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Auguste Verchère de Reffye et les ateliers de Meudon

européenne et la création du Musée des Antiquités nationales

89 GRAN-AYMERICH,

3.5 Auguste Verchère de Reffye et les ateliers de Meudon

Jean-Baptiste Auguste, Philippe, Dieudonné Verchère de Reffye, ou Auguste de Reffye, est né le 30 juillet 1821 à Strasbourg. Ce polytechnicien, qui rejoint le corps de l’artillerie de terre en 1845, va jouer un rôle majeur dans le développement de l’activité de moulage et de restauration dans le domaine de l’archéologie, et dans le lancement de la carrière d’Abel Maître. Techni- cien de l’artillerie moderne de premier ordre, il est un inventeur qui maîtrise la balistique, la mécanique et tous les domaines techniques de son arme. C’est aussi un mécanicien, capable de fabriquer lui-même ses pièces, et un artiste109. Le 22 août 1862, il est nommé officier d’ordon-

nance de Napoléon III et il le restera jusqu’à la chute de l’Empire. Ses capacités techniques, manuelles et artistiques ainsi que sa passion pour l’archéologie font de lui une personnalité indispensable dans l’organisation du musée des antiquités celtiques et gallo-romaines, en par- ticulier concernant tous les détails matériels. Il revendique d’ailleurs ses capacités techniques plutôt que scientifiques dans le domaine de l’archéologie, comme le montre la lettre écrite à Alexandre Bertrand le 10 janvier 1866110 :

« Pour ma part je suis tout prêt à faire ce que je pourrai comme ingénieur, mais non comme archéologue, pour les choses des cavernes ou de dolmen. Je n’y entends rien et ce n’est pas mon affaire. Je veux bien faire des vitrines, diriger des peintures ou des moulages, nettoyer des objets etc … Mais faire de la paléontologie, minéralogie, antropologie (sic) etc. merci ! »

Notons qu’il évoque dans cette lettre son travail de « nettoyage des objets » dont nous reparle- rons plus loin.

L’officier a par ailleurs été chargé par l’empereur d’expérimenter et de reconstituer les machines de guerre romaines. Pour cette étude, il exploite, entre autre, des ressources iconographiques jusqu’alors négligées comme principalement la colonne Trajane à Rome dont Napoléon III fit exécuter un moulage en 1861/1862111. Il effectue ses expériences et restitue ainsi la chirobaliste

dans un espace privilégié situé dans les haras de Meudon. Il publie son travail de recherche sur les pilums d’Alésia dans la Revue archéologique en 1864, et un autre, particulièrement nova- teur, sur les restaurations des objets en fer dans la même revue en 1865. De Reffye fait donc restaurer les armes d’Alésia pour pouvoir mieux les étudier, faire des expérimentations et en tirer les conclusions qui intéressent l’Empereur.

109 CHEW, 2001

110 Archives MAN, correspondance Verchère de Reffye, lettre du 10 janvier 1866

111 CHEW, 2001, note page 217 : « D’après une information que nous n’avons pas pu vérifier, A. de Reffye aurait été chargé par Napoléon III de superviser les opérations de moulage. »

Il fabrique également, dans l’atelier de Meudon, des machines de guerre antiques. De Reffye ne participe pas aux fouilles archéologiques et il écrit très peu d’articles. Sa passion pour l’ar- chéologie et la technique l’ont surtout mené à être, semble-t-il, l’un des premiers à pratiquer l’archéologie expérimentale.

