure 36 : Heartmath, application de (http://heartmathstore.com)

Sur les plateformes sociales du web, les appréciations, les tags ou toute autre forme d’indexation sociale, sont massivement utilisés pour orienter l’utilisateur dans la réalisation de son activité ou lui permettre d’affiner la compréhension de certains éléments de son environnement (physique ou digital).

Une meilleure connaissance des principes liés à ces phénomènes est intéressante à étudier selon les paradigmes des SIC pour différentes raisons. Tout d’abord parce que c’est une forme de médiation complexe, qui combine la médiation réflexive, la médiation épistémique, la médiation sociale et la médiation socio-cognitive par exemple. Il est donc important, pour analyser les outils qui les utilisent de bien comprendre comment elles s’effectuent et quels effets elles produisent. Pour ce faire, des analyses de situations ou des analyses d’usages sont très instructives. A plus grande échelle, si on considère comment les échanges humains autour d’activités réalisées avec des dispositifs accélèrent leur appropriation et leur diffusion dans la société, il est intéressant d’observer comment ces interactions de « quantified-self » vont avoir un impact sur la diffusion des innovations.

Une autre raison est que ces régulations sont des formes de contrôle des individus sur eux-mêmes ou sur les autres. De nombreuses recherches en SIC s’attachent à décrire et à formaliser la notion de dispositif en considérant justement des effets de contrôle. Ce contrôle est rendu possible par l’outil technologique car les fonctions pour le réaliser sont définies à la conception ; les individus vont alors s’en emparer ou les détourner pour servir leurs propres besoins.

Enfin, pour les sciences de l’information et l’architecture de l’information, l’auto-régulation et la régulation sociale portent de nombreux questionnements quant au traitement, à la qualification et à la gestion des informations exploitées. La question du statut des traces est centrale dans ce cas. La question de l’expérience utilisateur est aussi fondamentale. Ces informations sont en effet caractérisables autant par la sémantique que par l’affect et l’émotion qu’elles portent. De ce fait, réfléchir aux éléments qui sont utilisables pour faire leur indexation ou réfléchir à la manière dont ces informations doivent être présentées est un vrai challenge.

La question de l’auto-régulation est importante à étudier pour l’informatique car elle constitue un des fondements des systèmes homme-machine complexes (Leplat 2006) en ce sens qu’elle permet de concevoir des interactions favorisant le développement et l’engagement des utilisateurs. Ces interactions garantissent ainsi une continuité d’usage et une

appropriation plus grande du système. La mise en œuvre de processus d’auto-régulation pose des

questions assez complexes de traitement sur les données, en particulier lorsqu’il s’agit de concevoir des systèmes adaptatifs. En effet, par définition, un utilisateur qui s’auto-régule évolue et change. C’est l’objectif même du processus. Les systèmes adaptatifs vont calculer

les processus d’adaptation sur la base des profils qu’ils ont construits de leurs utilisateurs. Si l’utilisateur évolue et change en profondeur, il est nécessaire de concevoir des procédures

d’adaptation qui identifient très tôt ces changements, adaptent les profils et les routines d’adaptation

en conséquence. De plus, le principe d’auto-régulation s’organise autour des possibilités accrues pour l’utilisateur d’être actif dans son utilisation du système. Cette position d’acteur se manifeste aussi par sa possibilité de modifier les fonctionnalités du système selon ses besoins. Ces derniers étant par définition en constante évolution, les environnements numériques à concevoir doivent donc être adaptables, ce qui est un verrou à la fois en terme de traitement des données mais aussi des interactions.

Je propose de travailler sur ces questions de deux manières :

- en analysant les interactions, en terme d’affordances et de valeur pour l’utilisateur, qui sont proposées au travers de ces indicateurs réflexifs et des systèmes dans lesquels ils sont présentés.

- en concevant des situations dans lesquelles ces outils sont mis en œuvre et en en analysant les usages.

Je prévoie de travailler sur ces questions dans le cas du prolongement du projet ALEX+ et DDART.

Concernant ALEX+, le travail de co-construction des indicateurs réflexifs avec le groupe de travail de la SCP vise à comprendre comment retraduire visuellement et en terme de gouvernance les principes des « Like » ou « follow » pour les réseaux sociaux grand public. Dans l’entreprise, ces indicateurs sont déconsidérés, jugées contreproductifs voire dangereux. La question est donc de savoir comment adapter le principe de l’appréciation et de la qualification de l’information pour des secteurs industriels et de l’information technique.

Concernant DDART, Mi Ji, dans son travail de thèse a réalisé un outil qui me semble, sous réserve d’en améliorer l’utilisabilité (en particulier le temps de réponse), adapté aux contextes d’apprentissage en mode projet. Tout l’enjeu dans la poursuite du travail sur DDART est de concevoir les situations de formation dans lesquelles il sera intéressant d’évaluer : a) sa pertinence sur le plan des apprentissages en terme de gain d’autonomie ou de changement de comportement, et b) son acceptation pratique et sociale de la part des élèves et des enseignants. L’INSA est un cadre favorable pour construire ces formations car Moodle est utilisé et l’apprentissage en mode projet est très développé. Je propose d’adapter la pédagogie du cours de gestion de projet du département GI, pour lequel je suis responsable des enseignements « planification-surveillance», et de faire des analyses situées concernant la qualité des affordances visuelles de DDART, des indicateurs construits par les élèves et de l’acceptation, par les enseignants, de cet outil et des pratiques d’enseignement proposées.

Plus globalement, si l’on considère, à l’instar des théories du constructivisme social, que l’utilité et le sens et la valeur d’une technologie se construisent dans l’usage et ne sont pas déterminés a priori, le déploiement à grande échelle d’EIAH(T) ou d’autres environnements numériques utilisant les traces va participer à construire de nouvelles cultures numériques. Celles-ci vont conditionner, tout en les construisant, les pratiques et valeurs portées par ces objets. La compréhension de ces phénomènes et la mise en place de formations pour sensibiliser la population à ces pratiques sont une nécessité si l’on ne veut pas voir se développer de nouvelles formes de fractures numériques au niveau sociétal.

6.3.3 Quelles   nouvelles   formes   de   médiation   basée   sur   la   re-­‐conception