L’atelier d’Études de l’Empereur est situé aux haras de Meudon dans le « clos de Chalais », dans le parc du Château de Meudon (Fig. 10). Aujourd’hui, à l’emplacement du haras, se trouve la soufflerie dynamique de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), ainsi que le hangar Y qui était destiné aux ballons dirigeables112. Le haras fut créé par le duc

d’Orléans, fils de Louis-Philippe, en 1820 et fermé en 1850. Il comptait alors dix écuries, un logement, un grand hangar. Le haras bénéficie également d’un important réservoir d’eau, le grand bassin. De plus, Meudon est relié à Paris par le chemin de fer (ligne Paris/Versailles) depuis 1840. L’Empereur demande en 1861 d’effectuer des travaux à cet emplacement afin d’y installer des ouvriers d’artillerie, une dépense de 15 000 francs est faite pour aménager l’atelier d’Études.113

De Reffye dirige cet atelier pendant toute sa durée de fonctionnement. C’est un centre de re- cherche sur les armes qui, pour le financement et les orientations, dépend directement du sou- verain jusqu’au 8 mars 1865, date de son rattachement au Dépôt central de l’artillerie. Il semble que les travaux relatifs à l’archéologie occupent surtout les premières années d’existence de l’atelier entre 1860/1861 et 1863114. De nombreux travaux pour le MAN furent menés à bien à

Meudon : construction d’un prototype de vitrine, du plan-relief d’Alise, fabrication d’un mé- daillier pour les monnaies d’Alise, restauration des objets, etc. Les événements internationaux de 1866 et 1867 obligeront l’atelier à se concentrer sur la production d’armement, faisant passer l’archéologie au second plan115. C’est justement à cette période, à partir de 1865, que l’activité

de restauration des armes et autres objets archéologiques est transférée de Meudon au musée de Saint-Germain. L’ouvrier d’artillerie Plasson est alors affecté exclusivement à ce travail au sein même du château. Cet atelier de Meudon existera jusqu’au début de la guerre de 1870 (août 1870).

112 JANSSEN, 1896, p. 53. Je remercie Dominique Proust, observatoire de Meudon, CNRS, de m’avoir communiqué cette importante référence.

113 CHEW, 2001. D’après l’auteure : « C’est à l’été 1861 que Napoléon III semble se souvenir des haras de Meudon. Une lettre du premier Ecuyer, Fleury, au ministre de la Maison de l’Empereur, le Maréchal Vaillant, indique que « l’Empereur désire que l’on installe dans le bâtiment occupé par le cultivateur, quelques ouvriers d’artillerie. Que l’on construise un hangar adossé à ce bâtiment et que l’on élève un mur en pierres sèches au bout du polygone adopté » (Peltier Marie, Le domaine de Meudon et les Jérôme Bonaparte, Ed. Les Amis de Meudon, Besançon, 1997, p. 53). Les travaux sont urgents, et une dépense de 15 000 F est autorisée. » 114 CHEW, 2001, p. 225

Nous allons évoquer maintenant le travail de restauration pratiqué à l’atelier de Meudon. Nous pouvons affirmer que c’est ici qu’est né un nouveau type de restauration des objets à partir de la problématique du fer archéologique : la restauration pour étude, dont l’objectif est de com- prendre l’objet dans ses dimensions, son profil, sa fonction et son utilisation par nos ancêtres. En effet, pour De Reffye, il s’agit non seulement de conserver la matière mais également, voire surtout, d’étudier l’objet en fer. Il accorde à ce matériau une importance capitale, porteur de nouvelles investigations :

« […] la connaissance des instruments en fer d’un peuple nous donnera le secret de sa vie réelle au point de vue pratique ; l’étude de l’outillage de ses industries, nous apprendra l’état de ces industries elles-mêmes. C’est un vaste champ, fécond en recherches intéressantes et utiles ; une porte nouvelle qui s’ouvre aux historiens. »116

Auguste Verchère de Reffye jette ainsi les bases de la restauration archéologique, telle que nous la pratiquons encore aujourd’hui.

116 VERCHERE de REFFYE, 1864

Fig. 10: Ateliers de Meudon

Une fois restaurés, les objets sont envoyés à Saint-Germain. D’après l’inventaire du musée, le premier envoi semble avoir été fait le 4 mars 1865, il s’agit de dix-sept objets provenant d’Alésia117.

3.6 La commission consultative pour la création